Tu te lances dans le Figaro, qu'est-ce qui t'attire sur le circuit ?
Ce qui m'attire, c'est avant tout le niveau de la course au large. Je sors du dériveur et de la voile olympique en 470. J'étais confrontée au haut niveau du dériveur. J'ai voulu changer et apprendre de nouvelles choses. Je voulais faire de la compétition et apprendre directement des meilleurs. Donc le Figaro s'est imposé. C'est là que se concentrent tous les skippers. Surtout cette année avec un sacré plateau. C'est un renouveau pour moi, complètement différent.
Et alors quelles sont tes premières impressions ?
On ne m'a pas menti, c'est dur ! Les mecs comme les femmes sont hyper calés techniquement et sur leurs choix stratégiques. Ils ont l'habitude et ça ne pardonne pas les erreurs. Comme je débute tout juste j'en fais plein. Mais c'est ce qui est intéressant, quand tu fais une erreur, tu évites de la faire deux fois. Tu apprends tout de suite de bonnes choses même si parfois c'est un peu difficile de rester derrière. Il faut garder la motivation et repartir du fond du classement. Il n'y a que des possibilités d'évoluer.
Vous avez reçu les bateaux tard dans la saison, pour toi qui devais préparer le bateau ET découvrir la course au large, comment as-tu axé ta préparation ?
J'ai rejoint la structure de Marc Guillemot, le duo mixte. On a pu mutualiser la préparation avec Mathieu qui s'entraîne avec moi. Il a beaucoup plus d'expérience dans la préparation et a pu m'aiguiller. On avait également un préparateur pour les deux bateaux. Mais effectivement le temps a été très limité et heureusement qu'on avait cette structure parce que si j'avais dû faire ça tout ça toute seule, je n'aurais pas pu y arriver. Le travail d'équipe m'a beaucoup apporté.
On a essayé de s'organiser au mieux, en faisant les choses dans l'ordre. En commençant par préparer les bateaux. En amont on avait essayé d'anticiper tout ce qu'on pouvait : électronique, Adrena, la météo... ça nous a laissé une semaine pour les prendre en main. J'ai appris toutes les manœuvres de base du bateau, comment gérer les voiles d'avant - il y en a 5. Je suis loin de tout connaître, mais je connais au moins les manœuvres de base pour pouvoir les appliquer pendant les courses.
Te sens-tu prête pour partir sur cette Solitaire du Figaro ?
Je crois qu'on n'est jamais complètement prêt. Il y a toujours des détails à peaufiner, des choses que tu voudrais améliorer surtout pour une première année où on découvre beaucoup de choses. Il faut bien réussir à prioriser, c'est super dur. Je vais faire avec ce que j'ai.
As-tu des appréhensions particulières ? Des difficultés que tu vas devoir affronter ?
Oui, j'en ai quelques-unes. Comme de naviguer avec le courant et les cailloux, de gérer tout ça avec lucidité. C'est vrai qu'en dériveur il n'y a pas de problème de courant ni de problème de sommeil. Quand tu passes une nuit, que tu es mouillé et qu'il fait froid, c'est difficile.
J'appréhende aussi d'avoir un problème technique, quelque chose qui casse sur le bateau et de devoir assumer ça toute seule. Je n'ai pas encore beaucoup de compétences pour assumer tout ça. Si jamais j'ai un gros bug d'électronique ou que je casse quelque chose sur le mat, ou n'importe quelle grosse avarie technique, ça me fait peur.
Que penses-tu de ce nouveau bateau, le Figaro 3 ?
Pour moi qui viens du dériveur, je le trouve assez réactif et agréable à naviguer. Il rend pas mal en sensation. Moins quand on est en dessous de 8 nœuds, car il ne porte pas sur ses foils, mais dès qu'il entre en appui sur les foils, il renvoie pas mal de sensations. Comme il est équilibré, tu n'es pas en train de flipper à tous les instants. Le bateau est assez stable. Dès qu'il y a un peu de vent, il a envie d'accélérer, il plane, c'est super agréable. Ça me fait plus penser à un bateau moderne avec la réactivité d'un dériveur.
Quel est l'objectif pour toi sur cette édition de la Solitaire du Figaro ?
Étant donné le peu de préparation et de temps qu'on a eu, ça ne sera pas de viser une grosse performance. Il faut rester réaliste par rapport à ses objectifs. Pour cette année je n'ai pas assez d'expérience pour avoir un objectif de résultat. Mais je reste une compétitrice et à terme j'espère pouvoir jouer avec les autres.
Quel sera ton programme après cette Figaro ?
Si tout va bien en septembre il y a le Tour de Bretagne, puis on repartira sur une saison où on aura plus de temps pour se préparer et prendre en main le bateau. À terme mon objectif sera de faire de bons résultats. Mais pour cette édition l'objectif serait d'apprendre le maximum, d'emmagasiner le maximum d'informations et de sortir des axes de travail pour la suite.
Si je peux jouer dans le classement tant mieux, mais pour l'instant l'idée de sortir de là en se disant que j'ai donné tout ce que je pouvais.
Le plateau exceptionnel qu'il y a cette année apporte-t-il une pression supplémentaire ?
C'est grisant, ce sont des mecs que je voyais quand j'avais 8 ans sur le Vendée Globe. C'est super valorisant, mais je ne le prends pas comme une pression, car je sais qu'ils ont 15 ou 20 ans d'expérience derrière eux. C'est une richesse d'avoir un plateau aussi varié, de pouvoir apprendre de ces mecs-là et de discuter avec eux sur les pontons.
Comment gères-tu ta vie à bord ?
J'ai du mal à manger dès qu'il y a un peu de vent qu'on est au pré et qu'on est brassé. J'ai réussi à trouver des produits faciles à manger, des produits en poudre où on ajoute de l'eau et qui font l'apport énergétique d'un repas complet. Au moins quand je n'en ai pas de sensation de faim et que je ne suis pas bien, je mange ce truc-là et ça me permet de ne pas être en perdition ou en carence. Dans les moments où il y a moins de vent et que j'ai faim, je prends des petits plats ou des salades que j'ai préparés en avance. On a travaillé avec "la marmite de Lanig", ce sont des petites salades à bases d'algues avec du quinoa, c'est assez complet. Je prends ça pour le moment où j'arrive à manger. Je complète avec des fruits qui se conservent, des pommes ou des choses comme ça.
Sinon j'aime aussi les Kinder maxi.
Au niveau du sommeil, je n'ai pas de problème pour dormir et je pense que je dors un peu trop au bout de 20 minutes lorsque le réveil sonne j'ai envie de l'éteindre et qu'il me laisse tranquille. J'arrive hyper bien dormir et lâcher prise, mon problème serait plutôt de me réveiller et me rebooster pour repartir.
Peux-tu nous raconter un événement marquant que tu as vécu sur ce bateau ?
Sans doute mon premier passage du Raz de Sein où j'ai posé un gros vomi grand ma baille à bout ! Je suis sortie de la descente pliée en deux, j'étais au bout de ma life. Je me suis cassé la gueule parce qu'il y avait une grosse mer et que le bateau gitait. Je me suis vraiment demandé ce que je faisais là.
Ou encore, mon premier envoi de spi à la Solo Maître Coq, il y avait 20 nœuds de vent et tout le monde envoyait. C'était la première fois que je le faisais. Ça a cocoté. J'ai eu du mal à empanner parce que je ne l'avais jamais fait.
Mais les mauvais moments passent vite et il y a plein d'autres bons moments comme pendant la Solo Maître Coq avec tous les dauphins qui jouent dans les foils, les étoiles, le plancton, c'est vraiment trop beau. La dernière fois que j'en avais vu, c'était au Mexique le long de la plage. Je n'en avais jamais vu en mer. Quand tu te prends plein d'eau et il y en a qui montent sur le bateau c'est beau. J'étais comme une gosse. Ce sont des choses qu'on ne peut pas photographier et partager.