Transporter du bois
Jacques Morvan est négociant en bois au Faou, et fournit notamment en bois de charpente les ateliers de construction navale de l'arsenal de Brest. Ce dernier décide de construire Notre Dame de Rumengol, une gabare gréée en dundee, voilier qui lui permettra de transporter son bois de manière autonome.
Le vieux gréement d'une longueur de 21,70 m voit le jour en 1945 au chantier Keraudren de Camaret. À l'époque, Camaret est l'un des grands centres de la construction navale. On y construit notamment des langoustiers qui pêchaient la langouste sur les côtes de la Mauritanie. Si sa largeur est identique aux autres gabares du même type, sa longueur allongée lui confère beaucoup d'élégance.
Le bateau doit son nom d'un sanctuaire marial implanté sur un ancien site druidique situé à Rumengol. Deux pardons s'y déroulent tous les ans, le dimanche de la Trinité et le jour de l'Assomption (15 août).
Transport de fret
Finalement, Notre Dame de Rumengol ne transporte pas que du bois. Il gagnera ensuite la Méditerranée — entre Port Vendres et Oran, en Algérie — pour transporter du vin (70 fûts à chaque voyage). De retour en Bretagne, le voilier livre depuis Roscoff des cargaisons de choux-fleurs et d'oignons à Portsmouth, depuis Brest des fraises de Plougastel à Plymouth et va charger du sel par cargaison de 90 tonnes à Noirmoutier qu'il livre ensuite à différents sauniers de la région.
Un navire-sablier
Mais l'essentiel de sa carrière est "la pêche au sable, qu'il effectuera de 1945 à 1980, soit 35 ans. C'est-à-dire qu'il puisait du sable pour alimenter les différents ports de la rade. Brest d'abord qui constituait son principal port de déchargement, Landernau, le Faou et Port-Launey. À la fin du 19e siècle, jusqu'aux années 1900, ce sont des ports au trafic très important, comme en témoignent les linéaires de quais.
Le sable — qu'il transporte par cargaison de 120 tonnes par voyage — était mis en vrac dans une grande cale aménagée aujourd'hui pour le transport de passagers. Notre Dame de Rumengol transporte plusieurs types de sables. Celui qui servira à la construction pour faire du ciment — les tas étaient laissés sur les quais pour être lavés du sel qu'ils contenaient par l'eau de pluie — celui qui servira pour amender les terres — du sable calcaire qui permettait de diminuer le taux d'acidité de la terre de la presqu'ile de Pougastel — ou encore le maërl – il provient de la décomposition des algues, notamment du goémon rouge et est désormais interdit au dragage puisqu'il accueille la reproduction des poissons.
Fin de carrière
Finalement, le développement du transport routier met fin à la carrière de Notre Dame de Rumengol. Le bateau est laissé à l'abandon sur une vasière à Tibidy — un îlot situé à l'embouchure de la rivière du Faou, au fond de la rade de Brest, sur le territoire de la commune de L'Hôpital-Camfrout.
Une nouvelle vie en tant que bateau de patrimoine
Repéré par un groupe de passionnés de vieux gréements, le voilier est racheté à son propriétaire, incapable de laisser pourrir ce bateau qui fait partie du patrimoine breton. Ces nouveaux propriétaires créent l'association Antest en 1981 donc l'objectif est de sauvegarder et valoriser le patrimoine maritime de la rade de Brest.
Il est classé Monument Historique en 1990 et bénéficie d'un grand chantier de restauration en 1996 afin d'être transformé en bateaux de passagers. Sa remise à l'eau lors des Fêtes Maritimes de 1996 est d'ailleurs l'occasion d'une grande fête.
Bateau de passagers
Depuis plusieurs années, l'association exploite Notre Dame de Rumengol à travers des croisières à la journée ou de plus longues durées. Pendant 5 mois, 3 marins professionnels se relaient pour proposer des balades en mer mais aussi des navigations de 2 ou 6 jours jusqu'aux Scilly sur le thème de la pêche.
Si les quarts sont assurés par les marins professionnels, les plaisanciers en herbe sont invités — s'ils le veulent — à s'initier à la voile à bord d'un vrai bateau de tradition. Au total, 11 passagers peuvent embarquer pour plusieurs jours. La grande cale accueille désormais des bannettes (protégées par des rideaux), une petite cuisine et un grand carré. Deux toilettes et une douche sont également installées sur le pont.
Entretenir Notre Dame de Rumengol
Outre les fonds récoltés par ces croisières, l'association compte aussi sur le soutien de l'état dont les financements publics sont à hauteur de 75 % (50 versés par l'état et 25 % par la région et département). Reste alors 25 % à la charge de l'association.
23 ans après les derniers travaux de restauration, un nouveau chantier est prévu d'octobre 2020 à décembre 2023, dont le coût s'élève à 558 000 € HT. Les travaux porteront sur la structure bois (bordés, membrures, voute, pont, pavois, hiloires…).