La mer, dernier espace de liberté, sans lois ni règles, où chacun peut s'adonner sans contrôle à tous les excès ?
Nous sommes toutes et tous sur l'eau pour y passer du bon temps et nous y amuser. La communauté des plaisanciers aime - souvent - les bonnes choses, depuis les crustacés jusqu'à un bon verre de bon vin. Et nous n'avons pas tort de nous faire plaisir, après tout la vie est aussi constituée de plaisirs. Faut-il pour autant aller au-delà du raisonnable ?
Que dit la loi ?
Le principe légal est posé avec clarté pour les marins professionnels, la limite est fixée, à l'instar des automobilistes, à 0,5 gramme d'alcool par litre de sang, seuil au-delà duquel le marin sera considéré en état d'ébriété. Comme à terre, cela correspond, au maximum, à l'absorption de 2 "doses de bar" avant de prendre la barre. Première difficulté d'évidence, les doses de bar et les doses de bord sont différentes et les mesures bien moins précises. Cette "tolérance" n'est pas une autorisation à boire. Un état alcoolique (en ayant consommé de l'alcool, peu importe la quantité) sera toujours jugé comme circonstance aggravante d'un accident.
Pour nous amateurs plaisanciers… Rien. Pas de limites claires, autres que "l'état d'ivresse peut être réprimandé". De la même manière que pour les professionnels, la responsabilité du chef de bord sera d'autant plus forte en cas de sinistre qu'il aura consommé de l'alcool, mais les autorités ne peuvent se fier à aucune limite légale en l'objet, car elles n'existent pas. Cependant, au même titre que pour un professionnel, le juge considérera comme circonstance aggravante l'imprégnation alcoolique du chef de bord dans le cadre d'un accident, qui plus est si des personnes y sont blessées.
Que disent les plaisanciers ?
Les plaisanciers, dans leur immense majorité, se déclarent raisonnables même si, sous couvert d'anonymat, certains nous déclarent "Effectivement, en mer, le soir au mouillage, on prendra peut-être un petit peu plus l'apéritif qu'à terre". Des accidents graves existent néanmoins, tels que la noyade de deux plaisanciers de retour de Chausey, il y a quelques années, éjectés de leur pneumatique, que l'alcool a empêché de contrôler. Mais ces cas sont heureusement très rares. Si l'alcool est une réalité à bord, les issues fatales sont, heureusement, rarissimes, pour les plaisanciers. Le plus souvent, la conséquence sera un petit mal de tête le lendemain matin, évidemment uniquement dû à la houle et à elle seule...
Que disent les assureurs ?
Les termes de nos polices d'assurance sont très clairs "Les garanties seront inexistantes en cas d'accidents alors que l'assuré était en état d'ivresse ou présentant un taux d'alcoolémie supérieur à 0,5 gramme par litre de sang". Autrement dit, avoir consommé un seul verre d'alcool aura déclenché un état d'ivresse, mesurable à défaut d'être manifeste, et exclura donc l'assuré de ses droits à l'assurance.
Que disent les sauveteurs ?
La SNSM nous explique qu'au-delà du principe d'absolue précaution qui devrait diriger tout chef de bord, l'alcool va aggraver certains ressentis "tels de mal de mer, malaise, perte de ses repères, hypothermie. L'alcool ne fait pas bon ménage avec la plaisance. La SNSM est régulièrement appelée pour des interventions où des cas d'ébriété peuvent être mentionnés : plaisanciers éméchés à bord, baigneurs signalisés alcoolisés ou encore pratiquants de loisirs nautiques qui perdent le contrôle de leurs engins".
En un mot, "Le capitaine du bateau doit être sobre."
Si elles peuvent prêter à sourire, quelques-unes des récentes interventions de la SNSM sont liées des états d'ébriété :
- Le 14 août 2020, à Granville, un pêcheur à la ligne a plongé de la jetée pour récupérer un cubitainer de rosé qui venait de tomber...
- Le 25 août, au Lavandou, un baigneur signalé alcoolisé est perdu de vue en mer. Engagement des sauveteurs pour une recherche. Le baigneur est finalement revenu à terre de lui-même, mais le déploiement des secours aurait pu être supprimé si ce baigneur n'était pas en état d'ébriété.
- Le 2 septembre en Charente-Maritime, engagements concomitants de la Vedette de la SNSM de l'Ile d'Aix et de l'hélicoptère Dragon 17 pour deux personnes en état d'ébriété en difficulté sur leur voilier aux abords de l'ile d'Aix après avoir quitté le port des Minimes de La Rochelle en y créant des troubles publics. À l'arrivée des secours, les skippers n'avaient plus d'essence et les voiles déchirées.
Que faire ?
Si la dimension de plaisir et de fête ne doit surtout pas disparaître du domaine de la plaisance, si boire un apéritif entre équipiers et un peu de bon vin à table ne présente pas à proprement parler de risque, c'est dans la perte de conscience des responsabilités que peuvent se cacher les réels risques. S'il n'y avait qu'une seule idée à retenir, ce serait celle de la responsabilité propre de chaque chef de bord, si vous buvez, vous ne barrez pas.
Ces quelques conseils ne sont pas des incitations ni à boire ni, à plus forte raison, à absorber quelque stupéfiant dont la détention, la vente et la possession demeurent, en France, dans les eaux territoriales françaises et à bord de tout navire battant pavillon français réprimé par la loi.
La mer est avant tout une activité plaisante et amusante : amusez-vous en connaissant vos limites.