Comment les classes ont-elles évolué et quels sont les changements architecturaux que l'on a pu voir depuis la dernière génération ?
Gitana (Maxi Edmond de Rotschild) était présent lors de la dernière course des Ultims sur la Transat Jacques Vabre en 2017. Il sera encore une fois présent en 2021 dans sa version 2 avec de nouveaux foils et de nouveaux safrans. On retrouvera aussi Macif 100 – aujourd'hui Actual Leader 2 – lui aussi à sa version 2, avec de nouveaux foils, de nouveaux safrans et une dérive avec un plan porteur en aile de raie. Sodebo Ultim' 3 – pour lequel nous avons en partie participé à la conception pour la coque et les équilibres - sera aussi sur la ligne de départ.
Pour Banque Populaire XI et SVR Lazartigue, nous avons suivi le projet des premières discussions jusqu'à la mise à l'eau.
Banque Populaire a été remis en construction après l'accident sur la Route du Rhum 2018. C'est une sorte d'évolution du précédent Banque Populaire IX. C'est un bateau dernier cri, avec la dernière génération de foils et de safrans. Il y a eu une grosse recherche aérodynamique, tout ce qui est dans l'air, au niveau du pont, du roof, du cockpit et des manœuvres.
SVR Lazartigue est le dernier Ultim sorti des hangars. C'est un développement encore plus contemporain. On part d'une feuille blanche et non d'un existant ou d'optimisations d'un existant. C'est une approche beaucoup plus poussée, avec un rendement aérodynamique au niveau des coques, des bras de liaison et de l'interaction entre ces éléments. On l'a conçu au même moment que l'IMOCA Hugo Boss. On a eu une réflexion sur un poste de barre protégé intérieur plutôt qu'un poste de barre semi-protégé, semi-exposé. Tout ce qui se passe, on ne le voit pas de l'extérieur.
C'est un bateau de dernière génération, le dernier sorti et qui manquera le plus d'expérience et de préparation, mais qui a un potentiel.
Aujourd'hui, si l'on devait concevoir un nouvel Ultim, on repartirait de SVR Lazartigue. On avait étudié pour toutes les phases préliminaires une version à deux coques au lieu de trois. Il aurait eu la longueur et la largeur des Ultim et en aurait respecté toutes les contraintes, mais sur deux coques. On pourrait remettre ce concept au goût du jour. Mais on n'était pas encore suffisamment prêt pour ça.
À ce jour, toutes les évolutions sur ces bateaux portent au niveau de la vitesse et du confort et de la sécurité. Ça nous pousse à protéger de plus en plus les gens pour qu'ils soient le moins exposés possible. Ça nous pousse à aller chercher des gains de trainée dans l'air et dans l'eau. Quand on avait des bateaux qui naviguaient sur deux coques, cela générait 70 % de trainée de coque. Maintenant qu'ils naviguent sur 2 ou 3 points, la trainée est beaucoup plus faible. Ça remet en perspective la trainée dans l'air, qui était avant marginale sur des bateaux plus anciens. Maintenant c'est important sur ces nouveaux bateaux. Et la trainée dans l'air est significative.
Dans la classe Ocean Fifty, on a conçu 4 bateaux. Le premier Groupe GCA – 1001 Sourires. C'est un vieux bateau, mais qui a l'avantage d'avoir servi à définir le poids minimum de la jauge. C'est donc un bateau léger dans sa construction. Il a l'avantage de la masse. Il est assez éprouvé.
Il y a ensuite deux bateaux sortis en même temps, Leyton et Solidaires en Peloton - Arsep, d'une génération intermédiaire. Leyton a été conçu dès le départ pour offrir une protection pour l'offshore. L'ensemble du cockpit, les manœuvres et le poste de barre sont derrière un grand carénage, une grande bulle. C'est un bateau qui a bien été mis au point par l'équipe de Leyton l'hiver dernier et cette saison. C'est un bon bateau et un bon équipage.
Solidaires en Peloton – Arsep, marche lui aussi très bien. Il est un poil plus lourd que certains autres bateaux. Si cette différence peut se sentir sur des petites courses en équipage de courte durée, elle se gomme totalement au large. Il est tout à fait compétitif.
Koesio, le bateau d'Erwan Le Roux, a une histoire un peu spéciale. Nous l'avons commencé avec Fabrice Cahierc qui est allé au bout de la construction avant de décider de le vendre. Erwan l'a récupéré. Le bateau est assez disruptif. Sur les précédents bateaux, le mât était traditionnellement posé sur le bras avant et le cockpit sur le bras arrière angulé.
Ici, le mât est posé sur le bras arrière angulé. Le cockpit est dans la longueur et entièrement protégé en laissant uniquement les côtés ouverts. On retrouve cette thématique commencée sur Macif 100 (actuellement Actual 2). L'idée est de pouvoir traverser l'Atlantique, mais en étant le plus protégé et en sécurité.
Il a des preuves à faire, il est tout neuf. Il est bien conçu pour le large, pour un équipage en double aussi. Il est au poids minimum et sera surement compétitif sur ce parcours.
Est-ce qu'il y a une évolution dans les demandes des skippers ?
Les grosses évolutions consistent à pouvoir naviguer le plus au sec et le plus protégé possible sur tous les bateaux qui vont plus vite. C'est un vrai facteur de performance. On est désormais prêt à investir du poids pour de la protection. Ce qui n'était pas le cas 5 ans auparavant, car le poids était le facteur de performance. Mais la fatigue peut être assez néfaste aux performances.
Une autre chose importante, surtout sur des courses en équipage réduit, c'est le pilote automatique. Il faut que le bateau soit le plus équilibré possible lorsque les pilotes sont en route. Il faut leur faciliter la tâche avec des bateaux réactifs, aux changements d'allure stable.
La réflexion sur l'aérodynamisme est pas mal venue au sommet de la pile, surtout pour les Ultim qui naviguent régulièrement au-delà de 30 nœuds, même s'ils sont surement moins chahutés que les petits bateaux. À partir de 22/25 nœuds, il faut avoir le moins de freins aérodynamiques. Ces bateaux sont en permanente évolution.
Sur les Ultim, il y a une nouvelle version d'appendices tous les 5 ans. On progresse, on apprend des choses, sur les matériaux, les comportements. Il y a beaucoup de choses qui ont évolué : le contrôle, le pilotage de la trajectoire (pilote automatique) et le contrôle de vol - les bateaux commencent à voler-, les attitudes. Il faut adapter de nouveaux appendices, car avant, le vol était moins stable. La technologie nous amène sans cesse à faire évoluer le niveau de performances en fonction des connaissances que l'on acquiert sur des phases de 4 ou 5 ans.
Quelles sont les évolutions à venir, pour les prochaines éditions notamment ?
On le sait il y en a toujours. Les Ultim ont des cycles assez longs. Ils sont prévus pour durer 10/15 ans. Idec Sport – qui ne sera pas sur la Transat Jacques Vabre – a toujours le record du Jules Vernes alors que c'est une conception de 15 ans. Les bateaux sont là et il y a plein de moyens de les faire aller plus vite en les modifiant, en changeant des éléments. Ce sont des projets pérennes, leurs dates de péremption ne sont pas connues.