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Faire courir ensemble des bateaux différents
La passion des marins pour la régate ne date pas d'hier. Avant même l'avènement de la plaisance et de la compétition de voile, pêcheurs, pilotes et marins de commerce tentaient d'être les plus rapides, pour mieux gagner leur vie en vendant au mieux leurs marchandises ou leurs services. Mais pour plus d'équité, les régatiers ont rapidement souhaité fixer des règles du jeu. Et pour cela, ont émergé les règles de jauge. Fixant des limites à certaines dimensions, qu'il s'agisse de la longueur, de la largeur, du poids ou de la surface de voilure, chaque pays crée sa jauge à restriction.
Une formule internationale
Mais ces règles sont encore souvent nationales, ce qui pose un problème à la fin du 19ème siècle, alors que les régates s'ouvrent et réunissent des marins et des bateaux du monde entier, notamment lors des Jeux Olympiques ou des grandes régates de Cowes, Kiel et autres fiefs de la plaisance. Pour faciliter cette tâche, les grands pays du yachting du début du 20ème siècle se réunissent pour donner naissance à la Jauge Internationale, à Londres en 1906, avec l'Allemagne, les Etats-Unis, les Scandinaves, le Royaume-Uni et la France.
Un savant calcul d'architecture navale
Cette fois-ci, les artisans de la jauge ne se contentent pas de limiter des paramètres. Ils créent une sorte de formule magique s'appuyant sur 6 paramètres :
- L :la longueur corrigée
- B : le bau maximum
- G : la longueur de chaîne passant sous la quille, correspondant à la longueur d'une chaîne tendue depuis le livet jusqu'au bas de la quille (2 sur le schéma)
- d : la différence de circonférence, correspondant à la différence entre la longueur de chaîne et la longueur réelle de bordé sur une section transversale donnée. (1-2 sur le schéma)
- F : franc-bord mesuré
- SA : surface de voile mesurée
La première formule de 1907 est
R = (L + B + 1/2G + 3d + 1/3√SA – F) / 2
G et d permettent de prendre en compte les différences entre les répartitions de volume de carène, entre les couloirs lestés britanniques, très profonds et les plats à barbe américains, très larges, à l'époque.
De manière arbitraire, le comité crée 8 classes correspondant à des valeurs du rating R, exprimé en mètres. Il y aura ainsi les 5m JI, 6m JI, 7m JI, 8m JI, 10m JI, 12m JI, 15m JI, 19m J, et même les très rares 23 mJI.
Dimensionnellement, le calcul donne bien des mètres, mais il ne s'agit en fait d'aucun paramètre réellement existant. C'est ainsi qu'un 8 mJI mesure généralement autour de 14 mètres de longueur de coque et entre 9,50 et 9,75 mètres à la flottaison. De même, les 15 mJI approchent des 28 mètres de longueur hors-tout.
Quelques révisions et de superbes palmarès
La jauge internationale est loin d'être parfaite. Elle évolue dans le temps, avec plusieurs versions, dont la dernière datant de 1960 pour les 2,4 mJI, 6 m JI, 8 mJI et 12 m JI, ne comptant plus que 4 paramètres : R = (L + 2d - F + √S) / 2.37.
Entre-temps, les 8 mJI furent une classe olympique, tandis que les 12 mJI firent pendant de nombreuses années les stars de la Coupe de l'America. Bijoux d'architectures classiques, nombre de "métriques" font le bonheur des amateurs lors des rendez-vous de régates en Méditerranée comme en Atlantique.