La Manche, le terrain de jeu idéal des multicoques
Alexandre est un véritable amateur de multicoque. D'après lui, c'est le voilier idéal pour naviguer en Manche. En effet, ces bateaux rapides peuvent remonter plus vite que le courant souvent fort dans ces eaux à marées. En plus, ils s'échouent facilement, un avantage non négligeable quand le marnage peut dépasser les 5 m.
Ainsi depuis plus de 20 ans, Alexandre, souvent secondé par son papa, a toujours eu des voiliers de croisière rapide. Ce furent d'abord des catamarans : Edelcat 26, Aquilon 800 avant de passer aux trimarans, Tricat 22 puis un Corsair F27. Avec ses 2 enfants, la famille navigue beaucoup avec comme terrain de jeu la Manche au départ du Cotentin.
Un convoyage d'un Marquise 56 en Norvège donne envie à Alexandre de faire gouter à la famille le plaisir de naviguer dans ces contrées magiques. Mais pour cela le F27 s'avère un peu petit. Il décide donc de partir à la recherche d'une unité plus grande.
Un cata signé Lerouge
Après une longue recherche, on lui propose un Concept 33 CR à vendre dans le Golfe du Morbihan. Le voilier est en mauvais état, peu entretenu. En pus si la coque en Sandwich polyester a été construite dans un chantier, l'aménagement en contre-plaqué a été fini par le propriétaire. Beaucoup de détails à bord sont incohérents à commencer par un circuit électrique largement bricolé. Mis à l'eau en 1996, Alexandre découvrira que ce voilier n'a été utilisé que pour des sorties à la journée. Ainsi le carré n'avait pas de coussin ou bien encore le réchaud n'a jamais été allumé…
Ce catamaran est un plan Lerouge, reconnaissable avec son rouf en forme de soucoupe volante. Ces dessins sont connus pour faire des voiliers bons marcheurs et marins, ce que recherche Alexandre. Il est équipé d'un mât rotatif en carbone. Même si ce cata n'a plus trop bonne mine, les travaux ne font pas peur à Alexandre. Au contraire, il aime refaire son bateau proprement. Avec son papa, ils n'en sont pas à leur coup d'essai.
Un convoyage en forme de vacances
Acheté fin 2014, les trois mois de début de saison 2015 seront dédiés à remettre en état le voilier pour le rendre juste navigable. Le cata est démâté pour reprendre une fissure dans le mât repéré avant la vente, puis mis à l'eau pour de premiers essais dans le Golfe. À ce stade sera repris un peu d'étanchéité pour le rendre navigable avant d'entamer le convoyage vers La Manche qui prendra 3 semaines sous forme de vacances autour de la Bretagne. Déjà Alexandre a le sourire, car même avec des voiles marquées par le temps, ce cata aligne 110 milles en 11h pour rejoindre Port-Bail.
Un chantier sur 2 ans
Une fois à la maison, le voilier restera au sec une année. C'est le début du grand chantier. Une vraie reconstruction plutôt qu'un simple refit. La première année de travaux sera consacrée principalement à l'extérieure. Il faut gratter toute la coque, œuvres vives et mortes avant de la repeindre. Sur le pont, l'accastillage est entièrement déposé, révisé, puis le pont est repeint et un antidérapant KiwiGrip est réalisé.
À l'intérieur, Alexandre démonte tout ! Électricité, plomberie, électronique tout est débarqué. Il va tout changer, mais avant il ponce entièrement chacune des coques avant d'entreprendre des modifications. Une cloison est par exemple recoupée pour offrir un plus grand passage vers le cabinet de toilette. Pour chacune de ces modifications, Alexandre interroge Erik Lerouge avec qui il entretient de très bonnes relations. Ce dernier valide les changements.
En ce début d'année 2016, le catamaran est prêt pour repartir pour une croisière estivale. Un portique pour les anneaux solaires est construit, des marches pour monter sur le rouf sont ajoutées, des hublots pour aérer l'avant des coques sont installés, une électronique neuve complète est montée et les coques ont retrouvé un coup de peinture. Au passage le voilier a gagné en poids. En effet, les vieux ameublements en contreplaqué ont été débarqués, pour être remplacés par des meubles en sandwich composite.
Tout le bateau est reconstruit
Après une belle croisière sur les côtes anglaises au cours de l'été 2016, le cata retrouve le chantier pour cette fois attaquer en profondeur l'intérieur des coques. Cette fois, il reste à l'eau au ponton. Les coques sont intégralement poncées et enduites avant d'être repeintes. Seules les cabines sont recouvertes de vaigrage pour plus de confort quand on dort.
Un foc sans enrouleur
Une nouvelle garde-robe est aussi commandée. Alexandre fait le choix de débarquer l'enrouleur. En effet, ce dernier est lourd. À quoi sert un mât carbone, si on ajoute des poids dans les hauts ? En plus, avec le prix de revente de l'enrouleur, il peut s'offrir de belles voiles en membrane, du Trilame de chez All Purpose. Désormais, il faut se rendre sur le trampoline pour réduire le foc. Mais comme le souligne Alexandre "Si l'on sait que la navigation va être ventée, on peut prendre son ris avant le départ. Et les coques sont suffisamment hautes pour ne pas se faire mouiller sur le trampoline". Le gain avec cette voile d'avant est palpable, "le voilier tangue moins, il accélère aussi beaucoup plus au près !"
Un investissement physique
Cette rénovation - reconstruction même ! - a demandé pas moins de 2000 heures de travail acharné. Alexandre est arrivé au bout de ce chantier qu'il a mené lui-même de bout en bout heureusement largement soutenu par son papa. "La seule chose que je n'ai pas fait moi-même c'est la réparation du mât. Pour le reste, j'ai tout fait de mes mains !" dit-il fièrement, mais il ajoute : "J'ai un peu payé de ma personne, car ces 2 années de chantier ont laissé des traces : 2 déchirures musculaires, un lumbago et une tendinite…"
Reste plus désormais qu'à profiter de ce nouveau jouet entièrement retapé. Et si la destination nordique prévue initialement est pour l'instant reportée, ce catamaran rapide reste une formidable plateforme pour aller s'échouer dans les anglo-normandes ou bien pour traverser la Manche et découvrir les rivers Anglaises.