Lorsqu'on pénètre dans le bureau de Robert Le Brunet, 61 ans, il ne demeure aucun doute qu'on est chez un passionné. Les cartes marines côtoient les affiches de manifestations nautiques au mur et la VHF "historique" (la première VHF portable de l'expert en fait) montre qu'il a de la bouteille.
Ni un juge, ni un gendarme, ni un avocat
Cet ancien propriétaire d'un chantier à Lancieux dans les côtes d'Armor est dans le nautisme en tant que professionnel depuis 40 années, dans l'expertise depuis une bonne vingtaine d'années défini son métier simplement : "L'expert n'est ni un juge, ni un gendarme, ni un avocat, mais uniquement un technicien" explique-t'il.
"Le métier d'expert, c'est avant tout une question de personnes. On est dans le relationnel. Le bateau, l'objet bateau, est rempli d'affect. Je rencontre fréquemment des personnes qui ont récupéré le bateau d'un proche. Ces unités ne possèdent pas de valeur vénale à proprement parler, mais sont chargés d'une valeur humaine incalculable. Dans tous les cas, ce sont ces personnes qu'il faut traiter avec à la fois justice et justesse."
Le volet assurance ne représente qu'une partie du métier de l'expert, sans doute la plus large et chargée. L'expertise vénale en est la seconde. Robert nous explique : "il s'agit d'expertiser un bateau depuis la quille jusqu'à la girouette, pour garantir à l'acheteur potentiel le bon état du bateau dans lequel il envisage d'investir."
Le principe de l'expertise vénale n'est pas de garantir que tout va bien sur un bateau, mais d'obtenir un état des lieux complet et réel du bien envisagé. Cet état des lieux ne doit être complaisant avec aucune partie, qu'elle soit payeuse ou non. L'expert nous explique : "Lorsque je réalise une expertise, j'engage ma responsabilité. Par exemple, si un expert découvre une vanne ou un passe-coque qui fuit, il doit le remarquer d'une part, le signaler d'autre part". C'est ainsi d'un sens aigu de l'observation et du compte-rendu qu'il faut faire preuve.
De l'humain pour les humains
"L'expert doit faire preuve de franchise, de fermeté et d'objectivité. Il m'est arrivé d'interdire certains bateaux à la navigation, allant alerter la capitainerie d'un port qu'un bateau qui s'y trouvait était dangereux" insiste Robert. "Au-delà de l'engagement de ma responsabilité professionnelle, un accident sur un bateau peut vite devenir un drame, je me sens investi du devoir, en tant qu'humain, d'éviter ce drame lorsque je le peux."
Robert intervient sur tous les types de bateaux et pour tous les types de sinistres, depuis le remplacement d'une hélice aux pales abîmées jusqu'au changement de l'arbre d'un bateau de transport de passagers. Un expert peut être amené à oeuvrer aux quatre coins du monde, seul ou en expertise contradictoire. Il est avant tout un technicien des bateaux, qui sait comment s'élabore et se comporte un engin flottant et dispose de la capacité de l'expliquer à ses clients, assureurs comme assurés.
Solitude au quotidien, recrutement compliqué
Le malheur de l'expert ? Il travaille seul, il peut pourtant avoir besoin de confronter son idée et sa position avec ses pairs.
Le souci majeur de l'expert ? Le recrutement ! Il nous explique : "Dans mon métier, on restitue avant tout par l'écrit. Et ces écrits peuvent être utilisés en justice notamment. Il faut en conséquence trouver des personnes, qui sachent taper au clavier sans trop de fautes d'orthographe d'une part et, d'autre part qui possèdent un minimum de culture nautique, pour au moins comprendre ce qu'elles écrivent." Cette double compétence est rare.
L'expert ne chôme pas, même s'il pense à passer la main dans quelques années. "Je traite plus de 200 dossiers par an. Je mets la même dose de passion dans chacun, l'unique différence est la manière dont se comportent les personnes dont j'expertise les bateaux. Je suis un humain, je serais toujours plus enclin à écouter une personne aimable qu'un mauvais coucheur. À 61 ans, après une carrière bien remplie, je reprendrais bien la mer." De continuer : "J'ai déjà levé le pied d'ailleurs, je me déplace beaucoup moins, notamment à l'étranger."
L'expert gagne assez pour vivre à l'aise, sans richesse cependant
Un expert vit de sa passion, sans pour autant devenir ultra-riche lorsqu'il est indépendant (certains experts sont salariés de groupes d'expertise). L'indépendance et l'autonomie ont une valeur et un coût. Robert est disponible pour ses clients assurés, assureurs, plaisanciers ou acheteurs potentiels, quasiment en permanence. La passion va à ce prix.
Le regard que nous portons sur l'expert maritime est souvent empreint d'une certaine critique due à la manière dont certains de ses confrères de l'automobile œuvrent. S'il y a des passionnés dans le domaine de l'expertise automobile, il y en a d'autant plus dans celui du nautisme, surtout lorsqu'ils travaillent dans de petites structures telles que Sea West Expert.
Faire appel à un expert, c'est bannir des surprises - souvent mauvaises - une fois devenu propriétaire de son bateau. C'est, aussi, savoir de façon indépendante quel est l'état de son investissement et peser le "pour" et le "contre" dans son projet. Tout compte fait, c'est aussi être certain qu'on prendra la mer en sécurité et en connaissance de cause de l'état de son bateau.