Interview / Explore : Depuis 10 ans, Roland Jourdain porte la transition en mer et à terre

Lancée par le skipper Roland Jourdain et sa compagne Sophie Verceletto en 2013, la fondation Explore fête ses 10 ans. L'occasion d'échanger sur une initiative née de la mer, pour des enjeux qui la dépassent, mais dont les réflexions incluent la plaisance.

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La fondation Explore, créée par Roland Jourdain et Sophie Verceletto, fête ses 10 ans à Concarneau en juin 2023. La structure, qui soutient des projets œuvrant pour la transition écologique, organise pour l'occasion 3 soirées publiques dans la criée du port breton, afin de présenter les travaux des explorateurs soutenus depuis sa création, de mener des débats sur l'exploration moderne. En amont, nous avons rencontré le couple de fondateurs pour revenir sur le rôle de la fondation et les leçons de ces 10 ans, notamment pour le milieu maritime.

Pouvez-vous nous rappeler l'origine de la création d'Explore ?

Roland Jourdain : C'était dans nos têtes à tous les deux depuis plusieurs mois, voire années avant la création d'Explore. Il y a eu un an de travail avant le réel lancement. A la fin des années 2000, nous avions la volonté de diversifier Kairos qui ne s'occupait que de mes projets de course au large, avec un volet transmission pour faire profiter de l'expérience à de nouveaux skippers, mais aussi vers les sujets environnementaux. Nous avions soif de comprendre combien on coûtait à la planète avec nos bateaux.

C'est là que l'on a fait nos premiers pas vers les fibres végétales, sous toutes leurs formes. Chemin faisant, nous avons filé des coups de main à des gens qui faisaient des choses pour la planète. Ces gens étaient injustement dans l'ombre alors que l'on avait le feu des projecteurs. On a donc eu l'idée de créer une structure pour les soutenir. L'idée d'Explore est qu'il y a une infinité de solutions pour vivre les uns avec les autres. Dans la nature, il y a 80 % de collaboration pour 20 % de compétition, alors que nous, Humains, on est tout le temps dans la compétition.

Le catamaran We Explore, porte étendard de la fondation avec lequel Roland Jourdain a couru la Route du Rhum
Le catamaran We Explore, porte étendard de la fondation avec lequel Roland Jourdain a couru la Route du Rhum

Quelle est la mission d'Explore ?

Sophie Verceletto : Les 3 missions d'Explore sont d'expérimenter, de coopérer et d'inspirer. Pour cela, il y a 2 piliers : l'incubateur pour accueillir des explorateurs et la diffusion, avec des programmes pour sensibiliser. On a commencé dans les écoles bretonnes avec le rectorat de Rennes, puis dans le supérieur avec le programme Campus. On vient d'accompagner l'Ecole Centrale Nantes pour un module low-tech.

Combien d'explorateurs avez-vous accompagnés depuis la création d'Explore ?

RJ : Je n'ai pas le décompte exact. L'idée était avant tout de bien accompagner et dans le long terme. Nous ne sommes pas une fondation d'entreprise qui se contente d'un chèque dans l'année. C'est comme un arbre qui a grandi. On n'avait pas un business plan sur 10 ans. Under The Pole est un exemple type. Ils nous ont rejoints après leur 1ère expédition qui avait très bien marché, mais leur partenaire arrêtait. La quatrième mission est aujourd'hui en préparation. On a aussi eu Corentin de Chatelperron, Nomade des Mers et le Jutelab, puis le Low-tech Lab. Aujourd'hui, Simon Bernard, à l'origine de Plastic Odyssey a commencé comme bénévole de Nomade des Mers, Victor Rault, de Captain Darwin a mûri son projet après avoir lu un livre sur Darwin alors qu'il était médiaman pour Under The Pole...

Under The Pole © FRANCK GAZZOLA / UNDER THE POLE / ZEPPELIN NETWORK
Under The Pole © FRANCK GAZZOLA / UNDER THE POLE / ZEPPELIN NETWORK

Quelles ont été les bonnes et mauvaises expériences s'il y en a eu ?

SV : Ce qui est intéressant est d'être ensemble au quotidien, pour les coups de main et les coups de blues. Pendant les expéditions, il y a toujours une partie des équipes à terre à Concarneau. Cela permet d'avoir un impact local pour la transmission en plus du voyage.

RJ : Le plus dur est de soutenir une expédition loin, comme on l'a fait avec Vaa Motu, dans les Tuamotu. C'est plus difficile avec la distance.

Quelles sont les passerelles entre les expéditions pas toujours marines et le cœur d'activité maritime de Kairos ?

RJ : Le premier lien, que l'on n'avait pas identifié nécessairement au départ, est qu'en mer on sait qu'en général tout ne va pas se passer comme prévu. Quand on s'est lancé dans les biomatériaux, on voulait trouver une solution technique parfaite, mais on voit bien que tout a un impact. On se rend compte que la première chose est donc de questionner les besoins avant de chercher les solutions techniques. L'habitude du bateau aide à faire évoluer ses objectifs.

L'autre point évident est le lien terre-mer. Nos bateaux partent de la terre, et il est important de regarder leur sillage à terre.

Les expérimentations à bord de Nomade des Mers
Les expérimentations à bord de Nomade des Mers

Dans l'autre sens, les réflexions de nos explorations peuvent aider à revisiter les bateaux de croisière. Tout est lié aux besoins énergétiques. Par exemple en mangeant différemment, on peut se passer de frigo et avoir besoin de moins d'électricité. Avec peu de choses à bord, il y a moins à réparer. Avec des choses démontables, la déconstruction est plus facile, le bateau peut avoir plusieurs usages, on peut mettre moins de colle, ce qui ramène aux sujets techniques de construction des bateaux et aux problèmes des résines. Il y a un travail au niveau marketing à faire entre le discours des acheteurs et des vendeurs, de la pédagogie et des preuves de concept, car une partie des plaisanciers serait prête, selon moi, à plus de sobriété.

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