D'architecte DPLG à architecte naval
Pierre Delion est architecte naval et dirige sa société éponyme, basée à Nantes. Naviguant depuis son plus jeune âge, il a toujours aimé les bateaux et eu cette attirance pour les métiers de conception : architecture, design, ingénierie…
"J'ai toujours eu envie de dessiner des choses, dans le respect du monde maritime et des bateaux. J'ai toujours pensé que c'était un privilège d'être sur l'eau. Je faisais du bateau à voile petit et ça a fait naitre ma passion."
À la fin des années 80, il sillonne les allées du salon nautique de Paris et rencontre l'architecte Jean-Marie Finot. Il lui demande alors comment devenir architecte naval.
"Il m'a conseillé de choisir un métier qui offre une porte de sortie, de type ingénieur, parce qu'il y a peu d'élus dans ce domaine de l'architecture navale. Le côté ingénieur me faisait un peu peur et l'architecture me plaisait beaucoup par ce côté pluridisciplinaire que je retrouve aujourd'hui dans ma pratique. Pendant mes études, j'ai accroché sur le côté conception. J'ai trouvé intéressante la démarche intellectuelle de partir d'une feuille blanche, d'apprendre à se poser les bonnes questions pour trouver la réponse."
Pierre Delion est alors embauché dans un cabinet d'architecture "terrestre", qui faisait également des aménagements pour les bateaux, en collaboration avec les architectes navals Nigel Irens et Marc Van Peteghem.
Des voiliers sinon rien !
"En tant que passionné de voile, j'ai toujours voulu dessiner des bateaux à voile. Et finalement, le premier bateau que j'ai dessiné était un bateau à moteur. On m'a appelé alors que j'étais encore étudiant pour dessiner les plans du Dervinis 620, une coque open en aluminium. J'ai d'abord décliné l'offre en expliquant que je ne dessinais que des voiliers. Une semaine après, on m'a rappelé pour me dire que lui aussi aimait les voiliers, mais voulait faire quelque chose de différent, mais qu'un jour, il me confierait le dessin d'un voilier."
Finalement, Pierre Delion accepte la proposition.
"C'était le premier bateau du chantier. Aujourd'hui, il y a eu une centaine d'exemplaires vendus en une dizaine d'années d'existence. Depuis, j'ai aussi travaillé sur l'Iroise 46, le voilier qu'il m'avait promis de me confier. Si je n'avais pas eu ce coup de fil, je ne serais peut-être pas là. Les occasions de se faire un nom dans ce métier, c'est un trou de souris".
En parallèle de sa carrière d'architecte naval, Pierre Delion continue l'architecture "terrestre" jusque 2014.
"On me disait de ne pas lâcher un "vrai" métier. Il y a moins de places tous les 4 ans dans les bureaux d'architecture navale que de places au départ du Vendée Globe. Il n'y a pas dans les agences d'archi 30 places qui se libèrent tous les 4 ans. C'est intéressant comme comparaison."
De la plaisance aux bateaux professionnels
Aujourd'hui, Pierre Delion est à la tête d'une agence de 7 personnes. S'il se spécialise sur la plaisance au début de son activité, la crise de 2008/2009 va lui faire revoir sa stratégie.
"Finalement, les bateaux à moteur que l'on dessinait ont dérivé sur des demandes professionnelles. Finalement, moi qui ne voulais dessiner que des voiliers, la leçon a payé. Puis on a commencé à dessiner des bateaux de plus en plus grands, ce qui a permis le développement de l'agence. Aujourd'hui, on est d'ailleurs plus connoté bateau professionnel. On sent qu'il y a un segment de plaisance plus rigoureux et attentionné. C'est le cas de l'Explocat 52, du chantier Garcia. Pour ce bateau de voyage, notre expérience professionnelle a été un vrai atout. On travaille aussi sur une vedette pour un particulier qui a un look de Patrol Boat. Il nous a contactés parce qu'il connaissait notre expérience dans la conception de pilotine. Les plaisanciers veulent des bateaux solides, qui inspirent confiance. L'Explocat suit cette tendance."
Justement, Pierre Delion a fait une force de cette mixité entre le monde professionnel et le monde de la plaisance en transposant son expérience d'un monde à l'autre.
"La satisfaction d'un plaisancier est énorme. Celle d'un professionnel qui a besoin d'un bateau pour gagner sa vie n'est pas moindre. Je suis passionné par le regard transverse des différents métiers qui vivent de la mer, sans pour autant se côtoyer. On apprend des pêcheurs, des pilotes, des plongeurs, des gendarmes… De travailler avec eux et de les écouter nous permet d'adapter nos bateaux."
Le cahier des charges, un impondérable
Si l'écoute est importante justement, le cahier des charges est primordial.
"On travaille sur un projet de bateau de voyage. On est à l'écoute, mais ce projet découlera avant tout d'une bonne symbiose du cahier des charges, et de sa traduction en conception. Le projet prend une orientation dès le cahier des charges. Ça pose parfois problème car il y peut y avoir des difficultés entre l'envie et le besoin. Il faut être lucide sur ce que l'on fait."
Pour l'architecte, il a y a 3 grands piliers qui contribuent à la réussite d'un projet :
- Un bon cahier des charges
- Un bon travail d'architecture navale
- Une bonne conception/réalisation
"Plus le cahier des charges est clair et l'attention de départ s'y reporte, plus on a un bateau cohérent. Certains viennent avec des cahiers des charges très fermés et d'autres avec 3 lignes. Ça mérite des discussions. Des fois on fait une première esquisse, parce qu'on ne sait pas si le client a la faculté de lire les plans. Le but du jeu, c'est qu'il n'y ait pas de surprise. Dans cette phase exploratoire du début, notre rôle n'est pas de prendre des décisions, mais de donner des cartes pour que les non professionnels puissent prendre les bonnes décisions. Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises solutions. Le bon bateau de quelqu'un peut être le mauvais d'un autre."
Rapprocher les différents univers maritimes
Maintenant que l'agence s'est étoffée, les projets se sont enrichis, avec des références aussi bien professionnelles que pour la plaisance.
"Tout ce qui peut rapprocher les mondes de l'ingénierie et de l'architecture et le monde professionnel et la plaisance est vecteur de progrès et de choses positives. On aime les bateaux, le monde maritime… J'ai du respect pour les gens qui vont en mer, peu importe ce qu'ils y font. Comme le disait Aristote, "Il y a trois sortes d'hommes : les vivants, les morts, et ceux qui vont sur la mer."