Alexandre est originaire de l'île de la Réunion, et après 10 années passées au Canada. (2004 à 2014), il rentre sur son île et se lance dans la construction de son bateau. Une coque open de 5,50 x 2,20 m construite en contreplaqué époxy. Il nous explique son cheminement et les écueils rencontrés lors de ce chantier.
Réception des plans. C'est parti !
Comment se lance-t-on dans un tel projet ?
Avec un grand père charpentier, l'autre tailleur de pierre et un père mécanicien, c'est tout naturellement que je suis devenu un bricoleur à tout faire au fil des années. En 2006, un collègue de travail m'a emmené voir un petit voilier de 6 m qu'il avait construit. J'ai été impressionné par le travail, mais me lancer moi-même dans la construction ne m'a même pas traversé l'esprit : je n'y connaissais rien en bateau !
Ce n'est qu'en 2013, suite à des évènements familiaux que l'idée de construire un bateau a commencé à germer dans ma tête. Ce sera un bateau à moteur, une coque open pour partir à pêche au gros au large de mon île.
Comment choisir un plan ?
J'ai fait beaucoup de recherches sur internet avant de trouver Marc Bowdidge (Bowdidge Marine Design). C'est un architecte australien qui dessine des bateaux et surtout aide les constructeurs amateurs à réaliser leur projet. Sans son aide et sa patience (peu aidé par mon anglais très approximatif), je n'y serais pas arrivé.
J'ai également pu découvrir une communauté de constructeur en Australie via les forums de son site. Pendant deux ans avant de me lancer, j'ai épluché tout le forum et les informations techniques que je pouvais trouver sur internet et sur le site de Marc (pas facile tout est en anglais). Sans oublier de consulter la Division 240 et 245 pour le respect de la réglementation française.
Marc propose de nombreux plans de bateau en construction amateur. Cela va de la barque de 12 pieds (3,50 m) au fishing de 35 pieds. Comme j'aime la pêche, j'ai choisi un SeaStrike 18, un open de 5,50 m à construire en contreplaqué et résine époxy.
Comment se déroule la construction ?
En 2014, je décide de retourner à l'île de la Réunion et en 2015 je commande les plans après de Marc Bowdidge. C'est en ouvrant l'enveloppe que je commence vraiment à comprendre les difficultés qui m'attendent :
- je suis sur une île et le coût des matériaux est très élevé
- il faut de la place pour la construction
- encore une fois les plans sont en anglais
Mais pour qui a de la volonté, tout s'organise. Je commande le gros des fournitures (contreplaqué) en Afrique du Sud et rencontre un fournisseur de résine à la Réunion qui sera d'une grande aide technique pour moi. Pour le local, j'attaque dans mon garage (je devrais déménager 2 fois le bateau).
En 2016, après l'import des fournitures de base, je commence la construction. Le travail de la résine n'est pas simple et dans un premier temps j'ai eu quelques ratés !
Quelles sont les difficultés rencontrées ?
Au départ, on veut aller trop vite. Malgré ma lecture fournie dans le domaine de la résine et des tissus (à ce sujet, je recommande les livres des Frères Gougeon, des incontournables dans la construction de bateau CP époxy), malgré les conseils éclairés de nombreux intervenants du forum qui me conseillaient de travailler par petites surfaces, j'ai tout de même voulu réaliser l'entoilage de la coque en une seule fois. Bilan, j'ai mis 4 jours à poncer non stop pour tout enlever…
Quand on construit avec la méthode du CP époxy, il ne faut pas sous-estimer le ponçage. Pour ceux qui ne connaissent pas, poncer la résine époxy, c'est comme poncer de la roche. Et c'est très chronophage malgré l'utilisation de tissu d'arrachage. C'est vraiment pénible dans certains recoins inaccessibles.
Et les équipements ?
Pour la réalisation du T-top, la base de la banquette et les mains courantes, j'ai une formation en soudure TIG qui m'a bien été utile. C'est pour le cintrage de l'inox que j'ai beaucoup cherché à trouver de l'information. Mais le système D a finalement été le plus efficace. Pour anecdote, j'ai cintré les mains courantes avec un tronc d'arbre ! Je regrette juste de ne pas avoir eu le temps de lieux polir l'inox. Je me suis "arrêté" à une finition inox brossée.
Ma formation en électromécanique m'a servi pour la partie électrique, mais là encore internet a été un outil indispensable pour connaitre les règles de l'art.
Et si c'était à refaire ?
Si je devais construire un nouveau bateau, je ne me lancerais plus tout seul. Je lancerais le projet avec plusieurs autres constructeurs afin d'avoir de l'aide et de pouvoir échanger sur certaines phases de la construction. J'ai eu la chance de rencontrer un professionnel local qui a cru en mon projet et qui m'a aiguillé au cours de la fabrication.
Mais 3,5 ans de construction c'est long. Il faut être déterminé pour ne pas lâcher. Ma plus grosse peur au cours de la construction a été de ne pas terminer.
Quel budget prévoir ?
Une des clés de la réussite est de maîtriser son budget. Pour ma part, le bateau (la coque) m'est revenu à environ 7 000 €. Auquel s'ajoutent 11 000 € pour l'achat et la livraison du moteur hors-bord (un 115 ch Mercury acheté au salon du nautique de Grau du Roi et livré à la Réunion).
Et la suite ?
Le 17 juillet 2019, après tout le parcours administratif, le Marie Sonia était mis à l'eau au port de Saint-Pierre. Il porte le prénom de ma mère décédée en 2010. J'ai fait les premiers essais en mer et je suis pleinement satisfait de cette coque en V profond qui passe admirablement bien dans les vagues. Je note tout de même qu'il faut bien remplir le réservoir de carburant (200 l en fond de coque) pour lester un peu le bateau quand je suis seul.
Maintenant je n'attends plus que le retour du beau temps (c'est l'hiver actuellement à La Réunion) pour partir profiter de la pêche au gros avec les amis !