Comprendre la Limite Terre-Mer et son utilité pour les plaisanciers

Le goulet de Brest avec, en magenta, la nouvelle limite Terre Mer

Chaque jour, sur toutes les mers du globe, la limite visuelle entre la terre et la mer évolue. Le SHOM a récemment mis à jour toute la cartographie fixant, sur le papier, les limites entre la terre et la mer. Une donnée utile au plaisancier sous de multiples formes.

Écoutez cet article

Julie Le Coz est une géomaticienne, technicienne civile depuis une dizaine d'années au sein du Service Hydrographique et Océanographique de la Marine - SHOM. Sous le mot "géomatique" se cachent en fait deux concepts bien connus de tous, la géographie et l'informatique.

Julie Le Coz, Géomaticienne au sein du SHOM
Julie Le Coz, Géomaticienne au sein du SHOM

A la croisée d'un savoir-faire séculaire et d'un outil moderne

La géographie ou l'art d'écrire le terrain. Que ce soit au travers de cartes, de croquis ou de photographies aériennes ou par satellite, le terrain, c'est-à-dire la planète Terre, est représenté dans sa quasi-totalité par la géographie.

L'informatique vient ajouter une dose d'intelligence à la mise en relation de ces éléments divers au sein de gigantesques bases de donnée, intégrant entre autres : photos satellites, relevés de terrain...

Le métier de Julie est de faire parler les ordinateurs pour qu'ils fournissent des informations correctes et exploitables. De formation, Julie est géographe en aménagement d'espaces littoraux et a ajouté une spécialisation technique en géomatique. Elle fût d'abord géomaticienne hydrographe civile en tant que navigatrice, donc embarquée.

Spécialiste du trait de côte

La spécialité de Julie Le Coz, c'est le trait de côte. Elle explique son importance. "Au Shom, la sécurité de la navigation est un impératif ! C'est pourquoi, une connaissance précise et à jour du trait de côte est le préambule à toute création de carte marine. Un navigateur doit pouvoir avoir ainsi une confiance sans faille en sa carte, afin de tracer sa route en toute quiétude."

Le trait de Côte - aujourd'hui Limite Terre Mer - est la base de la cartographie mixte
Le trait de Côte - aujourd'hui Limite Terre-Mer - est la base de la cartographie mixte

La spécialiste explique : "Le projet de révision de la limite terre-mer, qui est maintenant le nom officiel du trait de côte, est apparu en 2014. Les relevés précédents dataient du début des années 2000 et la précision n'était plus suffisante. Les cartes étaient mises à jour mais il n'existait pas de base de de données de référence. En 2000, trait de côte Histolitt (TCH) a été créé entre le SHOM et l'IGN. Peu précis, il était devenu obsolète sur certaines zones, parfois incomplet et, ainsi, ne répondait plus aux acteurs du littoral. La tempête Xynthia a mis en lumière le manque d'un trait de côte de référence, et a entrainé une prise de conscience des acteurs publics littoraux sur la nécessité de protéger le littoral par rapport au recul du trait de côte ou au risque de submersion marine."

Sur l'Ile Melon à Porspoder, la limite terre mer apparait en magenta
Sur l'Ile Melon à Porspoder, la limite terre mer apparait en magenta

Un gain énorme en précision et peu de lissage.

Le TCH disponible jusqu'alors offrait une précision de l'ordre de parfois plusieurs dizaines de mètres. La géomaticienne souligne le gain. "De nombreuses zones étaient lissées lorsqu'une information plus précise n'était pas disponible. La nouvelle limite terre mer est précise en moyenne à 2 mètres. Elle ne contient presque aucun lissage et garde ainsi un maximum de détails. Seules les infrastructures portuaires ont été nettoyées afin d'y avoir un rendu le plus propre possible."

La limite terre mer actuelle, ici en magenta, n'est plus extrapolée et colle au plus près de la réalité géodésique
La limite terre mer actuelle, ici en magenta, n'est plus extrapolée et colle au plus près de la réalité géodésique

"Les données qui alimentent la base de données proviennent à la fois d'établissements publics à caractère administratifs - EPA, le Shom et l'IGN, pour le croisement et l'enrichissement de la donnée, ou d'autres organismes publics pour le remplissage attributaire de la donnée finale." Hors de question, en effet, que quiconque n'ayant pas autorité puisse venir ajouter ou modifier un relevé réalisé grâce à des outils de pointe.

La source de la donnée conditionne sa précision

Comme tout modèle mathématique, plus la source est précise, meilleur sera son résultat. Julie précise ses sources. "Deux données essentielles ont été prises en compte au premier plan. Un MNT, Modèle Numérique de Terrain, de litto3d qui a permis de connaître le relief de l'estran. Puis la surface de la marée PHMA ou Plus Hautes Mers Astronomiques. C'est le croisement de ces deux informations qui a dessiné les contours de la limite terre-mer."

 C'est le croisement des données qui crée la précision du produit
C'est le croisement des données qui crée la précision du produit

Le MNT, la marée, et d'autres données ont permis d'affiner cette limite pour répondre à une question simple, savoir où s'arrête la mer et où commence la terre.

Un problème d'importance, jusqu'où montera la mer ? 

La question n'est pas si anodine que cela. Elle concerne la connaissance du point le plus haut où montera la mer selon les contextes et les circonstances. La limite établie est celle de la PHMA au coefficient 120 et à la pression moyenne de 1015 hectoPascals, soit la Pression Atmosphérique, et en l'absence de vent du large.

La spécialiste ajoute : "C'est un référentiel unique qu'il fallait créer pour que chacun parle de la même chose". Cette limite de référence pourra devenir limite administrative pour la gendarmerie maritime, limite cadastrale pour l'équipement ou, encore, limite de zone de pêche.

Remise en cause d'usages et d'habitudes

Ce nouveau référentiel a remis en cause de nombreux usages qui, au fil des ans, étaient devenus des habitudes, grignotant quelques mètres de littoral de-ci ou de-là. "La limite terre-mer fournit donc en ce sens un nouvel outil aux acteurs publics du littoral".

La baie du Mont Saint Michel telle que vue par la nouvelle limite terre mer
La baie du Mont Saint Michel telle que vue par la nouvelle limite terre mer

Ainsi, les communes disposent maintenant d'une lecture plus claire et précise de leur domaine public maritime et de ceux des plaisanciers qui devront, ou non, s'acquitter de taxes d'occupation.

Julie Le Coz insiste sur la connaissance de l'environnement. "La mise en place de cette nouvelle limite terre mer est une opportunité sans précédent d'offrir aux usagers une meilleure connaissance de leurs environnements. Ainsi, ce sont plus de 5 000 ouvrages de mise à l'eau qui ont été recensés. Depuis de simples cales à semi-rigides jusqu'aux embarcadères de ferry, nous disposons maintenant d'une vision bien plus exhaustive quant aux moyens d'accès à la mer depuis la terre."

Base de données ouverte et mise à jour

En application de la politique d'Open Data de l'Etat Français, les données non stratégiques sont disponibles en Open Data pour tous les utilisateurs. Ainsi, une association de kayak de mer peut-elle par exemple ajouter des bouées auxquelles les pratiquants pourront s'amarrer pour débarquer. Ou encore une association de plaisanciers peut elle superposer à la limite terre-mer les bouées à la disposition de ses membres.

La spécialiste termine : "La base de données que le SHOM met maintenant à disposition n'est pas figée à un instant "T" mais le trait de côte, lui, continue à évoluer. C'est pourquoi des occurences de mises à jour sont encore en réflexion, peut-être tous les 5 à 10 ans, pour tenir compte du gain de précision des outils de relevés. Nous ne couvrons que la métropole pour le moment, la production en outre-mers est en réflexion et la base de données est mise à jour en continu au sein du SHOM."

Des usages à inventer

Plus que la cartographie marine, l'Open Data inscrit la limite terre-mer dans les usages à inventer par les utilisateurs, les exploitants, les médias tout comme l'ensemble des acteurs du monde maritime pour enrichir un peu plus encore l'information fournie au grand public.

Les usages de la source de données ouverte créée par la SHOM restent à inventer par les usagers
Les usages de la source de données ouverte créée par la SHOM restent à inventer par les usagers

Au hasard, emplacement des bouées de sauvetage, des héliports, des stations SNSM ou, encore, des atterrissages des câbles sous-marins seraient autant d'usages d'intérêt pour toute la communauté nautique, plaisanciers ou pêcheurs compris. Toutes ces utilisations, et sans doute bien d'autres, sont laissées aux soins des utilisateurs par le SHOM. Celui-ci se borne à fournir cette nouvelle limite de notre territoire et, via le portail data, le fond standardisé de nos cartes marines.

Plus d'articles sur le thème
Pour aller plus loin
Réagir à cet article
Ajouter un commentaire...