Pour bien comprendre ce qu'est ce port, il faut remonter quelques décennies… C'est la Seconde Guerre mondiale et l'armée allemande décide de construire une base pour ses sous-marins. Le conflit terminé, la marine française prend possession des lieux, avant en 1997, de laisser place à Lorient Agglomération. Cette collectivité entame en 2001 la reconversion du site : parmi les projets qui verront le jour, ce tout premier port à sec couvert et semi-automatisé de France.
Deux ports pour la Sellor
C'est Sylvain Morel qui est aujourd'hui "maître de port principal" pour cette société d'économie mixte qui gère les ports du Pays de Lorient. Il est ainsi responsable de deux structures. Celui, en eau, appelé "Lorient la Base", dédié aux professionnels de la mer, et composé de deux pontons situés devant la base anciennement militaire. Et celui nommé "Lorient Port à sec" s'adressant aux plaisanciers, et logé à l'intérieure même de cette base. Ainsi dans deux nefs ayant abrité des engins sous-marins du 20e siècle, sont aujourd'hui rangés sur des racks pas moins de 278 bateaux civils.
La genèse d'un port
Avant que ces nefs ne soient un port, elles étaient un lieu de stockage pour l'entreprise d'équipements nautiques Plastimo. Mais, pour rationaliser sa gestion, elle se sépare de quelques nefs. Sylvain Morel et son équipe ont déjà repéré ces espaces qui se libèrent… et qui pourraient faire un efficace port à sec. L'idée est, d'abord, d'utiliser un chariot élévateur classique pour manipuler les bateaux qui seront rangés sur des racks en hauteur. Mais les alvéoles ne sont larges que de 15 mètres. En tenant compte des dimensions des racks et de l'espace nécessaire à la circulation du chariot, l'équation n'est pas bonne. Le nombre de places n'est pas suffisant pour que le projet soit viable... Il faut chercher une autre solution. Impossible de pousser des murs de béton construits pour résister à des bombardements… Alors, avec la société normande ACG, spécialisée dans les automatismes, la Sellor développe un robot spécifique. Il y en aura deux de livrés, un pour chaque alvéole. Le 1er juillet 2014, ce port à sec unique ouvre ses racks !
Bienvenue aux plaisanciers
Dans chaque nef, sur quatre étages, ce sont 139 places qui ont été aménagées. Une supplémentaire est dédiée aux dispositifs de sécurité, anti-feu notamment. Sur les racks, ne peuvent prendre place que des bateaux à moteur : semi-rigide, timonier, coque open. Et d'une longueur maximale de 7, 50 mètres, d'une largeur hors tout ne dépassant pas 2,70 mètres, et d'un poids de maximum 2 tonnes. Les plus légers sont logiquement placés dans les étages supérieurs et les plus lourds, en bas.
De l'eau à l'air… et à l'eau !
Le bateau est d'abord monté sur une remorque hydraulique. Celle-ci est tractée jusqu'à proximité de l'alvéole dans laquelle il a une place, et à côté du robot. Il est alors posé sur un bers de transition. C'est là que le robot vient le chercher. Les deux robots sont contrôlés par l'intermédiaire d'une borne ergonomique : elle permet de suivre un protocole bien déterminé. Les mêmes opérations sont suivies pour la remise à l'eau. "Nous avions entrevu le projet d'un parcours tout automatisé avec un transport du bateau par translation sur un rail, explique Sylvain Morel, mais cette solution avait un coût conséquent qui plombait le projet. On a donc opté pour le semi-automatique, intégrant robot et manutentionnaire. Et, on ne le regrette pas, car ce système a permis des créations d'emplois, et aussi d'assurer un lien humain avec la clientèle".
L'homme au secours du robot…
Si les robots sont sécurisés au point qu'en déjà 60 000 manipulations, aucun incident notable n'ait eu lieu, parfois de petits bugs adviennent pourtant. "Tous les déplacements des robots sont calculés très précisément bien sûr, affirme Sylvain Morel. Mais avec le temps, des décalages minimes peuvent se produire. Il y a quelque temps, les robots allaient sans cesse se mettre en position d'alarme tout au fond de leur alvéole… On en a cherché la raison : bien que les roues des robots soient en acier, elles avaient fini par s'élimer un peu, ce qui a modifié d'un millimètre leurs parcours par rapport au parcours informatisé. D'où cette alerte".
Gérer les allers et retours !
Pour organiser les manipulations, les clients doivent téléphoner pour réserver une heure de mise à disposition de leur bateau. À noter qu'un aller-retour par jour est proposé. Un avantage pour les clients, mais qui, en haute saison touristique, peut s'avérer compliqué à gérer pour l'équipe du port à sec… "Les plaisanciers sont en vacances et donc pas toujours très ponctuels", précise Sylvain Morel. "De ce fait, il y avait parfois un vrai engorgement au moment de la remise à l'eau notamment. Et des tensions possibles entre les clients. Nous leur proposons désormais une étape supplémentaire : avant d'être mis à l'eau, leur bateau est posé sur un bers… ce qui leur permet de prendre tout leur temps pour se préparer avant de vraiment partir. Ainsi, on fluidifie l'accès à nos services".
Unique et pratique
Pour obtenir une place dans ce port à sec particulier, il faut s'inscrire sur une liste d'attente. "Mais, elle n'est pas très longue, assure Sylvain Morel, car nous avons un taux de renouvellement de la clientèle d'environ 10% chaque année, dû, notamment, au fait que certains clients achètent des bateaux plus grands". Les raisons qui poussent les autres à rester sont logiques : stockage à l'abri des intempéries, nettoyage et antifouling réduit à zéro, entretien global minoré, sécurité assurée puisque le port est fermé par de monumentales portes... Et il n'y pas que les plaisanciers qui apprécient ce port : les médias pour son côté extraordinaire, et des professionnels du secteur portuaire qui s'intéressent à l'évolution des techniques comme le fonctionnement semi-automatique d'un port à sec !