Un chantier ancré dans le patrimoine nordiste
Au pied des remparts de la cité Vauban de Gravelines se trouve un drôle de chantier. Une cathédrale de bois prend forme malgré les turpitudes du climat local. Depuis 2002, une équipe d'irréductibles nordistes s'est lancé dans le projet fou de reconstruire à l'identique un navire de guerre de premier rang du XVIIe siècle. A la tête de cet incroyable projet, on retrouve Christian Cardin, ingénieur hydro géologue à la retraite. L'idée lui est venue suite à la découverte de 6 épaves de vaisseaux coulés au large du Cotentin lors de la bataille de la Hougue.
Le plus grand chantier de construction d'un navire de guerre en bois
Le projet est titanesque, puisque le Jean Bart va mesurer près de 57m de long, pour un déplacement de près de 3000 tonnes en ordre de marche. A l'époque, son équipage était constitué de 700 marins repartis sur trois ponts et son armement était composé de près de 84 canons. Sa cousine l'Hermione, frégate reconstruite à Rochefort et lancée en 2012, paraitra bien frêle avec ses 44 mètres et ses 1250 tonnes.
Mais à l'inverse de la frégate reconstruite à Rochefort, il n'existe aucun plan d'époque du Jean Bart. Il a fallu tout imaginer et réapprendre un savoir-faire qui avait disparu. L'équipe est à la fois constituée de bénévoles retraités et de charpentiers de marine fraichement diplômés. Les deux générations se rejoignent à travers ce projet du patrimoine, qui constitue une incroyable base de travail pour les charpentiers ou les forgerons.
" 3600 arbres issus de forêts d'élevage sont nécessaires à la construction. On travaille sur du chêne, qui est utilisé depuis des milliers d'années pour sa résistance notamment à l'eau. "
Un navire authentique
Soucieux de reconstruire le navire à l'identique, le Jean Bart ne pourra pas naviguer par ses propres moyens. La réglementation a évolué depuis le XVII siècle, et il faudrait aujourd'hui répondre à des normes incompatibles avec l'état d'esprit du projet. L'ajout de cloisons étanches et d'une motorisation seraient indispensables pour que le Jean Bart puisse naviguer et accueillir un équipage.
" On ne sacrifie pas l'authenticité à la modernité, d'autant que nous accordons beaucoup d'importance à la transmission de savoir-faire " précise Christian Cardin.
Le bateau restera à flot dans son bassin d'origine à Gravelines, mais pourra être déplacé en remorque sur des grands rassemblements de navires traditionnels.
Un chantier qui ouvre ses portes au public
D'abord auto-financé, le chantier bénéficie depuis peu de subventions provenant de la communauté urbaine de Dunkerque, mais également de la région. Grace à ces soutiens, Christian Cardin parvient à projeter une mise à l'eau dans 9 à 10 ans.
" Notre équipe est composée de 5 charpentiers, là ou 600 travailleurs étaient à pied d'œuvre au XVII. Alors forcément, les délais ne sont pas les mêmes. Mais ce n'est pas une course contre la montre. " ajoute Christian Cardin
D'ici là, vous pouvez vous rendre à Gravelines pour visiter le chantier et découvrir le travail de l'équipe. 10 000 visiteurs se pressent chaque année pour venir observer le géant, et l'engouement ne fait qu'augmenter.
" Notre objectif n'est pas seulement de reconstruire le Jean Bart, mais de recréer un village artisanal tout autour du projet. Nous avons construit un atelier, une forge, une taverne, et même une saurisserie alimentée par les restes de copeaux du chantier. Quand le Jean Bart sera terminé, nous nous lancerons dans d'autres projets de navire d'époque, afin de faire revire le patrimoine maritime local. "