Les plantes invasives, une menace grandissante pour la navigation fluviale

De nombreuses voies d'eau sont touchées © Olivier Chauvin

La prolifération de plantes aquatiques est devenue si problématique que la navigation devient difficile sur certaines voies d'eau. Les services chargés de leur entretien expérimentent différents moyens d'action pour les éradiquer.

Nos voies navigables sont envahies par des plantes invasives qui colonisent les eaux fluviales. La jussie bien sûr, mais aussi le myriophylle hétérophylle, une plante aquatique aux longues tiges flottant entre deux eaux qui s'enroulent autour des hélices et bourrent les pales jusqu'à les rendre totalement inefficaces. Aspirées par les pompes de refroidissement moteur, elles bouchent les filtres et vont jusqu'à provoquer des casses moteur.

Des plantes d'ornement

Ces plantes aquatiques sont arrivées dans le milieu naturel après avoir été vendues pour orner les bassins d'agrément ou comme filtre naturel pour les aquariums. Cette capacité de filtration tant recherchée est désormais la caractéristique qui les rend si difficiles à éradiquer. Le Myriophylle hétérophylle par exemple apprécie les eaux claires où la lumière favorise sa croissance. Sa capacité de filtration rend l'eau plus claire encore, créant un véritable cercle vicieux.

Une jolie fleur dans une peau de vache...
Une jolie fleur dans une peau de vache...

La chenille flottante

La jussie est une jolie plante à fleurs jaunes. Au moindre arrachage, ses rhizomes se dispersent et portés par le courant, s'en vont coloniser d'autres espaces. Elle se développe au détriment des espèces autochtones. En Mayenne, des campagnes de sensibilisation demandent aux navigateurs de se tenir à distance pour éviter que les mouvements d'hélice ne facilitent la propagation. La lutte menée par les services du département fait appel à des engins amphibies, flottants et à chenilles qui collectent les plantes le plus complètement possible.

Un engin amphibie sur la Mayenne
Un engin amphibie sur la Mayenne

Une croissance fulgurante

Le Myriophylle hétérophylle s'étire en longs filaments. Sa croissance est spectaculaire : jusqu'à 30 centimètres par semaine dans de bonnes conditions ! De plus, un tout petit fragment de ce végétal suffit à permettre le développement d'une nouvelle plante. Cela impose d'infinies précautions lors des opérations de faucardage pour éviter la dissémination. Le simple fauchage ou l'arrachage ne suffisent pas à lutter contre l'invasion et semblent même faciliter la propagation s'ils sont menés sans précaution.

Des filaments à la croissance spectaculaire
Des filaments à la croissance spectaculaire

VNF en première ligne

Confronté à ce problème depuis quelques années, Voies Navigables de France s'est appuyé sur les recherches de l'Université de Lorraine pour expérimenter des solutions viables à cette asphyxie progressive des voies d'eaux. Le site de la Gare d'eau de Saint-Jean-de-Losne a été retenu comme terrain d'étude. Ce bassin à la confluence de la Saône et du Canal de Bourgogne est envahi depuis plusieurs années, au point que les activités nautiques devenaient presque impossibles dans ce port qui accueille jusqu'à 650 bateaux.

Saint-Jean-de-Losne est l'un des plus importants ports fluviaux d'Europe
Saint-Jean-de-Losne est l'un des plus importants ports fluviaux d'Europe

De l'eau bleu lagon...

Plusieurs actions conjointes sont actuellement menées. La première est le faucardage avec une collecte des plantes coupées qui sont sorties de l'eau pour éviter la dissémination. Par ailleurs, le milieu aquatique est ensemencé de micro-organismes qui absorbent les nutriments dont la plante se nourrit. Plus étonnant, un colorant inhibiteur de photosynthèse est ajouté à l'eau. Son effet miroir renvoie une partie de la lumière ce qui freine le développement de la plante. En revanche, l'eau prend une inhabituelle couleur bleue de lagon de carte postale…

Les plantes sont mises à terre
Les plantes sont mises à terre

Premiers résultat attendus pour l'automne 2022

Pour permettre un relatif confinement des eaux de la gare d'eau sans interrompre la navigation, des rideaux de bulles successifs barrent le canal de sortie vers la Saône. Cela permet que les résultats de l'étude soient probants et que les produits ajoutés à l'eau ne se dispersent pas sans précaution dans le milieu naturel. Les résultats de cette expérimentation se mesureront en fin de saison aux alentours du mois d'octobre 2022. On ne peut que souhaiter que des solutions pérennes soient trouvée afin de juguler l'invasion qui se fait au détriment des espèces locales.

Une barrière de bulles dans l'eau bleue
Une barrière de bulles dans l'eau bleue

En Mayenne, sur le Canal de la Robine, dans le Marais poitevin, en Bourgogne ou ailleurs, les plantes aquatiques invasives colonisent le milieu. La lutte s'organise. Espérons qu'en plus d'être efficaces, les solutions retenues soient suffisamment douces pour que le remède ne soit pas pire que le mal.

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