Rappel de l'historique de la flotte handivoile de Lorient
Pour ses débuts, la section handivalide se voit prêter quatre MinJi. Ils servent au début de façon confidentielle, car la section n'est pas encore très connue. Mais en 2019, les choses s'accélèrent : la section met ses MiniJi à disposition de la Cité de la Voile, le centre de découverte sur la course au large implanté à Lorient-La Base. Ils sont utilisés pour l'initiation à la navigation que la Cité propose à ses visiteurs en été, et resteront là ensuite toute l'année. Résultat de ce partenariat : plus de navigation en globalité, plus de communication, et plus de demandes de la part des personnes en situation de handicap… Pour finir aujourd'hui où il manque des bateaux pour la section !
Avec le soutien financier du mécène RTE, société de transport de l'électricité, quatre MiniJi supplémentaires sont commandés. Pour continuer ce développement, la section espère pouvoir utiliser un bateau collectif : un Fillao, qui est une petite goélette franche de neuf mètres. Cinq ou six personnes, dont certaines en situation de handicap, pourraient être embarquées. La Sellor, la structure qui gère une bonne partie des installations liées à Lorient-La Base, en possède justement deux… mais la mutualisation des moyens n'est malheureusement pas facile à mettre en œuvre. L'idéal serait aussi que la section dispose d'un bateau en double pour que la personne en situation de handicap et un bénévole puissent progresser conjointement.
Pour ce qui est des équipements, la section utilise déjà les infrastructures liées au handicap dont dispose la Cité de la Voile, puis qu'elle est labélisée "tourisme et handicap" pour les quatre types de handicaps. Mais il manque une potence pour embarquer et débarquer les personnes en fauteuil, qui permettrait aux plaisanciers en situation de handicap de faire plus de voile. C'est avec Lorient Agglomération que les choses devraient trouver une issue favorable.
Bateaux.com - Comment l'accessibilité de la voile s'est-elle développée en France ?
Jean-Charles Desvouas – Bien sûr, il y a des personnes qui se sont retrouvées en situation de handicap, qui naviguaient avant et qui ont continué après. Donc une certaine accessibilité a toujours existé, mais cette pratique s'est formalisée dans le cadre du développement du handi-sport, et de la fédération correspondante. Il y a quelque temps cependant, c'est la Fédération Française de Voile qui a repris la gestion de la voile handi. C'est déjà elle qui gérait les clubs de voile, répartis dans toute la France, avec leurs bateaux et leurs équipements (vestiaires, douches…).
Financièrement, comment cela s'est-il passé ?
Au début des années 2000, les dotations des départements et des régions en faveur de l'accessibilité de la voile ont été notables : les clubs ont pu acheter des bateaux adaptés. À ce moment-là, ce sont surtout des MiniJi qui sont acquis. Ces bateaux français étaient bien adaptés aux personnes en situation de handicap, pour la régate notamment et les navigateurs déjà aguerris. En revanche, pour l'initiation ou la découverte, ils étaient moins pratiques, car c'est un bateau avec lequel on navigue seul…
Quelle solution a été trouvée ?
Les clubs se sont dirigés vers d'autres bateaux, notamment les Hansa australiens, pour deux personnes. Le modèle 303 a alors fait figure de bateau-école type. Deux personnes en situation de handicap ou une seulement accompagnée d'un valide pouvaient naviguer ensemble. Malheureusement, l'importation de cette marque a posé problème. Certains clubs qui en avaient commandé n'ont jamais été livrés…
Un nouveau bateau encore, alors ?
Eh oui ! Notamment le Néo 495, un autre bateau en double et français. Un peu plus grand, plus performant, doté d'une quille à bulbe, il autorise une plage d'utilisation plus large que les MiniJi ou les Hansa. Il est aussi un peu plus onéreux que son prédécesseur... D'autres bateaux existent, mais restent au stade de prototypes pour l'heure.
Où la voile handivalide s'est-elle développée en France ?
En fait, c'est très variable. Prenez Lorient : malgré le fait que ce soit une ville très tournée vers la voile, avec la Cité de la Voile, le pôle de compétition… Eh bien, avant notre section créée il y a 2,5 ans seulement, il n'y avait rien. Et aujourd'hui, nous manquons encore d'équipement... À l'inverse, un village situé dans les terres à proximité d'un plan d'eau peut proposer une potence, un ponton adapté… Si localement des gens se démènent et qu'ils savent se faire entendre des responsables politiques des collectivités, alors la voile handivalide a plus de chance de se développer.
Quel avenir voyez-vous pour la voile handivalide ?
Il y a encore beaucoup de travail avant de pouvoir proposer une initiation à la voile à chaque personne en situation de handicap intéressée, ou une pratique régulière à celles qui sont déjà fans. Ensuite, dans le domaine de l'accès à la régate et aux courses offshore en bateau habitable, un formidable champ d'innovations et d'expérimentations reste à explorer, à mon sens. Pour des investisseurs comme pour des techniciens ou ingénieurs, trouver les bonnes solutions financières et techniques est un vrai défi.
Vous évoquez des bateaux inchavirables et insubmersibles bien sûr, mais aussi "adaptés". De quels types d'aménagements s'agit-il concrètement ?
La forme du cockpit, par exemple, doit permettre à une personne en situation de handicap physique de s'y installer. Pour celles qui n'ont pas l'usage de leurs jambes, mais qui ont celui de leurs bras, un volant peut être installé. À bord des Hansa, une sorte de manche à balai est positionné au milieu du cockpit, entre les deux places : pour barrer, le pencher à droite ou à gauche suffit. Pour les navigants qui ne peuvent se servir de leurs bras, des commandes au pied sont implantées. Pour ceux dont les quatre membres sont inopérants, on intègre à bord un cerveau moteur : c'est un dispositif électrique qui permet de barrer avec un joystick. Il existe aussi des bateaux adaptés plus grands : par exemple, à Fécamp, l'association Normhandimer possède un Scholl 39 de 12 mètres, qui peut accueillir une dizaine de personnes dont certaines en fauteuil.
Quels retours avez-vous des personnes en situation de handicap que vous accompagnez ?
Vous savez, que l'on soit valide ou en situation de handicap, être sur la mer, à bord d'un bateau qui file sans bruit grâce au vent, et que l'on mène où l'on veut… c'est toujours un plaisir indicible, et à l'origine d'une jouissive sensation de liberté. J'imagine que pour les personnes en situation de handicap, il y a une dimension supplémentaire : pour les valides, naviguer est une pratique comme une autre, mais pour les personnes en situation de handicap, pouvoir être autonome ou quasi autonome sur un bateau, réussir à le contrôler, c'est autre chose… on laisse son fauteuil à terre. Et quand il s'agit de voile handivalide sportive, l'enjeu est sans doute plus grand encore : il y a des navigateurs en situation de handicaps qui obtiennent de meilleurs classements que les valides…