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Lancer un messager aux lamaneurs
Avez-vous déjà essayé de lancer l'amarre de l'Hermione à la volée ? Ou celle d'un grand voilier de charge du XIXème siècle comme le Belem ? Même si vous avez un gabarit de lutteur et que vous lovez les cordages comme un pro, cela devrait être compliqué, étant donnés son poids, son diamètre et sa longueur. Et encore plus si celle-ci est en chanvre gorgé d'eau. Pour faire face à cette difficulté, les marins ont imaginé une parade. Si lancer est trop complexe, tirer une charge lourde sera plus aisé. Il s'agit donc de faire passer un messager à quelqu'un sur le quai lors d'un amarrage ou sur l'autre navire lorsqu'il s'agit de préparer un remorquage.
Ce filin, plus léger et de faible diamètre, est baptisé en français touline. Si sa consonance sonne familière dans la langue de Molière, son origine est pourtant à chercher de l'autre côté de la Manche. Touline est en effet une déformation de tow-line, qui signifie bout de remorquage ou de traction. En effet, une fois réceptionnée par le lamaneur, nom utilisé dans la marine professionnelle pour le personnel en charge de l'amarrage dans les ports, la touline est récupérée à terre. Connectée à l'amarre de gros diamètre, celle-ci se déroule depuis le navire, au fur et à mesure que la touline est hâlée à terre.
Lester la touline
Vous avez probablement déjà essayé de lancer un objet léger et souple. Maîtriser le lieu d'atterrissage est délicat, qui plus est sur un bateau qui bouge et dans des conditions météo ventées. Lester le bout de la touline est le moyen le plus simple de garantir un minimum le résultat du lancer. Les matelots ont donc pris l'habitude d'accrocher au bout de la touline un poids.
Si cela a commencé vraisemblablement par de simples cailloux, il s'est vite avéré que d'entourer le lest de cordage amortirait le choc à terre, voire avec le marin qui réceptionne la touline... L'art du matelotage a fait le reste pour créer un joli nœud, recouvrant le lest pour former une élégante sphère : la pomme de touline. L'analogie avec le fruit est évidente.
Entre savoir-faire maritime et déco
Aujourd'hui, la pomme de touline est rarement utilisée par le plaisancier. La taille des aussières et leur poids, moindre grâce aux nouvelles fibres, même pour les grandes unités, ne justifie plus son usage. Mais sur les grands navires, il est toujours utile de lancer une touline, parfois à la main et pour les grandes distances grâce à un lance-amarre. Néanmoins, savoir en réaliser une pourra toujours servir, par exemple pour faire un va-et-vient entre deux bateaux en mer, ou pour établir le lien avec un navire plus grand en cas de remorquage en pleine mer.
La pomme de touline figure désormais surtout pour le grand public au rayon déco et souvenir des magasins de bord de mer. Elle y fait un excellent porte-clefs !
