André Gaillard a mené sa barque, et il l'a adroitement menée. Pilote Maritime dans le port de Marseille (France), il a réalisé toute sa carrière sur l'eau, aux commandes de ferry de la SNCM, de bateaux de croisières Paquet, ou encore de bateaux de remorquage.
Disponibilité 24 heures sur 24
Il nous présente son métier. "Je suis pilote depuis 20 ans maintenant. Nous sommes 330 pilotes partout en France. Nous sommes amenés à travailler 24 heures sur 24, 365 ou 365 jours par année. Nous réalisons en moyenne 100 000 opérations par an sur des navires de longueur supérieure à 50 mètres sur l'ensemble de la France."
Lorsqu'un bateau fait - par obligation préfectorale ou sur décision du capitaine - appel aux services d'une station de pilotage, déplacer le bateau n'est que la conclusion du travail. Le pilote aura d'abord étudié la météo, les spécificités du bateau à déplacer (tirant d'eau, tirant d'air, avaries…), les attendus sur ce navire une fois à quai (réservation des dockers par exemple), les flux parallèles (organisation logique du stationnement des navires) et par-dessus tout, la sécurité.
Cette phase d'analyse du risque, nous explique André, est nouvelle.
"Le métier a largement évolué, nous sommes passés d'un métier qui nécessitait avant tout un bon coup d'œil et du sang-froid à une fonction d'analyse du risque et de gestion de flux avant de déplacer les bateaux clients."
Organisation de la passerelle
Une fois à bord, le pilote ne détient pas cette autorité absolue qu'on imagine. Les méthodes de travail se sont largement inspirées du modèle aéronautique. Le pilote devient directeur de casting :
"Lorsque je suis à bord, chaque personne présente en passerelle a une tâche. Par exemple, tel officiel sera chargé d'annoncer les changements de l'anémomètre. Nous utilisons la méthode de closed loop communication. Quiconque a une annonce à faire la fera et la réitérera aussi longtemps qu'une autorité intéressée, le pilote ou le capitaine, n'aura pas accusé réception, en répétant l'instruction par exemple."
Autre emprunt au monde de l'aviation, le "think aloud" : "J'annonce mes intentions de faire ceci ou cela. Par exemple, je vais indiquer "je passe à 20 mètres de la berge bâbord" pour que quiconque à bord constatera que je suis à moins ou plus de 20 mètres puisse me l'indiquer", nous explique-t-il.
Devenir pilote
Pour embrasser le métier de pilote maritime pas de formation à proprement parler, mais de l'expérience avant tout.
"Avoir moins de 35 ans, limite d'âge pour postuler. Disposer du brevet de commandement de plus haut niveau qui existe. Suite à cela, il faut avoir navigué, aux commandes effectives, pendant au moins 72 mois. Vient par la suite le concours à passer. Chaque station de pilotage en ouvre un qu'il faudra préparer (comptez une année de travail préparatoire) différemment selon qu'on se trouve à Marseille ou au Havre. C'est la connaissance étendue de l'environnement local qui octroiera la compétence au pilote. Le poste obtenu, il faut compter une dizaine d'années de pratique pour devenir pilote autonome. Dans tous les cas, ce ne sera jamais avant 600 manœuvres en binôme qu'un pilote sera lâché, d'abord sur de petits navires."
Formation en permanence
Une fois en poste, les actions de formation perdurent. "Nous suivons des modules d'entretien des connaissances (rappel de règles, droit maritime...) ou des nouveautés locales (nouvelle infrastructure portuaire par exemple). Entraînement régulièrement sur un simulateur de manœuvre aussi."
Devenu chef d'orchestre, le pilote doit être en mesure de communiquer aisément. "Le niveau d'anglais se doit d'être courant et nous le maintenons en permanence. Nous sommes régulièrement formés au BRM - Bridge Resource Management. C'est la méthode de fonctionnement d'un cockpit d'avion portée à une passerelle de bateau, assignation des rôles, communication…"
Et ce n'est pas tout, les brevets et savoirs de base restent à entretenir. "Nous validons le brevet de capitaine, tous les 5 ans, en même temps qu'une formation incendie et un stage de survie en mer."
Salaires variables selon l'activité
Côté rémunération, les choses sont compliquées. Les pilotes d'une station sont parties prenante dans la station, qui leur appartient et qu'ils gèrent. Elle est autonome, rémunérée à l'acte et paye ses bateaux, son carburant, les salaires de ses collaborateurs... Une fois toutes ces charges d'entreprise déduites, les pilotes sont rémunérés. "Le salaire est à peu près équivalent à celui d'un capitaine, dans une fourchette allant de 4 000 à 10 000 euros par mois. Il est sujet à des variations. Avec la pandémie de 2020, l'activité de pilotage à Marseille à chuté, les revenus de la société de pilotage ont fondu comme neige au soleil."
Vous envisagez de devenir pilote ?
"Il faut avant tout se renseigner sur le cursus de formation des ENSM"; nous explique André Gaillard. "Dès votre entrée en formation, rencontrez les pilotes de votre région, pour confirmer vos espoirs ou rêves dans ce métier. Les 2/3 des pilotes en poste actuellement vont partir en retraite d'ici 10 à 15 ans, le plein-emploi est au coin de la rue !"
Acteurs du service public
Les pilotes entretiennent un intérêt réel dans le fonctionnement correct de leur place portuaire. Acteurs du trafic en mer, ils agissent sur l'activité de leur port d'affectation, dans le respect des règles de la concurrence, du droit maritime et local. Polyvalents, les pilotes réalisent une action de service public au bénéfice de l'ensemble des acteurs professionnels de la mer.