Lorsque World Sailing a choisi le L30, bateau ukrainien, comme monotype officiel de course au large, beaucoup furent surpris. En effet, étroit et lesté, il correspond plus aux canons anglo-saxons qu'aux voiliers français de course au large.
À l'occasion du salon nautique de Paris 2019, nous avons visité ce voilier atypique et intéressant. Pour aller au-delà des éventuels préjugés, nous avons interrogé Sophie Faguet qui connait bien le L30. La jeune skipper Normande a une très grosse expérience en voile légère (420), en quillard de sport, en match race, elle a aussi fait le tour de France à la voile et 4 Solitaire du Figaro.
Dans quel cadre navigues-tu sur le L30 ?
Je suis skipper en binôme avec le Belge Jonas Gerckens. Nous préparons les JO 2024, qui pour la première fois s'ouvrent à une épreuve de course au large. Pour l'instant, le L30 a été choisi par World Sailing comme support officiel pour un championnat d'Europe de Course au Large en double mixte et c'est donc dans ce cadre que j'ai découvert le L30.
Ma première expérience à bord du L30 fut lors d'entrainement et de régates, en équipage de 4 personnes, sur le lac de Garde en Italie. Nous avons eu de la pétole, mais aussi jusqu'à 20 nds de vent, cependant le plan d'eau est resté relativement plat. Nous avons fini seconds de cette première compétition qui constituait une sorte de prise en main.
L'objectif était de nous tenir près pour l'épreuve en double mixte au départ de Venise vers Trieste courue en octobre 2019. Durant cette première épreuve du championnat et dans des conditions ultras variées, nous terminons seconds.
Peux-tu nous donner ton ressenti sur les qualités nautiques du L30 ?
Jonas et moi-même avons été agréablement surpris par ce quillard étroit et lesté, il se comporte un peu comme un dériveur. Dans le petit temps, on s'est amusé. Le jeu de voile est complet, et moi qui n'ai pas l'habitude de naviguer avec un gennaker, j'ai trouvé ça très sympa. En fonction de l'angle et la force du vent, on peut basculer rapidement du génois au gennaker, ça pimente les longs bords.
Dans le petit temps, aidé par sa surface mouillée limitée, le L30 démarre assez vite. Dans le vent léger, il est hyper sensible à la répartition des poids. En double mixte, on switchait rapidement les postes de barreur et de régleur en fonction des besoins en rappel, il faut dire que je pèse 60 kg et Jonas 85 kg.
Nous avons aussi navigué avec plus de mer et de vent. En mer Adriatique, nous avons rencontré jusqu'à 30 nds et de courtes vagues de 1,50 m typique de la Méditerranée. Le L30 passe bien les vagues, sans trop ralentir. Cependant, nous naviguions avec un angle de gîte très prononcé, car nous étions peu chargés. Ainsi, le L30 demande beaucoup de travail de régulation de la grand-voile qui est assez grande et équipée d'une corne.
Le jeu de voile, assez complet, offre pas mal de possibilités et je trouve ça très intéressant. Sur les côtes croates, nous subissions un vent très aléatoire en force et en direction, du coup on faisait beaucoup de changement de voiles, ce qui nous a permis de ne pas rester plantés sur le plan d'eau.
Comment se comporte cette carène, plutôt orientée stabilité de lest que stabilité de forme ?
On n'a pas fait beaucoup de reaching chargé dans la brise, il nous manque encore de l'expérience. Durant l'épreuve, il y avait un long bord de portant/reaching entre l'Italie et la Croatie, mais nous étions un peu plus au large que les autres alors il n'y a pas eu de comparaison immédiate.
Si le L30 n'a pas une stabilité de forme impressionnante, grâce au rapport de lest on peut tout de même lofer assez haut et quand il part au lof, on le récupère plutôt facilement. Même si le reaching ne sera pas forcément le point fort de ce bateau, en monotype on a tous le même support et ce qui compte est d'en tirer le maximum.
Deux barres à roue sur un 30' ! Peux-tu nous donner ton avis ?
En ce qui me concerne, les barres à roue demandent un temps d'adaptation. Forcément avec la transmission mécanique le temps de réaction est plus long qu'avec une barre franche. C'est surprenant, ce n'est pas ce que je préfère, mais on s'adapte.
Les winchs d'écoutes sont positionnés près des barres, mais ils sont quand même trop éloignés pour s'en servir en barrant. C'est dommage, car le régleur doit être à l'arrière et tourne le dos au bateau pour wincher. Alors autant que possible, on renvoie les écoutes sur les winchs de roof, de toute façon les winchs d'écoutes sont un peu sous-dimensionnés.
Concernant le système mécanique de drosse de barre à roue, il n'y a pas trop de jeu dans l'ensemble. Mais les safrans relevables bougent un peu dans leur logement, car la mousse qui les cale, tend à se tasser au bout de deux jours. D'ailleurs, les safrans ne tiennent plus relevés, donc le système perd rapidement de son intérêt.
Et enfin est-ce que le L30 est humide en mer ?
En naviguant dans la brise, mais surtout dans le clapot court j'ai trouvé le L30 très sec, j'étais surprise, même au rappel, tu n'es pas mouillée. Il est vraiment haut de franc-bord et comme il n'a pas tendance à plonger son étrave sous l'eau, on navigue hyper sec.