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Continuer de faire vivre nos bateaux non utilisés
Lancée en 2017, la société nantaise Bathô s'est spécialisée sur la rénovation d'anciens bateaux de plaisance pour les transformer en habitation insolite à terre. Depuis 2021, elle a été reprise par un groupement tripartite, notamment le groupe associatif SOS, à travers sa branche transition écologique et économie circulaire. À la tête de ce chantier naval insolite, Thibault Saint-Olive, architecte naval de métier, assure le rôle de chef d'atelier et de directeur. L'activité reste la même : donner une seconde vie à nos chères embarcations plutôt que de les donner à la déconstruction.
Des modèles des années 70 à 80
Bathô travaille principalement sur des modèles anciens des années 70/90 qui ne trouvent plus forcément acquéreur de nos jours. Les dimensions sont aussi importantes comme l'explique Thibault Saint-Olive : "Mon modèle de prédilection est le Sangria. J'ai aussi envie de travailler sur un Tequila, je ne l'ai pas encore fait. Ce sont des modèles dont le nom fait très vacances, et ça s'y prête bien. Pour créer un habitat insolite, il faut des voiliers entre 7,50 et 9 m de long. Je me contrains aussi au gabarit routier, un maître-bau d'environ 2,50 m, avec un maximum de 3 m."
Nouveauté, proposer des parties de bateaux
Depuis le rachat, le directeur a également introduit une nouveauté. Les bateaux trop petits sont coupés en deux et chaque partie est utilisée pour une utilisation spécifique. Il détaille : "Les Love Love ou les Flirt sont trop petits pour offrir une vraie cuisine ou une douche. Je les récupère et les coupe en deux pour créer ces éléments séparés. La partie avant se positionne à la verticale et devient une cuisine, un cabinet de toilette, une boîte à livres et à jeux ou encore une cabane de plage. C'est un vrai totem avec un volume sympa. La partie arrière du cockpit est revue en espace de pique-nique. La seule perte c'est une tranche de 30 à 40 cm entre le cockpit et la descente. Le cockpit est refermé avec de la stratification et la pointe avant est posée sur une base qui sert de plancher."
L'architecte a également développé un nouveau concept sur un modèle plus grand de 9,50 m. La terrasse arrière - ajoutée en plus du cockpit - disparaît pour laisser une entrée principale latérale dans la coque. Le cockpit arrière est découpé et transformé en bain de soleil privatif, et l'espace en dessous est transformé en "fourre-tout enfant", avec un lit qui passe sous la descente, comme une sorte de dortoir. Il détaille : "Le bateau garde sont effet Waouh avec une vraie hauteur sous-barrot et une entrée latérale dans la coque. Les bateaux plus petits traditionnels sont équipés d'une terrasse avec une entrée classique dans le cockpit."
500 heures de travail pour remettre à neuf un bateau
Chaque bateau récupéré est dépollué, désodorisé, évidé de ses batteries et complètement transformé. Les différentes matières - chute de composite, de bois - sont ensuite triées à la manière d'un centre de tri. Le gréement est toujours réutilisé, mais tronqué pour la stabilité et le matage et le démâtage avant et après saison, la filière en inox rénové et reposée. Les moteurs sont bien évidemment sortis et remis sur le marché de l'occasion après quelques réparations.
Thibault explique : "Il y a pas mal de bons moteurs qui avaient des fuites inaccessibles à réparer dans la cale moteur. Une fois déposés, il suffit de les réparer, car certains ont encore de beaux jours devant eux. Pour les moteurs hors-bord, je conseille aux clients de les valoriser eux-mêmes. De même, s'ils ont des équipements à garder. Ça permet aussi de réduire les coûts de transport par exemple."
Comme pour la filière de déconstruction, le transport du bateau, grutage, démâtage... est aux frais du propriétaire, sauf s'il peut l'emmener par ses propres moyens. Il faut compter environ 1 000 € pour 100 km, mais certaines fois, une alternative est possible, comme l'explique le directeur : "Souvent je prends 100 % des frais à ma charge. Tout dépend de la personne que l'on a en face. Pour certains, c'est un don qui offre une seconde vie à leur bateau. Ça les rassure, car il a une valeur émotionnelle. Lui trouver une seconde vie leur fait plaisir et en croisière mobile, ça donne du sens."
Une fois vidé et nettoyé, le bateau est entièrement refité et tout est remis à neuf comme l'explique Thibault : "On gratte tout, on ré-enduit, on peint en qualité marine, on pose du contreplaqué, on refait la sellerie. C'est un budget important. Par exemple, pour un Sangria, le poste sellerie représente 4 000 €. Tout ce qui est décoratif et pas kitch est réutilisé. On allie le simple à l'efficacité et au propre. Nos bateaux sont l'éloge de la simplicité, fonctionnels et simples, mais bien faits. On essaye de proposer les bateaux les plus qualitatifs possibles. Après avoir travaillé 4 ans au Bangladesh à faire des bateaux utiles, j'ai travaillé chez Amel sur les 50 et 60 pieds. Avec Bathô je mélange mes différentes expériences. Ce sont de beaux objets sans pour autant trop complexifier les choses pour maîtriser le temps de production, qui est de 500 heures pour un bateau. L'idée c'est qu'une fois remis à neuf, il puisse durer encore 10 ou 15 ans."
Chaque bateau est doté d'un équipement complet : machine à café Nespresso, plaque à induction, frigo de 40 L, micro-ondes... Les réseaux électriques de 220 et 12 volts sont également refaits. L'ensemble peut être autonome en énergie grâce à l'installation de panneaux solaires et de l'éolien.
Habitat insolite en résidence hôtelière ou pièce de vie en plus pour les particuliers
Si la majorité des bateaux transformés en habitation insolite sont vendus à des campings ou des installations hôtelières, certains particuliers font le choix d'acquérir un modèle pour gagner une pièce en plus, ou pour créer un gîte. Du full custom est aussi proposé par l'entreprise nantaise, à l'image d'un bateau transformé en salle de réunion avec un espace de coworking pour 8 personnes.
Thibault conclut : "Il y a pas mal de bateaux posés chez des particuliers pour rajouter une pièce à la maison et recevoir amis ou enfants. Une cliente a eu un coup de cœur pour une Victorian de chez Wauquiez. Elle a adoré le concept d'avoir dans son jardin un beau bateau pour ses petits enfants. On peut aussi avoir un petit bureau dans son jardin."
Chaque modèle est vendu entre 26 000 et 28 000 € sans les frais de transport. Le bateau est ensuite acheminé dans son nouveau lieu de vie et raccordé aux différents réseaux, préparés par les clients. Pour les eaux grises, elles sont récupérées dans un bac phyto épurateur. Le bateau est posé sur un ber, installé de manière non intrusive avec de grandes vis. Viennent ensuite s'y greffer la terrasse extérieure et les différents éléments associés.