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La nature offre bien des surprises. Elle génère des phénomènes impressionnants comme les maelstroms marins, ces tourbillons inexorables qu'on retrouve dans la littérature de Jules Verne ou d'Edgar Allan Poe. Qu'en est-il en réalité ? Voici un exemple avec le Corryvreckan, l'un des trois plus grands maelstroms au monde.
Un tourbillon dans les îles écossaises
Le détroit de Corryvreckan se situe dans l'archipel des Hébrides intérieures en Ecosse. Il sépare les îles de Jura et de Scarba, et relie l'océan Atlantique avec le bras de mer du détroit de Jura. Le passage est un goulet d'étranglement de 1100 mètres de large dans sa partie la plus étroite, et d'environ un kilomètre et demi de long.
Le courant de marée qui s'y concentre le rend impropre à la navigation selon la Royal Navy. En effet, outre le courant qui peut dépasser les 8 nœuds, il s'y forme des tourbillons et des vagues stationnaires pouvant atteindre 8 mètres de hauteur.
Ces manifestations sont en grande partie dues à la présence d'un pilier de basalte de près de 170 mètres de hauteur au milieu du détroit, créant un haut fond à 29 mètres sous le niveau de l'eau. Ce pilier est appelé The Old Hag, c'est-à-dire la vieille sorcière…
L'histoire et les légendes du Corryvreckan
La force de ce courant et des phénomènes qu'il génère, ont favorisé l'émergence de nombreuses légendes. On dit par exemple en Ecosse, que la sorcière de l'hiver, Cailleach Bheur, utilise le détroit du Corryvreckan pour laver son grand plaid à l'approche de l'hiver. Le lavage dure trois jours, et le bruit de la tempête qu'il génère s'entend à des kilomètres à la ronde.
Lorsqu'elle a terminé de laver le plaid, le tissu est d'un blanc pur et devient la couverture de neige qui recouvre la terre. C'est pourquoi on l'appelle le détroit du Corryvreckan. En gaélique, le Coire Bhreacain, peut se traduire par le "chaudron du plaid".
Gilbert Pillot considère lui, dans son ouvrage Le code secret de l'Odyssée, que le Corryvreckan n'est autre que les tourbillons de Scylla et Charybde, une grotte de l'île de Scarba.
Enfin, le célèbre auteur George Orwell, qui s'était retiré sur l'île de Jura pour écrire son fameux ouvrage 1984, a bien failli tomber un jour dans le tourbillon du Corryvreckan, lors d'une promenade en barque.
Passer le Corryvreckan en bateau
Il est malgré tout possible de franchir le Corryvreckan en bateau. Comme dans toute zone de fort courant, il faut toutefois bien choisir son moment et des conditions météorologiques appropriées. Lorsque le temps est très calme, le Corryvreckan peut ainsi être passé à l'étale, c'est-à-dire au moment de la renverse de marée.
Des mouillages d'attente se situent de part et d'autre du détroit, sur l'île de Jura. Celui de port Tiobairt, côté détroit de Jura, est splendide et abrite une colonie de phoques curieux. L'endroit est également connu pour être une zone de reproduction des aigles.
Une fois dans le détroit, mieux vaut s'éloigner des côtes, être prudent et vigilant à tout moment et suivre les règles de sécurité en navigation. Chaque personne à bord doit être équipée d'un gilet de sauvetage, de préférence avec une longe attachée au bateau.
En effet, une expérience menée par une maison de production écossaise, Northlight Productions, a consisté à jeter un mannequin équipé d'un gilet de sauvetage et d'une sonde de profondeur dans les remous du Corryvreckan. Le mannequin, après avoir été aspiré, a été retrouvé loin en aval. Sa sonde indiquait qu'il avait été entraîné à une profondeur de 262 mètres, et les marques qu'il portait montraient qu'il avait raclé le fond sur une longue distance.
Guillaume, qui a passé le détroit sur un voilier de 33 pieds, raconte : « Vent dans le pif, on sort du Loch Craignish pour s'engager dans les courants du fameux golfe de Corryvreckan, précédé par des tourbillons et des barres aux remous impressionnants. J'avais pris le temps de bien faire mes calculs avant de m'engager, grâce au Reeds, un bouquin très pratique.
Il y avait des remous partout et 9 nœuds au compteur, malgré un vent modéré. En fin de parcours, il y a une barre avec des grosses vagues qu'il est surprenant d'emboutir après les remous plats de l'étroiture. Quand on repasse le Corryvreckan en sens inverse, le courant est laminaire cette fois-ci, mais toujours aussi fort. Le compteur affiche 10 nœuds. »