En février 1960, la revue Bateaux était une revue de 60 pages avec 15 pages de publicité (toutes en noir en blanc). Un ratio de 3/4 de rédaction, ratio qui va ensuite évoluer au fil des années en augmentant largement. Une fatalité pour le lecteur, mais une survie pour les magazines dont le financement est entièrement lié à la publicité, le prix de vente au numéro couvrant seulement la fabrication (papier et imprimerie).
Couverture sous spi
Malgré la saison hivernale, la revue Bateaux de février 1960 nous accueille par une couverture ensoleillée avec un voilier sous spi. Son cul norvégien (arrière aussi pointu qu'une étrave) marque bien l'époque de la photo.
Ce numéro encore agrafé (nous ne sommes pas encore à l'époque des fameux dos-carré de la Revue Bateaux qui en a fait son charme) continue à vouloir expliquer la navigation et notamment la voile (très peu de bateaux à moteur dans ce numéro). Les articles techniques se succèdent : réglages de voile, de safran, creux des voiles, cintrage de mât ou de la bôme… On s'amuse à relire ces sujets ultra-précis et techniques, illustrés par de simples croquis réalisés à main levés au stylo.
Découverte de la Somme
Ce mois-ci le "Où naviguer…" nous entraine en baie de Somme. Une navigation que l'auteur réalise avec un bateau à moteur hors-bord. Presque une obligation dans ces régions qui se transforme en un désert de dune à marée basse. Curieusement, le rédacteur avoue ne pas avoir trop apprécié les lieux : "Dois-je vous conseiller d'y aller, dois-je vous communiquer un enthousiasme que je n'ai point éprouvé ?"
Faut-il naviguer sur le Diable ?
L'essai du bateau du mois concerne le Diable. Un sloop biquille (on parle à l'époque de 2 ailerons) dessiné par Charles Élie Chauveau à la demande du navigateur Jean Merrien. En effet en 1960, les voiliers n'étaient pas produits par un chantier, mais avaient un "promoteur" qui en assurait la distribution. Il pouvait alors être construit par plusieurs chantiers, voire en construction amateur.
C'est le cas du Diable disponible en bois classique ou bien même en polyester. 8 chantiers se proposaient à l'époque de le construire.
Un promoteur, pas un chantier
En ouverture du sujet, la parole est laissée au promoteur Jean Merrien qui explique le choix du dessin et le programme de ce Diable. Il indique d'ailleurs : "Je ne crois pas que l'on puisse juger d'un bateau par l'essai d'une seule unité, comme on le fait d'une automobile… À mon avis, le jugement d'une série ne peut être établi que par une moyenne de nombreux avis." On est loin de la grande série que nous proposent les chantiers d'aujourd'hui !
L'essai se déroule d'ailleurs dans de drôles de conditions, l'essayeur racontant des problèmes de fuites :"un bol d'eau à l'intérieur lors de chaque paquet de mer, et aussi un suintement par les fonds qu'il était impossible d'assécher totalement". Pas sûr que cela donne envie d'acheter ce voilier…
Prendre son temps sur le Diable
D'autant que ses capacités à la manœuvre ne sont pas non plus portées au firmament : "Le Diable a été conçu pour la croisière confortable, mais on peut cependant accorder une certaine importance à ses performances. Nous n'attendions guère à trouver un racer, mais quoi qu'il en soit, les possibilités du Diable se situent assez nettement en dessous de la moyenne." Et plus loin : "Précisons que ses performances au moteur sont toujours assez médiocres." Une époque, où les choses se disaient sans fioriture…