Location, propriété entière, boat-club, prêt… Les solutions qui permettent de disposer d'un bateau sont nombreuses. Chacune présente ses avantages et ses inconvénients et, d'évidence, aucune n'est meilleure que l'autre. Sauf celle qui convient à un plaisancier en particulier...
François Berthe est architecte à Concarneau (Finistère). Il est devenu avec trois autres de ses amis co-propriétaire d'un bateau. Il s'agit d'un First 211, baptisé Gwennel Mor (Hirondelle de mer en breton) qui a failli perdre son anneau au port de Concarneau.
Un événement de la vie oblige à se séparer du bateau
La genèse de cette "copro", François la raconte : "Le bateau appartenait à un ami. Il était amené à déménager loin du littoral et se demandait que faire de son bateau. Le vendre, continuer de payer la place au port ou localiser un endroit à terre. Aucune option ne lui convenait, il voulait voir le voilier rester vivant, dans tous les sens du terme. C'est au cours d'une soirée entre amis que l'idée de devenir propriétaire de son bateau a germé" commence l'architecte.
Il fallait alors trouver d'autres parties prenantes, pour les finances d'une part, pour l'usage d'autre part. Il était, en effet, inconcevable que le bateau devenu "partagé" reste inactif dans le port de la ville close. L'idée était de mutualiser les usages et les soins qui seraient apportés au First pour rentabiliser l'objet bateau en lui-même. Ce sont les deux motivations essentielles à la copropriété, utiliser plus souvent le bateau et mieux l'entretenir.
François nous explique le modèle mis sur pied pour Gwennel Mor : "Initialement, à deux, nous avons envisagé de racheter des parts du bateau pour le conserver. Nous n'avions pas les fonds, ce sont ainsi 2 autres amis qui nous ont rejoints. Nous sommes aujourd'hui 4 foyers, actionnaires de ce bateau, avec une quotité majoritaire - 25,1 % des parts - au propriétaire d'origine, de manière à pouvoir conserver la place dans le port."
Nouveaux propriétaires, Nouvelles démarches
Bien leur en a pris, en effet. Le temps d'attente dans le port de Concarneau pour obtenir une place dépasse les 3 ans. Et le changement de propriétaire d'un bateau nécessite de déposer une nouvelle demande de place. C'est un élément substantiel à prendre en compte, le passage à plusieurs propriétaires d'un bateau revient à le transférer à une nouvelle entité juridique - ce groupe de 4 amis - qui devra faire, à son tour, l'ensemble des démarches que l'ancien porteur de l'acte de propriété a eu à réaliser.
Quels sont les secrets de la réussite d'une propriété à plusieurs ?
Pour que réussisse une copropriété, il est clair que le dialogue et l'échange demeurent des éléments majeurs. Sont-ils pour autant les seuls ? Sans doute pas. François développe les éléments légaux qu'ont mis en place ses amis et lui "Nous avons établi un contrat de copropriété qui a été adressé aux Affaires Maritimes pour établir un nouveau titre de propriété. Nous sommes tous les 4 présents sur cet acte" commence-t-il.
Bien sûr, le bateau demeure assuré : "L'assurance est restée la même que celle qu'avait souscrit le propriétaire initial" explique le plaisancier.
Qu'en est-il du financement à proprement parler de la vie du bateau, place au port, accastillage, entretien, carburant … ? François et ses amis ont disposé des outils à dessein : "Nous avons ouvert un compte en banque commun au nom de l'un d'entre nous et nous y déposons tous les trimestres les montants des dépenses prévues. Lorsqu'une dépense inattendue apparaît, chacun ajoute sa quote-part sur le compte."
L'amitié préside dans la copropriété et les réservations se font toujours en concertation les uns avec les autres. Ce qui n'empêche pas de s'équiper pour le faire correctement "Nous avons mis sur pied un doodle pour la réservation du bateau en été. Hors saison, nous nous envoyons un message whatsapp pour annoncer nos sorties. Il n'est pas inhabituel, d'ailleurs, que nous sortions entre nous, car nous sommes amis avant tout."
Point important, il faut que chaque partie dans l'indivision possède des modes de vie et des niveaux sociaux (revenus, attentes ...) assez proches les uns des autres, pour éviter que les attentes de confort ou d'équipement des plus fortunés ne viennent étouffer les moins bien lotis. A ce propos, François nous présente ses équipiers "Nous sommes un architecte, un community manager et deux cadres d'entreprise, avec des niveaux de vie assez similaires les uns aux autres."
Copropriétaires et amis
C'est cet aspect amitié qui semble permettre à cette union de fonctionner. Il est certain que si les personnes qui utilisent le bateau ne s'entendent pas, les problèmes ne tarderont pas à apparaître.
"Si l'un d'entre nous brise quelque chose sur le bateau ou dedans, il le paye, c'est notre règle de fonctionnement" explique l'architecte en ajoutant "Nous étions et sommes encore amis. Cela fait 2 ans à présent que nous avons mis cette copropriété en place et les choses se passent très bien."
La copro permet d'utiliser le bateau plus souvent et mieux.
François livre son ressenti : "Être copropriétaire, c'est hyper agréable. Deux d'entre nous sont d'extrêmement bons marins habitués à l'entretien et aux travaux. Un autre est un pêcheur aguerri, il fréquente réellement la mer. Puis il y a moi, qui suis le moins expert. On effectue de nombreuses sorties d'entraînement et d'apprentissage. Le fait que l'un prévoit une sortie motive les autres à sortir eux aussi, et le bateau est finalement réellement plus utilisé tout au long de la saison."
Et du côté des finances ?
Chaque copropriétaire doit investir une somme d'argent (on parle d'un quantième) équivalente au nombre de quirats (c'est ainsi qu'on nomme les parts qu'on possède dans un navire) qu'il possède dans l'objet. Cette somme correspond à la valeur du bateau au jour de l'acte (fixée par expert ou de gré à gré) divisée par le nombre de parts créées. Cette valeur est, ensuite, multipliée par le nombre de parts que chacun acquiert pour déterminer la somme qu'il doit verser.
Pour les frais, selon les accords entre les parties, deux méthodes sont possibles. Paiement à l'usage ou paiement à la part. Bien que cette dernière soit la plus simple à mettre en place, elle peut induire une injustice dans le cas où un des copropriétaires n'utilise plus son droit sur le bien en question. Il est fondamental de définir le mode de calcul dans le contrat initial.
Dans le cas du First dont François est copropriétaire, "Nous avons chacun investi 2000 € dans le bateau. Exception faite du premier propriétaire, nous sommes tous dépositaires de 24,96 % du bateau, et nous n'envisageons pas de faire entrer d'autres personnes dans la copro."
L'usage actuel d'un bateau amène à penser au prêt ou à la location. C'est du reste une des questions que se posent les quatre amis. "D'autres voudraient utiliser le bateau. Sous la forme d'un prêt, les choses sont aisées, il s'agit de ne pas utiliser une portion de sa propre part. Mais que se passera-t-il s'il y a un accident ? Dans ce cas, je ne le sais pas. Nous y pensons. La solution commode pourrait être de mettre le bateau en location, c'est à penser" conclut le finistérien.
Chaque année, une assemblée plénière de copropriétaires doit se tenir, pour valider les comptes et le bon état de fonctionnement de la structure. Assurément, François et ses amis ne dérogent pas à la règle … A la manière des plaisanciers cependant "L'Assemblée Générale … C'est un repas savoureux entre amis avant tout !"
Les copropriétaires, heureux comme Ulysse après leurs beaux voyages ?