C'est depuis Port-Guillaume, à Cabourg, qu'avec un équipage de quatre gaillards , nous sommes partis à la découverte de mon ancêtre Jean Bart, corsaire fameux qui a écumé la Manche et la mer du Nord il y a bientôt 350 ans.
C'est donc avec plaisir qu'avec notre skipper Patrick Tabarly, Gwenaël Bonnet, un marin vaillant qui ne se mettra jamais en retraite et Alexis Fournier, jeune moussaillon de 31 ans, que nous avons mis le cap vers Dunkerque depuis le port de Cabourg.
Après 42 heures de navigation jour-nuit sur le Pink Floyd, notre voilier de 32 pieds, nous sommes arrivés à l'aube le 11 septembre au Club des Dauphins où, pour marquer notre entrée à Dunkerque, nous avons hissé le grand-pavois que Patrick Tabarly avait embarqué sur le bateau.
Une escale sur les chapeaux de roue
L'équipe de la mairie nous a accueillis dans le salon du sommet franco-britannique le samedi 12 septembre en début d'après-midi. Lors de cette réception officielle, nous avons bien sûr pu déguster « les doigts de Jean Bart », délicieuse pâtisserie locale, mais surtout être gratifiés Patrick Tabarly et moi-même, de la médaille du « chevalier Jean Bart », attribution honorifique de la ville. Sous la houlette de notre guide dunkerquois, Jean-Pierre Castier, nous avons sillonné les rues de la cité et ces multiples bassins où mouillait la fameuse Duchesse-Anne, un joli trois-mâts de 1902 qui servit de navire-école aux Allemands avant d'être récupéré par les Français après la Seconde Guerre mondiale. « Un sacré monstre ! » vous dirait Patrick Tabarly. Un peu plus loin les skippers de la Solitaire du Figaro qui, comme nous, faisaient escale à Dunkerque avant de filer pour Saint-Nazaire.
Une ville qui vit Jean Bart
Toute la ville est en ébullition autour de son histoire maritime. Il y a la place « Jean Bart » où trône une statue imposante du corsaire, sabre au clair, levé en direction de l'Angleterre. Sur le quai de la citadelle, le musée d'histoire portuaire, riche d'une collection impressionnante de maquettes, de tableaux, de canons, d'objets et de documents historiques qui attestent du caractère profondément maritime de Dunkerque. La ville fut la première des cités corsaires, fortifiée par le Maréchal Vauban, avant de devenir au courant du XVIIIe siècle, une cité commerciale où les guerriers des mers se sont transformés en marins-pêcheurs. Des générations d'hommes courageux qui, pendant des décennies, sont allés jeter leurs lignes jusqu'à Islande.
Oui, à Dunkerque, l'on traverse l'histoire de la Marine et de ses fidèles serviteurs. Plus que cela, nous en sommes imprégnés.
Un bâtiment de 82 canons en construction
À tel point que l'histoire ne se termine jamais. Au matin du dimanche 13 septembre, nous sommes allés découvrir un chantier titanesque à Gravelines, où, depuis 2002, Christian Cardin et son association Tourville s'évertuent à reconstituer un bâtiment de 82 canons inspiré du Grand Siècle. Le « Jean Bart », véritable cathédrale maritime en construction, sera achevé d'ici huit à dix ans. Un bateau unique qui défie toutes les lois de la raison. Voilà un magnifique projet culturel et historique, dans la plus belle tradition des francs-tireurs et des esprits aventureux, que l'on peut soutenir et visiter pour continuer à faire rêver les enfants de 7 à 77 ans.
Hommage aux marins disparus
Aussi, le dimanche matin, nous avons pu rendre hommage aux marins disparus, à Éric Tabarly, frère de Patrick, et bien sûr à Jean Bart en la chapelle Notre-Dame des Dunes. Les Bazennes, femmes de marins habillées en costume traditionnel, nous ont accompagnés pour cet hommage où nous étions entourés d'ex-voto, c'est-à-dire de petites stèles de remerciement posées en hommage à Notre-Dame des Dunes. Il faut imaginer toutes ces épouses, ces enfants, implorer le ciel afin que leurs maris, leurs pères, reviennent sains et saufs de leurs campagnes militaires en mer du Nord et d'Islande où les conditions de pêche furent extrêmes. Car la vie des marins et des Dunkerquois a été rude et périlleuse.
D'une chapelle à une autre, nous sommes allés déposer une gerbe de fleurs sur la tombe de Jean Bart, situé en plein chœur de l'église Saint-Éloi. Le prêtre nous susurre: « À Dunkerque l'on s'agenouille plus volontiers devant la tombe de Jean Bart que devant Le Saint-Sacrement...»
Jean Bart est considéré par les Dunkerquois comme un demi-dieu. Il est célébré lors du traditionnel carnaval, fête dantesque où l'on commémore l'esprit corsaire et la joie de se retrouver tous déguisés comme à l'époque de la course.
C'est donc dans une atmosphère chaleureuse, sous un soleil clément, que nous avons vécu cette première escale à Dunkerque.
Traverser la Manche sur les traces du corsaire
La suite de notre expédition nous emmènera du côté de l'Angleterre. Nous partons ce lundi 14 septembre pour Hastings et filerons sur les flots anglais pendant une semaine jusqu'à Plymouth, - en passant par l'île de Wight-, où Jean Bart fut séquestré en 1689. C'est alors que nous revivrons avec Patrick Tabarly, Gwenaël Bonnet et Alexis Fournier, la fuite spectaculaire du grand corsaire, où, pendant deux jours, il traversa la Manche à la rame jusqu'à Saint-Malo. Nous accosterons dans le port malouin pour notre seconde escale. Les membres de la prestigieuse Association des descendants de capitaines corsaires nous accueilleront sur le ponton pour boire un verre à la santé des corsaires et de tous les cœurs vaillants. Mais avant les réjouissances, cap sur l'Angleterre !
Maxime Dalle