Pierre ne vit pas au bord de la mer. Et pourtant il aime les bateaux. Mais plus que tout, c'est le projet de construction qui l'anime. Ce retraité de la ville de Strasbourg s'est lancé dans le projet un peu fou de construire un petit bateau à moteur pour naviguer sur les canaux et pourquoi pas en mer.
Un canot à moteur de 7 m
Pour les plans, il s'est rapproché de l'architecte François Vivier qui lui propose son unité de 7 m : le Koumig 23. Il s'agit d'un timonier avec une coque joliment frégatée à l'arrière et tupilée à l'étrave. Il a l'allure d'un petit lobster boat et la bouille sympathique d'un petit chalutier. L'architecte le propose dans une motorisation hors-bord (50 ch), mais Pierre qui veut un bateau économe décide (avec l'accord de l'architecte) d'installer un in board Sole Diesel de 32 ch avec une transmission sail drive. Pour cela il faudra modifier un peu le plan et renforcer les cloisonnements arrière en perdant certes un peu d'espace dans le cockpit, mais aussi installer un safran.
Une coque en forme
Le Koulmig est un bateau en contreplaqué époxy sans bouchain, avec une coque en forme. Pour cela, la coque construite à l'envers sur membrures est constituée de 2 épaisseurs de contreplaqué de 6 mm collées l'une sur l'autre. C'est une sorte de bois moulé "simplifié". Pour le poids et la dureté, le contreplaqué est du bouleau. Supportant mal les ambiances marines, le bouleau est protégé par une stratification extérieure. Prudent, Pierre a aussi ajouté du tissu et de la fibre à l'intérieur.
Un local et quelques outils de base
Avant de se lancer, Pierre a dû trouver un local adéquat. Il est passé par une location d'un box dans un entrepôt qui a juste les dimensions du bateau et surtout la hauteur de porte pour lui permettre de sortir. D'après lui : "La construction en contreplaqué époxy, à la portée d'un bricoleur moyen et patient, ne réclame finalement que des outils portatifs de base : une scie sauteuse, une perceuse sur batterie, une trentaine de serre-joints, un bon masque chimique et le reste à l'avenant."
Presque 4 ans de chantier
Amoureux du beau travail, Pierre aime bien trouver des solutions pour sa construction. Par exemple pour retourner la coque avec un local étroit, il imagine des pièces métalliques pour que la coque pivote sur elle-même. C'est ainsi pour toutes les phases de construction où il doit trouver des astuces pour réaliser le travail en étant seul, mais aussi cherchant des idées pour réduire les coûts.
Depuis 3,5 ans que le chantier à commencé, poursuivant avec obstination, aujourd'hui la mise à l'eau en en vue, prévue pour l'automne (octobre ou novembre 2019). Le bateau est quasiment fini. Le moteur est en place, les aménagements avec la couchette, la cuisine et surtout le coin toilette sont à poste. Restent les peintures et les vernis avant que le bateau prenne le large. Il sera mis à l'eau à Strasbourg et commencera ses navigations sur les canaux et les fleuves de la région. Mais homologué pour la mer, il pourra aussi la rejoindre un jour.
Le bois comme matière première
Passionné du bois, Pierre a pratiquement tout fabriqué avec ce matériau. Ainsi le volant est fait maison, un lamellé collé de chêne plié à la vapeur. Le secteur de barre est aussi en bois tout comme les taquets réalisés en ipé très dur. Il a aussi trouvé des solutions pour les aménagements comme le lavabo des toilettes qui s'escamote, ou bien les toilettes sèches qui disparaissent sous le plancher. Le système D est aussi très présent avec un axe de pédalier de vélo de course pour l'axe du volant !
Un budget très maitrisé
Question budget, la réalisation de son bateau va revenir environ à 20 000 € moteur compris. Dans ce budget les grands postes sont (prix approximatifs) 1 000 € pour les plans, 3 000 € pour le bois, 2 000 € pour les 100 kg de résine époxy, 10 000 € pour le moteur et 3 000 € pour la liste infinie de bricoles et d'accastillage. À cela s'ajoutent les 4 ans de location du hangar.
Pour le plaisir de construire
Quand on demande à Pierre : "À quoi ça sert de construire un bateau ?", il vous répond directement : "Ça sert à construire…". En effet, il n'a pas de projet précis pour la suite avec son Koulmig 23 : pêcher, naviguer avec des copains, voyager…? Tout est possible. Pour lui, "la construction est un peu comme une grossesse. C'est la phase où l'enfant est dans le ventre de sa mère. On imagine plein de trucs, mais on ne sait pas comment cela va être après la naissance. Et une fois l'enfant avec nous, c'est un nouveau départ, une nouvelle aventure. Pour mon bateau c'est pareil. Je ne connais pas encore les aventures que je vais vivre avec lui une fois qu'il sera à l'eau..."