Offrir un bol d'air aux blessés, veuves et orphelins de guerre
L'Association La Voile pour se reconstruire est née il y a 5 ans de l'initiative de Christophe Combi, son président. Ancien militaire, il participe alors à une régate entre copains en Bretagne. Ils ne sont que 5 équipiers à bord et lui vient alors l'idée d'embarquer des blessés de guerre hospitalisés de manière totalement gratuite pour leur faire prendre un "bol d'air" et leur témoigner une reconnaissance en leur offrant une croisière.
"Je venais de rentrer du Mali et suis passé rendre visite à certains de mes hommes à l'hôpital de Percy. Ce sont pour la plupart des jeunes, hospitalisés dans leur chambre. Je me suis dit que ça pourrait être sympa de leur proposer un bol d'air. Sur la semaine, on a embarqué une dizaine de blessés de guerre. Ça a été super, ils étaient heureux ! On a donc voulu continuer sur notre lancée", débute Christophe Combi.
Si à la création, il ne s'agit que de louer un voilier et d'accueillir une dizaine de blessés, l'association a depuis bien évolué. En 2021, elle loue 11 voiliers et accueille une centaine de blessés, veuves et orphelins de guerre. Une évolution rendue possible grâce à de fidèles et généreux partenaires.
Au départ, les embarquements se déroulaient sur une semaine, répartis entre la Bretagne et la Méditerranée. Dans le premier cas, il s'agit de la régate des Ports du Morbihan organisée par le Yacht-Club du Crouesty, qui adhère d'ailleurs totalement au projet de l'association, dans le deuxième, d'une croisière entre Toulon et Marseille.
"On s'est dit qu'il serait bien de multiplier les embarquements pour organiser également des sorties sur le weekend. On a alors sollicité nos partenaires pour savoir s'il serait possible d'acheter notre propre voilier pour gagner en autonomie et en réactivité, sans avoir à louer à la dernière minute. On a trouvé 4 partenaires pour un acheter un Sun Loft 47 avec Dream Yacht Charter, qui se prête bien à l'accueil de personnalité à mobilité réduite" continue Christophe Combi.
Ainsi, La Voile pour se reconstruire est soutenue dans sa démarche par 4 partenaires :
- Terre Fraternité, qui soutient des blessés en service de l'armée de terre et de leurs proches, ainsi que des familles des militaires de l'armée de terre morts en service.
- L'Office National des Anciens Combattants et victimes de guerre (ONAC)
- Tego, association qui propose des produits assurantiels aux militaires
- L'Institution de Gestion Sociale des Armées, (IGESA)
Le voilier sera inauguré le 26 juin 2021 à Saint-Mandrier, port d'attache du bateau. Ainsi, en plus des deux semaines de navigations organisées chaque année, l'association proposera des weekends de navigation de 3 jours en Méditerranée.
La prochaine campagne démarrera d'ailleurs le 26 juin, jusqu'au 3 juillet avec 8 voiliers de 45 à 50 pieds pour une navigation en flottille. Preuve du succès de l'opération, en 2019, l'association a proposé un tour de Corse sur 6 catamarans de 50 pieds, accueillant 80 blessés, veuves et orphelins de guerre.
"Accueillir une centaine de blessés était une taille critique pour l'association. Nous sommes tous bénévoles et c'est très prenant d'organiser des sorties en mer. Nous ne voulions pas non plus à avoir à refuser des personnes. Le premier weekend sera donc organisé en même temps que le baptême du bateau avec 6 blessés de guerre embarqués" explique Christophe Combi.
La voile pour des vertus thérapeutiques et physiques
À la base, les bénévoles de l'association sont tous des passionnés de voile, d'où le choix de ce support pour soutenir les blessés de guerre. Mais la voile présente plusieurs autres avantages par rapport à d'autres sports, notamment des vertus thérapeutiques.
"Aucun des blessés n'avait fait de voile avant, ils découvrent ce milieu de la mer. On leur témoigne notre reconnaissance, on leur offre cette croisière pour leur montrer que l'on pense à eux. Mais on ne fait pas que les embarquer, on les initie aussi à la voile. Ils participent aux manœuvres, prennent la barre. Souvent, ces jeunes se sentent diminués, alors qu'ils étaient pleine force de l'âge, sportifs. Ils ont une piètre idée d'eux et sont souvent en dépression. Les faire découvrir quelque chose qu'ils ne connaissaient pas et les impliquer leur redonne confiance. Ils réussissent à appréhender des situations nouvelles. C'est une véritable école de la vie. Quand ils embarquent, c'est aussi symbolique ! Ils larguent les problèmes à terre pour un certain temps ! La moitié des blessés post-traumatiques ont vécu des situations de combat assez difficiles, avec des souvenirs qui les oppressent. Ils ont tendance à s'isoler. Si l'on emmenait en rando, ils se retrouveraient seuls, en queue de peloton. Sur un bateau, c'est un univers confiné. Il n'y a pas de place à l'isolement. Tout le monde à un rôle à bord !" détaille Christophe Combi.
Outre l'aspect psychologique, la voile sert également de rééducation pour les blessés physiques. Il faut travailler les bras, les jambes également avec la recherche constante d'équilibre.
Du bouche-à-oreille et des collaborations avec des cellules d'aide aux blessés
Les volontaires peuvent s'inscrire pour les divers embarquements via le site Internet de l'association. Cette dernière travaille également en collaboration avec des cellules d'aide aux blessés des différentes armées (terre, air et marine), l'ONAC, et le milieu associatif comme Terre Fraternité, les Gueules cassées, Solidarités Défense…
Les activités sont également relayées par le bouche-à-oreille, notamment lorsqu'un blessé retourne en hospitalisation et retrouve ses compagnons.
Grâce à l'implication des partenaires de l'association, les embarquements sont totalement gratuits, comme l'explique Christophe Combi.
"Nos partenaires nous reversent des subventions, qui nous permettent de louer des bateaux, de remplir les frigos, de payer les frais de navigations. Nos skippers et équipiers sont des bénévoles qui s'engagent pour prendre en charge un bateau et accompagnés les participants. On a un équipage par bateau loué. Avec les deux campagnes d'une semaine, ils ont ainsi le choix de venir quand ils en ont envie. Avoir deux lieux différents permet aussi de s'adapter aux problèmes de mobilité de chacun, les blessés physiques, qui ont du mal à se déplacer et les blessés psychiques, qui sont souvent agoraphobes (peur de la foule). On limite ainsi les délais de déplacement pour que ça ne soit pas une barrière."
Redonner confiance et de la joie de vivre
"La voile c'est l'esprit d'équipage, l'entraide, la solidarité. On vit de super moments sur l'eau. Certains arrivent fermés comme des huitres, et évoluent tout au long de la croisière. C'est génial. Je me souviens de la première campagne en Bretagne. Des jeunes complètement abattus dans un état psychologique incertain nous avaient rejoints. Ils étaient dubitatifs de prendre part à une régate, ils n'avaient jamais fait de bateau. Alors qu'ils étaient dans leur coin, on leur a expliqué comment faire les manœuvres, les virements de bord, ce qui allait se passer ... Et de voir cette lueur dans leurs yeux, cet instinct de combattant se réveiller, c'était magique. Ils se sont engagés dans l'armée animée par l'aventure et l'action et ont été arrêtés en plein vol. Ils retrouvent la notion de compétition et l'envie de la gagne", conclut Christophe Combi.
