Un authentique yacht à vapeur
Construit dans la lignée des grands vapeurs américains du début du 19e siècle, Le SS Delphine est lancé en 1921, pour le compte de Horace Dodge, co-fondateur du constructeur automobile éponyme, décédé 4 mois avant la mise à l'eau, ayant succombé à la grippe espagnole.
Il est le seul yacht de cette époque à être resté dans sa configuration d'origine, avec un groupe propulsif fonctionnant à la vapeur. La salle des machines du SS Delphine est équipée de trois chaudières Babcock et Wilcox, qui alimentent deux moteurs à quadruple expansion développant chacun 1500cv. D'où les deux lettres « SS » pour « Steam Ship », c'est-à-dire navire à vapeur.
Naufrage, grippe espagnole et accords de Yalta
Le SS Delphine a connu une existence pleine de péripéties. Suite à un incendie, il fait naufrage dans le port de New York en 1926. Renfloué et restauré, il continue de naviguer sur les Grands Lacs jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale.
Comme beaucoup d'autres yachts à cette époque, il est réquisitionné par l'US Navy et converti en navire de guerre. Rebaptisé USS Dauntless, il est alors équipé de plusieurs canons et repeint en camouflage gris. Utilisé comme navire personnel de l'amiral Ernest King, c'est à son bord que Winston Churchill et le président Roosevelt ont préparé la conférence de Yalta.
Après la guerre, le navire est racheté par sa veuve, qui rebaptisa le bateau du prénom de leur fille, Delphine.
Une séductrice qui mérite toutes les attentions
Durant les 50 années qui suivirent, SS Delphine connut plusieurs propriétaires. Mais la belle n'a pas eu toutes les attentions qu'elle méritait et son état s'est dégradé pendant de nombreuses années. Son propriétaire actuel, le Belge Jacques Bruynooghe, le rachète en 1997 à l'état d'épave. Sa restauration à grands frais (pour un montant avoisinant les 40 millions d'euros), fut réalisée dans un naval Belge durant 6 années.
Cette longue restauration a permis à Delphine de retrouver sa configuration d'origine, mais nécessite aujourd'hui un entretien quotidien méticuleux, notamment pour sa machine à vapeur, fabriquée il y a plus d'un siècle.
« Au premier abord, les moteurs paraissent très simples, notamment en l'absence d'électronique, mais lorsqu'il s'agit de les entretenir, c'est une autre affaire » selon Willem, le chef mécanicien. « Et lorsqu'une pièce vient à être défectueuse, on ne la trouve pas aisément sur le marché : il faut la faire fabriquer sur mesure par des chantiers spécialisés ! En conséquence, cela signifie qu'il faut être capable d'anticiper les éventuels problèmes. Donc d'être à l'écoute de la machine et de discerner chaque petit signe de faiblesse ».
Un charme intemporel
Son étrave inversée, sa cheminée jaune et la finesse de ses lignes procurent à Delphine une silhouette atypique, bien connue sur le littoral méditerranéen. Une des principales difficultés sur un yacht centenaire est de marier un classicisme revendiqué avec certains équipements modernes, indispensables pour une activité locative.
Ses vénérables chaudières ne développent que 3000 CV, on est loin de la course à la puissance observée sur des yachts de conception moderne. Mais qu'importe ! Avec une vitesse de croisière de 13 nœuds, Delphine est loin d'être le yacht le plus rapide, mais c'est indéniablement celui qui a le plus de charme.