Écoutez cet article
Les passes d'Arcachon, un passage délicat
Le Freya est un Najad 570, un solide sloop construit en Suède et taillé pour la croisière hauturière. Son équipage est composé du couple propriétaire, accompagné de deux amis. Après un tour du Danemark, le skipper décide de continuer sa croisière vers Lisbonne, en cabotant le long des côtes françaises. Après une escale à la Rochelle, il est en approche d'Arcachon le dimanche 11 septembre 2022 au petit matin.
Le Freya est récent et très bien équipé. Il déplace presque 30 tonnes pour un tirant d'eau de 2.7 mètres.
La passe sud étant fermée à la navigation, l'unique entrée dans le bassin d'Arcachon se fait par la passe Nord. Alors que le Freya s'y engage au moteur, il est pris dans une "caouen", un petit banc de sable qui se crée naturellement.
"Les caouens sont très fréquentes dans le bassin" nous précise Sébastien Duluc, le président de la station SNSM basée à Lège- Cap Ferret.
"A chaque marée, ce sont près de 250 millions de mètres cubes d'eau qui se déplacent, et les mouvements de sables sont très fréquents. Chaque année, le balisage est modifié afin de suivre l'évolution des fonds et réajuster les chenaux."
Rapidement, le sondeur passe de 10 à 3 mètres. Le fond remonte trop rapidement pour avoir le temps de manœuvrer, et le Freya s'immobilise dans le sable. Le vent est fort et le courant toujours très violent dans ce secteur. Le coefficient de 98 ajouté aux courtes vagues poussent le Freya sur le banc du Toulinguet. Malgré les 200 chevaux du moteur, le skipper ne parvient pas à rejoindre le milieu du chenal. Pris au piège à marée descendante sur un voilier gité à 70 degrés, l'équipage signale sa détresse au Cross Etel.
Julia, qui était à bord du Freya, explique : "Nous nous sommes vraiment sentis impuissants face au courant et aux vagues qui ont poussé sur le banc de sable. Le bruit des vagues et les chocs sur la coque étaient impressionnants et nous avons eu très peur."
Un premier équipage de secouristes en semi-rigide se rend rapidement sur place, afin de constater que le bateau est déjà au sec. L'équipage est sauf et le Najad est couché sur son flanc bâbord, sans dégâts apparents.
Aucune manœuvre ne pouvant être tentée, la moitié de l'équipage naufragé est ramenée à terre, tandis que le couple de propriétaires reste à bord.
Un remorquage laborieux
Le dimanche en fin de journée, le canot tout temps Gema est mobilisé pour sortir le Freya de ce mauvais pas. Les coefficients de marée déclinant dès le mardi, la fenêtre de tir est très courte. Si l'opération échoue, le Freya restera sur son banc de sable de longs mois, en attendant le retour des grandes marées.
La première tentative est un échec, le Freya ayant juste pivoté sur son flanc, mais sans rejoindre des eaux libres.
Une 2eme intervention est alors programmée le lundi en fin de journée, afin de profiter du dernier grand coefficient de l'année.
Treize équipiers, le canot tout-temps et un semi-rigide sont mobilisés pour cette opération de grande ampleur. Une première remorque de 200 mètres est passée entre le Freya et le canot tout temps, dont les moteurs développent 700 chevaux. Mais celle-ci cède rapidement et une deuxième remorque est installée autour du mât du Freya, et l'opération reprend très rapidement.
Sous les coups de boutoir des vagues, le safran se brise pendant cette deuxième tentative de renflouement.
Grâce au shorebreak, les fortes vagues qui brisent sur le rivage, le Freya bascule d'un bord à l'autre en s'appuyant sur sa quille, qui creuse un profond sillon.
Après 1h30 d'efforts, le Freya est de nouveau à flot, et sera remorqué au port d'Arcachon. Aucune voie d'eau n'est constatée, mais le voilier devra être tiré au sec afin de remplacer le safran, et de réparer un enfoncement de la coque.
Pas d'erreurs de navigation, mais une mauvaise combinaison d'éléments
Aucun blessé n'a été déploré dans cette opération, tant du côté de l'équipage que des nombreux sauveteurs bénévoles. La qualité de fabrication du Freya lui a permis de bien vivre cet échouement, qui aurait pu se solder par la perte totale du voilier.
Après étude de l'historique du lecteur de cartes du Freya, celui-ci n'est pas sorti du chenal, mais se trouvait sur la gauche de celui-ci. Une mauvaise combinaison des éléments avec des bancs mouvants, ainsi qu'une météo musclée ont rendu les conditions d'entrée par la passe très délicates. Elles ont mené à cet échouement.
Au vu des conditions, il aurait idéalement fallu relâcher sur un autre port, mais avec une telle unité et un tirant d'eau de 2.7 mètres, les possibilités de se dérouter vers un autre abri sont très limitées dans le secteur.
"Ce type d'intervention est assez fréquente sur le bassin, mais il est rare que cela concerne des voiliers de cette taille." conclut Sébastien Duluc.