Une première Mini "décevante"
Fabio Muzzolini a commencé la voile sur le tard, lors de vacances annuelles en Bretagne, région d'origine de sa mère. Après plusieurs années de pratique en voile légère, c'est à l'âge adulte qu'il décide se rapprocher de la mer pour travailler. Il débute alors une carrière de commercial au sein du chantier breton Marée Haute.
"Voir naviguer les clients et aider à la préparation des bateaux m'a donné envie de me lancer sur le circuit Mini" explique Fabio.
L'arrivée d'investisseurs – le groupe BFR – dans le chantier naval et la création du Team BFR Marée Haute permettent alors à Fabio, ainsi qu'à 4 autres marins, de prendre part à la Mini Transat 2019. Il se rend rapidement compte que son emploi de ministe n'est pas tout à fait compatible avec son métier à terre et décide donc de quitter son poste pour se consacrer entièrement à son projet de course au large. Sur son plan Lombard de 2008, le jeune skipper termine à la 6e place en catégorie Proto.
Un projet tourné vers la performance pour la Mini 2021, mais "low cost"
Après le confinement, il se lance dans un nouveau projet, avec une nouvelle motivation. Il a l'opportunité d'acheter Tartine – un Proto de 2018 signé Lombard, avec lequel Axel Tréhin a fini 2e de la Mini Transat 2019.
"J'avais envie de retourner sur la Mini avec un projet plus tourné vers la performance. C'est ce qui m'a manqué sur ma première saison. J'ai l'impression de ne pas avoir été au bout de mon projet, de mon raisonnement. Je voulais aller chercher plus de régate et de performance technique. Ce bateau me permettait de faire la Mini en mode low cost. Il était tellement bien équipé, je n'avais aucune dépense à faire en énergie et en matériel. J'ai seulement investi dans deux spis neufs, mais j'ai couru avec les voiles d'Axel" détaille Fabio.
Son lot de galères…
Mais son nouveau projet ne se passe pas du tout comme prévu. D'abord, les financements ne suivent pas. Ensuite, les casses et les avaries s'enchainent : "J'ai eu des galères toute l'année. Surtout des casses improbables, comme les barres de flèches au port. En tant que constructeur, Axel connaissait les limites du bateau. Je l'ai choisi parce que je le pensais 100 % fiable et bien construit, mais je n'avais pas toutes les données, toutes les infos et j'ai surtout manqué beaucoup de chance" étaye Fabio.
"La première prise en main de mon bateau a été difficile, avec pas mal de galères. J'ai même contre-performé sur Les Sables – Les Açores en Baie de Morlaix, en août 2020. C'était assez impressionnant. J'étais lent avec le bateau. Il a fallu découvrir une nouvelle forme de carène, de nouveaux réglages" explique le Ministe. Mais sa victoire sur le Trophée Marie-Agnès Peron en octobre de la même année le remotive.
"J'ai passé l'année 2021 dans les stands à réparer le bateau. Personne ne me voyait comme un sérieux candidat. En même temps, je ne pouvais pas montrer ce que je valais."
Pour autant, Fabio peut compter sur le soutien de son réseau et de son entourage. "J'avais un bon réseau de clients par mon boulot précédent. Ils m'ont suivi dans mon projet. J'ai pu avoir un prêt pour acheter le bateau et un de mécénat, ce qui m'a permis de survivre. J'étais loin d'avoir le budget nécessaire pour la course. Je n'avais pas de quoi payer le cargo pour le retour de mon bateau, donc aucune garantie de pouvoir le ramener à Lorient. Le bateau n'était pas assuré non plus. Je m'étais préparé à rester dedans quoiqu'il arrive, même en cas de démâtage, pour être sûr de le ramener à bon port. Je m'étais dit que si je réalisais une performance, je lancerais une cagnotte pour le retour" détaille Fabio.
Des envies de podium
S'il ne navigue pas, il se prépare à sa manière, en analysant les différentes phases qu'il va rencontrer, les moments où il faudra aller vite et d'autres moins… C'est avec un objectif de podium que Fabio Muzzolini prend le départ de la Mini Transat 2021. Mais cette édition ne se passe pas exactement comme prévu.
"Chaque Mini Transat est différente. On a eu un schéma météo complètement nouveau. C'était super intéressant. La course s'est jouée au mental. Les conditions de vent n'étaient pas très méchantes, on a eu très peu de vitesse, de glisse, et finalement peu de casse. Il a fallu gérer la frustration liée au manque de vent, de vitesse et tenir longtemps comme ça. Les sargasses rencontrées les derniers jours de course ont été compliquées à gérer. Ça aussi, c'était nouveau par rapport à la précédente édition. Il fallait avoir confiance dans ses options météo et savoir bien gérer l'humeur à bord pour maintenir la vitesse. Cette course était vraiment riche.
Ce qui est assez incroyable, même si la course dure quand même 15 jours, c'est qu'on peut vite la perdre sur une mauvaise décision. C'est une pression importante. Il faut être sûr de ses choix et de ne pas condamner sa course au bout de 48 h" développe Fabio.
Le skipper atteint finalement son objectif de podium. Même avec un projet de Mini "low cost" comme il le dit, Fabio réussit une belle performance, une très belle performance même, rivalisant avec les deux favoris de l'épreuve, Tanguy Bouroullec et Pierre Le Roy. Il s'empare de la 2e place au général dans la catégorie Proto !
Continuer en Figaro, l'école de la course au large
Alors que la fin de l'année se rapproche, Fabio n'en a pas fini avec ses envies de course au large. Après la Mini, il aimerait passer par le Figaro, classe par laquelle sont passés les plus grands marins.
"Je suis encore un peu galvanisé par le résultat. J'ai reçu plein de messages d'encouragement. Ça me donne envie de continuer à faire de la course au large. Je rêve de navigation et de course. Mais sans partenaire c'est difficile d'avancer.
Aujourd'hui, j'ai envie de naviguer avec des bateaux sur lesquels je tiens debout, avec un ordinateur, des fichiers météo. Ce serait génial" s'amuse Fabio. "J'aimerais intégrer le circuit Figaro sur les prochaines saisons. J'ai beaucoup de choses à apprendre et c'est la meilleure classe pour ça ! C'est une école dure, mais nécessaire pour avancer par la suite. C'est ma priorité."
Depuis son retour à Lorient, dans le monde réel, Fabio reprend pied à terre. Il jongle entre ses rêves et la réalité, entre des petits boulots pour garder un "pied dans le milieu" et du temps pour naviguer dès que possible.
Son bateau va d'ailleurs continuer à naviguer puisqu'il a pour projet de s'associer avec un skipper qui souhaite faire la Mini Transat en 2023 et faire évoluer son bateau vers d'autres potentiels, pour "gagner beaucoup dans une version plus volante." Mais avant, il aimerait participer aux Sables – les Açores – Les sables, course qui manque à son palmarès et qui serait alors sa dernière sur le circuit Mini.
On n'est jamais seul dans un projet de course au large
Avant de conclure : "Je remercie encore une fois tous les gens qui m'ont aidé dans ce projet. On peut parfois avoir l'air égoïste de partir seul sur son bateau, mais on a un immense soutien derrière pour faire avancer nos projets. Sans les gens qui m'ont aidé, je n'aurais jamais pu arriver au bout. C'est une chance et un plaisir de partager cette aventure avec des gens, et ça la rend encore plus concrète."
Espérons enfin que Fabio Muzzolini trouve du beurre pour sa Tartine et qu'aboutissent ses rêves de navigation les plus fous…