Dans la semaine qui précède le départ de la Solitaire Urgo le Figaro, nous rencontrons Julien Pulvé sur son Figaro 3 Team Vendée Formation amarré sur les quais de Nantes, pour une interview sur sa vision de la course.
Pourquoi être revenu sur le Figaro cette année ? Qu'est-ce qui t'attire ?
Tout simplement parce que c'est un nouveau bateau, un bateau moderne. Il y a tous les "grands" qui reviennent, cette année regroupe un plateau exceptionnel.
Deuxième point : avec le Team Vendée Formation, ça s'était très bien passé en 2017. C'est donc tombé sous le sens qu'on puisse réitérer ensemble. Tout s'alignait bien pour que je sois là cette année.
Vous avez reçu les bateaux tard, la solitaire du Figaro est tôt dans la saison cette année, ça n'a pas laissé beaucoup de temps pour vous préparer et vous entrainer, comment as-tu axé ta préparation ?
J'ai pu faire la nav' d'essai d'une demi-journée comme tous les skippers. J'ai pu aussi faire une sortie d'essai "voile" pour un voilier qui testait ses voiles. Après on a priorisé comme la plupart des skippers. Par manque de temps on a mis la priorité sur la navigation et le temps passé sur l'eau. Il faut naviguer dessus pour apprendre à le connaitre. En parallèle, j'ai fait pas mal de préparation physique. Enfin, un peu d'optimisation technique sur le bateau : casser ce qui devait casser, fiabiliser ce qui devait l'être.
La vraie différence c'est qu'on est tous encore en train de préparer des choses. En 2017 quand je suis arrivé au Team Vendée formation, j'étais bizuth, mais le bateau était prêt. Avec l'entraineur on connaissait les réglages. J'avais besoin de m'adapter moi, mais moins besoin de chercher et d'explorer moi-même, ce qui demande énormément de temps. Avec ce nouveau bateau, on a tous dû explorer, tester et trouver ce qui marche.
Aujourd'hui considères-tu être prêt et connaitre le bateau ?
C'est évident qu'il reste des trucs à apprendre. Par contre je pense qu'on a déjà déblayé pas mal de grandes lignes, mais c'est sûr qu'on va encore apprendre beaucoup sur cette Solitaire.
Le bateau est-il très différent du Figaro 2 dans sa façon de naviguer ?
Il y a plus de voiles à bord donc plus d'option de route et de stratégie possible. Grâce au foil, il peut également porter plus de toile. On est passé de 80m² à 120m² de spi. Ça a clairement mis un gap physique au bateau.
Techniquement, le régalage des foils et le comportement qui va avec sont nouveaux. C'est un mélange entre adapter ce qu'on connait déjà et apprendre quelque chose de nouveau. J'apprends à m'adapter ou j'adapte l'apprentissage, je ne sais pas trop. Au niveau sensitif le foil apporte quelque chose qu'on ne connaissait pas avant, mais le bateau reste un bateau "normal", habituel, mais devenu moderne par ses foils et la dimension sportive.
Selon toi c'est donc une évolution qui va dans le bon sens ? Sans regret pour le Figaro 2 ?
C'est une véritable évolution. Ces foils installés au niveau du pont – pour l'habitabilité – répondent au cahier des charges. Bien sûr on n'a pas un bateau qui vole, mais ce n'était pas le but. Par rapport au programme qu'on s'était fixé, le gap sportif est déjà conséquent. C'est clairement une réussite en termes de modernité et de performance. Les temps de parcours vont vraiment être différents. Le seul moment où on pourrait le comparer au Figaro 2 c'est au près parce que les foils ne s'expriment pas, le bateau n'étant pas suffisamment rapide. Mais tout le reste du temps, il est agréable à manœuvrer. Il n'y a pas de ballast à remplir. Plutôt que de remplir un côté du bateau, on allège de l'autre côté. Ce n'est que du positif.
Le Figaro 2 a eu son temps. C'était un très bon bateau, mais c'est bien d'évoluer vers quelque chose de différent.
Quel est l'objectif que tu t'es fixé pour cette course ?
Je voudrais terminer dans les 10 premiers. C'est un objectif sportif que j'aimerais vraiment atteindre. On a bien bossé pour y parvenir.
Le retour des grands noms de la Figaro apporte une pression supplémentaire ?
Le fait qu'ils soient là rend la chose plus difficile parce qu'ils sont très bons. Mais c'est aussi une chance parce que ça permet de se comparer à des légendes. Je me sens chanceux d'être ici. Je me suis retrouvé bord à bord avec Yann Elies pendant la Solo Maitre Coq, j'ai pu être à côté d'Armel le Cleac'h, voir comment il fonctionne… Tu sens qu'il y a quand même une différence d'expérience. Armel Le Cléac'h m'impressionne beaucoup, il est super organisé, tu as l'impression qu'il n'est jamais surpris.
Comment s'organise ta vie à bord ?
Je suis assez minimaliste pour éviter de surcharger le bateau en poids et par contrainte de temps et de budget. Je suis resté sur mes principes de Mini. Des toiles à matosser assez simples et légères, mais fonctionnelles. Les bannettes sur lesquelles nous sommes assis font partie de l'équipement standard du bateau, en revanche, la taille et la position des toiles à matosser sont libres. Chacun optimise comme il veut. Je sais que certains ont fait des étagères à l'arrière sous le cockpit plutôt que des toiles. J'ai mis une toile à matosser au niveau de la bannette contre le bordé de coque pour garder la bannette disponible pour dormir "proprement". Certains matossent directement sur la bannette, mais dorment cassés en huit.
Cette année je me suis offert une tablette tactile. C'est une révolution pour moi. Avant je courrais de dehors à dedans entre deux cailloux donc ça va être plus confortable.
Au niveau de la nourriture, tu es obligé de prendre le temps de manger un peu. Mais on est revenu sur la cuisine du Mini : un jetboil ! C'est la décision des coureurs de supprimer la table à carte confortable et la cuisinière et de revenir sur un truc un peu plus spartiate et plus vide.
Par contre à l'intérieur, on a moins de place que dans le Figaro 2. Le bateau est plus bas, pour matosser tu es cassé en deux, c'est beaucoup plus physique. D'autant que les sacs de matossages sont vite lourds avec les bouteilles d'eau… et il ne faut pas se blesser. De même pour passer de l'arrière à l'avant, le varanguage est beaucoup plus haut et c'est coton d'aller devant.
La jauge est beaucoup plus stricte que pour les Figaros 2, qu'est ce qu'il te reste comme choix et liberté ?
Ça a fait partie de la politique de resserrer les vis et éviter les dérives qu'on a vues en Figaro 2. On a le choix du fabricant de voiles qui doit bien sûr respecter des surfaces de voiles cadrées, mais on a la possibilité de choisir une voile plus ou moins creuse… On a le droit de jouer avec le réglage du mat et de la quête. Le reste est hyper figé. C'est le but pour éviter les écarts qu'on connaissait en Figaro 2.
En 15 ans de Figaro 2, les bateaux ont été hyper optimisés, il y avait des Figaro 2.5 et des bateaux restés au Figaro 2. C'était flagrant par moment. Alors que maintenant, Armel le Cleac'h qui tombe dans un dévent, il est autant pénalisé que moi.
Quel sera ton programme après la Solitaire du Figaro ?
Pas encore vraiment défini. On est en discussion sur pas mal de choses avec le Team Vendée. On discute aussi de Transat Jacques Vabres et de Route du Rhum. Mais on se concentre d'abord sur le Figaro 3 et le Tour de Bretagne en double début septembre. C'est déjà dense comme saison.