La route des épices au Moyen-Âge
L'Orient fait rêver pour ses épices, ses odeurs et saveurs que les Européens s'arrachent. Que ce soit dans les plats ou les drogueries, et même dans les églises où l'encens brûle sans interruption, ces substances aromatiques sont indispensables. C'est une véritable attraction qu'éprouvent les Européens pour ces épices indiennes, exotiques et rares qui sont affrétés chez eux au terme d'un long et périlleux voyage.
Leur prix est aussi conséquence de leur singularité et ne cesse d'ailleurs de grimper. Si aujourd'hui on a du mal à se rendre compte de la valeur que pouvait avoir le poivre au XIe siècle. Mais à cette époque, il faisait office de métal précieux, permettait d'acquérir des terres, d'établir des tarifs douaniers, de constituer une dot. Au Moyen-Âge d'ailleurs pour indiquer d'un homme était riche, on le traitait de "sac à poivre".
Un tarif qui s'explique par l'éloignement des pays dans lesquels on les trouve. Avant de s'étaler sur les mets des Européens, ces épices doivent passer de mains en mains, de déserts en mer, alors que prédominent guerres et piraterie. Un transit de plusieurs mois, de plusieurs années même, des Moluques — le berceau des épices — à Malacca, en passant par l'Inde, le golfe persique, la mer rouge, puis l'Arabie ou la Perse. À dos de chameau, elles rejoignent ensuite Beyrouth ou Le Caire avant d'être déposées sur les rives du Nil où elles rejoindront par bateau Venise, qui a le monopole du commerce des épices. C'est ici que les facteurs allemands, anglais ou flamands viennent les acheter aux enchères, avant de les faire transporter à leur tour jusqu'aux détaillants de chaque pays.
En fin de compte, ce sont une douzaine de mains qui se partagent les profits de cette lucrative vente des épices. Et malgré les dangers et les pertes humaines et matérielles rencontrés tout au long de ces trois ans de transit — comme ce sera le cas pour l'expédition de Magellan — l'affaire reste extrêmement rentable pour le marchand.
Mais, qui dit richesse, dit convoitise. Ainsi, les chrétiens et Européens décident de s'allier pour briser la barrière qui ferme l'accès à la mer Rouge. Car tout transit doit passer entre les mains de l'Égypte et la Syrie, qui dressent une barrière entre les Indes et l'Europe. En effet, aucun bateau chrétien ne peut croiser dans la mer Rouge et aucun marchand chrétien ne peut la traverser. L'Occident veut donc se soustraire à ce contrôle oriental, mais la croisade échoue et la route des Indes reste aux mains des Orientaux.
C'est ainsi que plusieurs explorateurs se lancèrent à la conquête d'une nouvelle route maritime sans servitude. Christophe Colomb à l'ouest, Bartholomeu Diaz et Vasco de Gama vers le Sud, Cabot vers le Nord.
On comprendra mieux que derrière ces grandes expéditions, financées par des royaumes et des princes, le but était avant tout commercial. Car jamais Colomb ou Magellan n'aurait trouvé une flotte si bien préparée si l'ultime but avait été la découverte pure et simple.
La naissance du Portugal comme leader maritime
À l'époque du Moyen-Âge, le Portugal occupe la position maritime la plus défavorable de l'Europe. On estime selon la géographie ptoléméenne, l'Atlantique infranchissable, et l'Afrique incontournable, car rattachée à l'Antarctique. Mais l'Infant Enrique — surnommé le Navigateur — est persuadé que ces mers environnantes sont navigables et permettront de découvrir des contrées jusque-là inconnues. Il va consacrer près de 50 ans de son existence à l'étude des cartes, au recueillement de témoignages, à l'organisation d'expéditions pour finalement faire du Portugal le pays maritime par excellence, avec la flotte la plus moderne et inégalable de son temps. Si les débuts sont hasardeux et que l'on a peur des mers terrifiantes qui attendent les marins, la Guinée est rapidement découverte et avec elle tombe le mythe de Ptolémée.
Si Henrique est mort et n'a pu assister aux prémices de cette nouvelle ère, l'accession au trône de Joao II accélère le mouvement. Le Portugal engrange les succès : l'Équateur est atteint en 1471, l'embouchure du Congo en 1486 par Diego Cam et enfin, Bartholomeu Diaz découvre le cap de Bonne-Espérance, qu'il surnomme alors "Cabo tormentoso" sans doute en raison des tempêtes qui l'agitent. Son voyage sera stoppé alors qu'il décide de continuer sa route pour découvrir les Indes, par son équipage qui se révolte.
26 ans après la mort d'Henrique, il est avéré qu'il existe bien une route maritime des Indes. Et Le Portugal devient la première nation maritime du monde à la fin du 15e siècle. Grâce à son savoir-faire, il a acquis de nouvelles provinces, mais également de nouveaux continents.