Récit de Hugo :
Lors de la 3e étape de la SAS en aout dernier, le parcours nous faisait partir de Roscoff, contourner le DST de Ouessant, laisser Rochebonne à tribord de même que BXA, la marque d'eau libre en face de l'estuaire de la Gironde avant de remonter vers l'Ile d'Yeu, à laisser à tribord pour finir la course devant les Sables-d'Olonne.
Les 24 premières heures furent particulièrement pénibles. S'extirper de la baie de Morlaix d'abord, ou vent contre courant nous ont offert un fameux rodéo au pré, puis remonter la manche au près jusqu'au DST en tirant des bords carrés.
Une fois passée la marque au vent, on peut finalement abattre, pas beaucoup, mais on se retrouve à 80/90 degrés du vent apparent avec 15 nœuds établis, assez pour envoyer le petit gennaker et laisser le Maxi 650 s'exprimer. Particulièrement puissant à ces allures, tous les Maxi commencent à remonter sur les Pogo 3 à 0.5 ou 1 nœud plus vite.
Malheureusement après quelques heures, la fête est finie, le vent prend de la gauche et tout le monde repasse sous GV et solent. Nous attendions un front en fin de nuit/début de matinée, et effectivement, le vent forcit et le ciel se charge. 18 nœuds établis, je prends mon premier ris dans la grand-voile puis dans le solent quand le vent se stabilise à 20 nœuds. Sur les coups de 4h du matin, la pression chute et le vent prend 20 degrés de droite. Pas de doute le front arrive, je prends mon second ris GV qui était près à partir et dans les minutes qui suivent le vent monte au-dessus de 30 nœuds.
À 70 degrés du réel, le bateau avance à près de 8 nœuds, la mer est grosse et commence à déferler, c'est costaud, mais le challenge reste à venir.
Deux ou trois heures après, la pression se stabilise, la pluie cesse et le ciel s'éclaircit. Le front est passé et le vent baisse un peu, autour de 25 nœuds, mais avec des claques a plus de 30 régulièrement.
Je sais qu'il faut renvoyer de la toile pour conserver ma position, à ce moment-là je suis dans le paquet de tête, entre 3 et 5 a vu d'AIS. Alors un gennaker ? Un Code 5 ?
J'envoie mon grand gennaker en préparant bien ma manœuvre, le bateau démarre instantanément, passant de 10 a plus de 17 nœuds. Le Maxi a beau être stable, je saute sur la barre et reprends la main sur le pilote automatique, la mer est encore grosse et le risque ici est de prendre trop de vitesse et de rattraper la vague et d'aller s'écraser dans la vague d'en face à pleine vitesse, mettant en danger la structure du bateau et le gréement.
Le bateau est constamment au planning, et il faut arriver à trouver un chemin entre les vagues pour conserver la vitesse, sans trop lofer au risque de partir au tas, ou trop abattre au risque de sancir. Au bout d'à peine 4 minutes : BANG ! Le loop de point d'écoute de gennaker casse, me laissant avec le gennaker en drapeau entre la drisse et le bout du tangon. Après une sacrée bataille avec la drosse d'enrouleur (c'est une galette, un enrouleur sans fin, qui permet au gennak de s'enrouler sur lui-même) je parviens à le rouler et à l'affaler.
Alors je me pose, est-ce une bonne idée de bourinner comme un marcassin ? À la VHF, les appels d'autres concurrents se multiplient « j'ai explosé mon spi », « mon bout-dehors vient de lâcher », « je viens de mettre le mât dans l'eau »… Je temporise : quel est l'objectif de cette course pour moi ? Top10 bien sûr, mais aussi et surtout de finir la course. Car pour pouvoir m'inscrire à la Mini Transat à la fin de l'année, il me faut pouvoir justifier de 1500 milles en course. Or si je ne termine pas cette course, c'est les 1400 milles de la SAS (la somme des 3 manches) qui me passent sous le nez…
Alors tout penaud, je range mon gennaker, choque mes ris dans la GV et le Solent, me fais un lyoph et vais me coucher pendant 1h. Dans une heure, ou deux, la situation sera plus manœuvrable et je renverrais de la toile.
Aller vite, des fois, c'est aussi savoir aller lentement, je terminerais finalement cette course en 7e position et sans aucun dégât majeur sur mon bateau.