Fixer le départ du voyage sur celui de la Mini Transat 2021
Avant de vous raconter le rôle d'un bateau accompagnateur, rappelons l'origine de l'aventure ZaiZai : un projet de voyage en famille lancé en 2020 après l'achat d'un bateau qu'il a fallu entièrement retaper. Première échéance non négociable, le voilier doit être au départ de la première étape de la Mini Transat, le 26 septembre 2021 (départ finalement reporté au 27).
"J'ai ramené le bateau en France depuis la Martinique. C'était une sacrée mission. Il y a ensuite eu un gros chantier. On a avancé sur notre programme pour convenir que l'on partirait bien en même temps que la Mini Transat. C'est une partie de notre histoire. Anne-Laure a beaucoup suivi mes courses quand j'étais en Mini. C'est une classe que l'on adore et on avait plaisir à réaliser cette mission de bateau accompagnateur. Et de le partager avec nos filles" explique Gwenolé.
Ce départ à date imposée est aussi la garantie pour la famille d'avoir une deadline pour réaliser tous les travaux sur le bateau et être fin prêt à mettre les voiles.
"Il fallait que le bateau soit opérationnel et prêt à partir de Bretagne. C'était un point important parce que nous avons fait un très gros chantier. On a quasiment tout refait sur le bateau et sans vraie contrainte, on aurait pu déraper de quelques mois, voire d'un an" ajoute Gwenolé.
Après un chantier de 11 mois et une mise à l'eau début août, la famille est prête à prendre le départ de son voyage de plusieurs années à découvrir le monde. Si Gwenolé est coutumier des transats, c'est en tant qu'accompagnant qu'il effectue la traversée cette fois-ci. Une mission à temps plein et rémunéré (pour financer une partie de leur voyage), comme il l'explique :
"C'est une vraie mission qui demande pas mal de travail. On suit la flotte, on est en contact avec les ministes et la direction de course. On leur communique les problèmes rencontrés par les concurrents et la météo que l'on rencontre. On est les yeux et les oreilles de la direction de course. On ne doit pas influencer les skippers dans leur décision. On est aussi là en cas de problème médical comme des insolations. On prévient le médecin de la course grâce à notre téléphone iridium. On les soutient également psychologiquement, notamment lorsqu'ils rencontrent des problèmes. En solitaire, on peut vite avoir le moral dans les chaussettes. Parler à quelqu'un, même sans aide technique, ça peut faire du bien. On leur proposait aussi plusieurs divertissements : "la Minute de l'Info ZaiZai" des chroniques rédigées par Anne-Laure et diffusées à la VHF, des blinds tests, des chansons…"
Respecter le rythme des concurrents
Avec 1 bateau accompagnateur pour 12 Mini, chacun doit respecter une position sur l'ensemble de la flotte. Il faut donc soit pousser le bateau ou au contraire le ralentir, surtout quand on navigue sur un catamaran de 47 pieds à côté de petites "coques de noix" de 6,50 m.
"S'adapter à la flotte, c'est quelque chose qui n'est pas naturel pour moi. J'ai l'habitude de tracer le plus vite possible. Je me suis d'ailleurs un peu fait taper sur les doigts sur la première étape. Les positions sont données par la direction de course. Sur la 1e étape, on était censé être en 2e position. Il faut donc ralentir pour rester au contact du plus grand nombre possible de bateaux" détaille Gwenolé.
Lors du gros coup de vent qui a incité tous les Ministes à s'abriter en Espagne, ZaiZai lui est resté en mer, après discussion avec Denis Hugues, le directeur de la course. Ce dernier souhaitait avoir un bateau en mer pour ceux qui ne s'arrêteraient pas. Cap au Sud pour passer le front au niveau de Lisbonne ! Puis l'attente pour que la flotte les rejoigne.
"Sur la première étape, on a eu pas mal de molle. Les conditions étaient variées, avec un peu de portant mais principalement du près dans du vent fort. Et dans ces conditions, les Mini ne vont pas vite. À l'inverse, sur la 2e étape – on était le premier bateau accompagnateur – on avait du portant VMG dans 13/15 nœuds de vent et dans ces conditions, les Mini sont très efficaces. Ce sont des bateaux très toilés. Il ne fallait pas trainer, aller à la même vitesse qu'eux. On était un peu plus rapides que les Séries. Pour les autres bateaux accompagnateurs, ce n'était pas évident. C'était dur de tenir la cadence. On est arrivés avec le 15e bateau de série et les autres, 24 h après. Quelques bateaux accompagnateurs ont décroché, mais ce n'est pas dérangeant dans ce sens-là. Si un concurrent rencontre un problème, il suffit de le rattraper et d'intervenir. Alors que si l'on est plus rapide dans les alizés, il faut faire demi-tour, se retrouver au près. Ça peut être compliqué, voire dangereux."
Outre le soutien physique et moral des concurrents, les bateaux accompagnateurs peuvent également jouer le rôle de sauveteur. Il est déjà arrivé qu'un marin d'un bateau accompagnateur vienne à bord d'un Mini pour aider son skipper ou inversement, qu'un ministe doive abandonner son bateau et se retrouve sur un bateau accompagnateur. Certes, en cas de détresse, il y a toujours les cargos à proximité, mais la vie est plus douce au sein de la flotte.
Revivre les sensations de course d'un œil extérieur
"J'adore la classe Mini ! C'est une classe incroyable et une découverte pour quasiment tous les coureurs. On sent cet émerveillement, cette passion toute neuve. C'est vraiment sympa. Être au contact des Ministes c'est vraiment agréable" s'enthousiasme Gwenolé.
Ce contact, Gwenolé l'a d'ailleurs noué avant le départ puisqu'avec l'association Lorient Grand Large, il a assuré la gestion de projet Mini avec des formations météo et des navigations avec les membres du pôle. Et de se retrouver à nouveau sur la course, mais dans un rôle d'encadrant, était une expérience vraiment intéressante.
"On se retrouve dans les mêmes conditions que les coureurs. On se rend compte de ce qu'ils vivent. On entend les discussions VHF qui sont importantes et influencent certains d'entre eux. C'était assez fort d'être en direct sur tout ça. Ce sont de bonnes études sociologiques. C'est aussi très rigolo. On a tous bien accroché. Il y a 3 classements par jours, et on était tous pendus au classement. On analysait les options payantes ou non, l'état de fatigue et de motivation de chacun."
Prendre le temps de ralentir… même en course
Pour autant, Gwenolé n'est pas retenté par l'expérience et profite à fond de la sienne, en compagnie de sa femme, de leurs deux filles et d'une famille de 5 personnes.
"Notre projet en lui-même est un challenge ! On a choisi un catamaran de 47 pieds, que l'on a complètement refité. Il a fallu tout mettre en route, tester, fiabiliser… Mais aussi gérer l'environnement familial avec nos deux filles et sur la 2e étape, la famille Normand avec leurs 3 enfants. Donc 5 enfants à bord ! On était bien occupé et on n'a pas fait que suivre la régate. On en a profité aussi pour ralentir. Je n'aurai jamais imaginé faire ça : des pauses baignade dans l'océan, du wingfoil… Pendant nos petites pauses, on faisait des sessions nautiques qui cassent le rythme qui peut être monotone sur une transat."
La vie à bord – même sur une course au large – est totalement différente quand on ne régate pas. La famille a le temps de faire à manger, de faire son pain, de découvrir la vie en croisière…
"On a aussi pêché, mais on n'est pas très bon. Ce n'est pas très fructueux. On a cassé la ligne sur la 2e étape. C'était un thon d'au moins 150 kg."
Question gestion de la navigation, ça ne change pas : chacun ses quarts. À deux couples sur la 2e étape, chaque couple assure la veille une nuit sur deux.
"On coupait la nuit en deux. L'un faisait du 21 h/2 h du matin et l'autre 2 h à 7 h du matin. Ça marchait pas mal. On a eu des conditions faciles avec peu de manœuvres et un vent assez constant. Les quarts n'étaient pas trop fatigants heureusement. On pouvait bien se reposer. On se réveillait toutes les 20 minutes pour vérifier, en plus des alarmes sur AIS. On était un peu plus vigilant quand on passait près d'un groupe de ministes. Et la journée, il y avait toujours quelqu'un sur le pont !" conclut Gwenolé.