Écoutez cet article
Les cotres pilotes, ou Pilot Cutter en anglais, sont des voiliers dessinés pour aller au-devant des navires marchands et les guider vers le port. Au 19e et 20e siècle, pour "servir un bateau", il fallait arriver le premier. C'est pourquoi ces pilotes devaient être rapides. En plus, faute des moyens de communication actuels, les pilotes attendaient souvent plusieurs jours l'arrivée des bateaux. Ils devaient donc parfaitement tenir la cape. Ces performances en faisaient de bons voiliers de régate, et quelques-uns se sont fait remarquer sur les épreuves courues à l'époque.
Des entrées d'eau fines et peu de trainée
Ces voiliers dessinés sans plan, à partir de demi-coque taillée à la main, se reconnaissaient par une étrave droite surmontée d'un bout-dehors et une grande surface de voile. La longueur de coque au 19ème siècle variait autour de 15 m, même si avec le temps, le besoin de rapidité se faisant sentir notamment pour suivre les vapeurs, certains pilotes ont vu leur longueur augmenter.
Des marins réfractaires
Madcap a été construit en 1874, c'est le plus ancien cotre pilote navigant, encore d'origine. En effet, il existe certaines répliques de modèles plus vieux, mais ce ne sont que des copies. Il a été construit aux Scilly dans le chantier Pellew, pour servir à Bristol, une zone où le marnage est énorme, jusqu'à 14 m, où le vent d'Ouest entre dans cette baie ouverte et la mer est rapidement hachée. Il fallait sans conteste savoir naviguer pour se lancer dans ces parages. Chaque port de commerce qui accueillait des navires marchands avait sa flotte de pilotes. Une flotte peu réglementée ni régulée, dont on disait des marins qu'ils appréciaient peu les ordres et la discipline…
Trois hommes à la manœuvre
À l'époque les cotres pilotes étaient menés par un équipage de trois personnes. On trouvait à bord le marin qui restait à la barre, le mousse à la manœuvre et le pilote qui avait en charge d'embarquer sur le navire de commerce. Pour le rejoindre, le mousse mettait à l'eau une chaloupe et ramait avec le pilote à bord.
Fortement toilé
Côté voile, les pilotes possèdent le plus souvent une grand-voile à corne et 3 focs : une trinquette avec 3 ris - la voile à tout faire -, un foc et un clin foc, tous deux sur le bout-dehors de 1,50 m. Une voile de flèche porte la surface de toile à 130 m² environ. Si l'équipage a déjà mené Madcap à la vitesse maximale de 12 nœuds dans des surfs par vent fort, sa vitesse de croisière est de l'ordre 5 à 6 nœuds avec 15 nœuds de vent. Le plus impressionnant reste son équilibre sous voile, une fois bien réglé, Madcap restant très neutre à la barre.
Si le bateau pèse 24 tonnes, c'est en partie lié au surdimensionnent de la structure en bois : nous sommes en présence d'un bateau de travail soumis à de rudes conditions. Un lest en béton est aussi coulé dans les fonds.
Les aménagements intérieurs sont assez succincts, juste pour permettre à l'équipage de se protéger un peu, mais aussi pour laisser le pont dégagé afin d'y stocker et mettre à l'eau le canot.
Une rénovation française
Madcap a été racheté aux Anglais pour se rendre à La Rochelle. Là, dans le port de La Pallice, il a subi une rénovation en profondeur pour le remettre à l'état d'origine. Il a notamment perdu sa barre à roue pour retrouver une barre franche, comme à l'origine, et sa coque bordée en orme de 45 mm a été revue en profondeur. À noter, la présence du moteur, ajouté en 1936, qui aide désormais aux manœuvres de port.
Désormais méditerranéen
Ayant changé de main, Madcap navigue désormais en Méditerranée avec Canet-en-Roussillon comme port d'attache. Les navigations à bord se font sans aucune aide, ni winch ni autre assistance. Il faut tirer sur les palans pour tenir fermement la barre et jouir du plaisir de la navigation sous voile à l'ancienne. L'Association Madcap 1874, qui a désormais en charge le voilier, aimerait l'utiliser pour favoriser les échanges en faisant découvrir la voile traditionnelle au travers des sorties, mais aussi de l'entretien du voilier.
On retrouvera donc Madcap sur toutes les classiques de Méditerranée, à commencer par les Voiles de Saint-Tropez en septembre 2022.