Comment-as-tu organisé la préparation du bateau et des entrainements dans le court laps de temps entre la réception du bateau en janvier et la Solitaire du Figaro ?
On a géré la réception/préparation du bateau et les premiers entrainements avant la première course de la saison : la Sarinha Cup. On s'est concentré sur le fait de découvrir au plus vite ce nouveau support. On a condensé la préparation technique en gérant d'abord les priorités pour le mettre à l'eau le plus vite possible et s'entrainer un maximum pour connaitre le bateau et découvrir ses nouveaux réglages, ses nouveaux foils, ses spis asymétriques… qui est un peu nouveau sur ce bateau par rapport au Figaro 2.
Le but était d'avoir le bateau le plus tôt possible, de préparer la base prioritaire, de le mettre à l'eau et de naviguer beaucoup avant la première course. Ce travail a été fait en double avec Achille Nebout avec qui j'ai couru la Sarinha Cup. On a fait beaucoup de recherche et de réflexion sur les réglages et les manœuvres pendant les premières navigations.
Mais du coup, on a repoussé les petites choses pas prioritaires qu'on est en train de fignoler aujourd'hui.
Le bilan est positif, on fait un podium sur la Sardinha ce qui a confirmé qu'on a fait un bon boulot cet hiver et choisi les bons axes de travail et confirmé une seconde fois par la Solo Maitre Coq [NDLR vainqueur au classement général].
Tu pars donc confiant pour cette Solitaire ?
Forcément les bons résultats des premières courses mettent en confiance, mais on est toujours dans la recherche de plus. La Solitaire se joue à pas grand-chose, à plein de petits détails qui peuvent faire la différence. Je sais que j'ai une bonne vitesse dans l'ensemble, mais j'ai vu des concurrents aller plus vite que moi à certaines allures et j'ai très envie de trouver ce petit plus qu'eux ont trouvé. Je suis donc encore dans la recherche du perfectionnement.
En Figaro 2, j'en étais à ma 8eparticipation à la Solitaire et j'étais encore en recherche de perfectionnement et au bout de 8 ans je continuais de découvrir des choses.
La recherche du bon réglage est un peu cyclique. On a des habitudes de réglage. Petit à petit on va chercher autre chose pour voir si on ne trouve pas quelque chose de mieux. Si on se rend compte qu'on ne trouve pas mieux, on revient sur les réglages qu'on avait avant. C'est un cycle naturel de recherche de performance.
Peux-tu nous dire ce que tu penses du Figaro 3 ?
C'est un bateau plus rapide aux allures portantes, plus moderne. Il est intéressant avec cette voile en plus : le gennaker. C'est intéressant comme plan de voilure. Le travail du réglage de foils l'est aussi. C'est un bateau plutôt fun et rapide. Dans l'ensemble c'est un bateau réussi. On a eu quelques défauts de jeunesse, comme le gréement et d'autres petites choses. Mais ça a été bien réglé à ce jour.
Les foils font bien corps avec le bateau. Il y a pas mal de moment où l'on gagne en performance, même si parfois on cherche à les effacer au maximum. Encore un réglage à découvrir.
Ce que je regrette un peu du Figaro 2 c'est qu'il soit moins confortable. Il est très bas sur l'eau. Dès qu'il y a 8 nœuds de vent, on navigue en ciré. Dès qu'on va à l'avant, on est mouillé. Il faut avoir constamment les bottes et le ciré. Ce n'était pas le cas en Figaro 2 où jusqu'à 18 nœuds on était en short et basket.
Le Figaro 3 est plus physique, plus dur, avec un cockpit peu profond, des postes de manœuvres très bas, avec les reprises de manœuvre sur le pont et non sur le roof. Ça donne des positions de travail très courbées qui font vite mal au dos et aux cervicales. Même à l'intérieur pour matosser, passer de l'avant à l'arrière reste plus compliqué.
Est-ce que tout cela change ta façon de naviguer et de vivre à bord ?
J'essaye de penser à me préserver. Même si je l'avais déjà en tête sur le Figaro 2 et que cela faisait partie des priorités. Mais c'est d'autant plus important sur ce bateau. On a vu des abandons sur blessures dans les premières courses de la saison parce que le bateau est difficile et peut faire mal.
Bien sûr il y a des choses qu'on transpose du Figaro 2, sur la manière de faire et de naviguer. Ce sont les mêmes clefs de la réussite : de l'anticipation, de la stratégie, gérer son énergie et mettre le coup de cravache au bon moment. Même si ce n'est pas la même manière de faire fonctionner le bateau. On a vu que le jeu était plus ouvert. Il y a plus de différence de vitesses en fonction des choix des skippers, des voiles et des stratégies. Il y a plus de rebondissements qu'en Figaro 2 où c'était le petit train. Il y avait quelques rebondissements, mais à plus petite échelle. Sur le Figaro 3, on voit des mecs loin derrière qu'on pensait hors-jeu et en une journée il est repassé 5 milles devant, et gagne la course parce qu'il était au bon endroit au bon moment.
Comment organises-tu ta vie à bord ?
Je n'ai pas grand-chose de différent de d'habitude. Je navigue épuré et sans superflu. J'évite de mettre des bailles à matosser si je sais que je ne vais pas les utiliser. Je n'embarque pas de pouffe, je dors sur mes spis. Selon moi c'est une des clefs de la performance : d'y voir clair et de ne pas se charger inutilement. Je suis organisé, chaque sac a un code couleur, je sais ce qu'il y a rangé dedans.
Avec le retour des grands noms de la solitaire de la Figaro, y a-t-il une pression supplémentaire ?
Ça relève le niveau clairement. J'essaye de ne pas me mettre de pression parce que je ne pense pas que ce soit nécessaire. J'avais déjà fait en 2013 une année où beaucoup de grands skippers étaient revenus – comme Michel Desjoyaux, Armel Le Cleach'… J'avais bien marché et fini devant beaucoup d'entre eux. Je sais que c'est accessible même si ce sont des skippers extrêmement talentueux et expérimenté, je suis capable d'être devant eux.
Mais ça fait plaisir de naviguer avec ces légendes qui ajoutent encore plus à cette course qui est déjà une légende.
Que peux-tu nous dire de ce parcours très Nord et des difficultés que vous allez rencontrer ?
On est prêt pour le faire et l'organisation et la direction de course sont capables d'adapter les parcours s'ils sentent que ce n'est pas un parcours adapté. Il y a déjà plusieurs parcours de prévus pour chaque étape en fonction des prévisions météo et ils n'hésiteront pas à en sortir un nouveau la veille du départ s'ils voient qu'aucun de ceux prévus ne convient à ce qu'on peut faire dans les conditions météo.
Au mois de juillet on a une course qui va aux Açores, l'AG2R l'année prochaine, on est prêt à affronter des étapes un peu longues. C'est d'ailleurs ce que je préfère : les longues distances.
Quel sera le challenge principal à surmonter pour finir bien classé ?
Le challenge de la Solitaire du Figaro c'est son niveau. On est chez les champions du monde la course en solitaire !
Quel sera ton programme après cette course ?
Il reste la Douarnenez-Horta au mois de juillet, et le Tour de Bretagne [NDLR toujours en Figaro3]
Après je suis engagé sur la Transat Jacques Vabres avec Arnaud Boissière en IMOCA. On va faire le Défi Azimut ensemble pour s'entrainer. Ça fait une année bien chargée.
Ensuite le programme Figaro est prévu sur 2 ans avec mon sponsor, mais j'espère que cette année sera la bonne et que je n'aurais pas besoin de deux ans…