Quelle est l'origine du projet ?
C'est un projet du Groupe Bénéteau. Cela fait quelques années que nous suivons les évolutions technologiques de foils dans les bateaux à moteur. Pour espérer voir cette technologie arriver dans la plaisance, nous avons développé un concept-boat à foils qui sera utilisé sur les départs de course. Les voiliers de course sont de plus en plus rapides, on annonce une Coupe de l'America avec des monocoques régatant à 40 nœuds !
L'objectif est de suivre les bateaux de course (emmener des VIP ou des journalistes) dans un meilleur confort. Actuellement, les bateaux à moteur sont beaucoup trop déplaisants à haute vitesse dans le clapot.
Comment s'est monté le projet ?
Nous avons travaillé en cellule fermée avec 3 partenaires. Sarrazin Design — Groupe DEMS, une agence de style et conception, SEAir pour le design et la fabrication des systèmes de vols et Noval, pour le design et la fabrication des systèmes de relevage et verrouillage électriques des foils et de la chaise moteur hydraulique.
En interne, nous gérons ce projet à 2, Olivier Fougère et moi-même. Au total, ce sont environ 20 personnes, qui, pendant 9 mois, ont travaillé dans la plus grande discrétion.
Ce bateau a quand même un design particulier ?
En effet le projet d'étude est un bateau accompagnateur de course. Donc, le poste de pilotage est à l'arrière pour que les passagers soient installés à l'avant, sans gêne visuelle en naviguant confortablement entre 25 et 30 nœuds. Et pour la surveillance du plan d'eau, il est largement surélevé.
C'est une phase expérimentale. Comme tous les bateaux volants, la sécurité est l'objectif prioritaire. On navigue installé dans des sièges-baquets, avec ceinture de sécurité, gilet antichoc et casque.
Pouvez-vous nous parler du comportement des foils ?
Le bureau d'étude a décidé de mettre 4 foils, deux à l'avant et deux à l'arrière. La plage d'utilisation en vol est de 15 à 40 nœuds. Pour rentrer dans l'univers des plaisanciers, nous essayons d'éliminer les réglages électroniques des foils (rake…) et nous travaillons à la polyvalence et à la simplicité de ces derniers. L'idée est de faire un bateau confortable et souple pour emmener des gens en toute sécurité.
L'objectif est de pouvoir foiler dans le clapot. Aujourd'hui, les tests valident une navigation confortable à haute vitesse sous foil jusqu'à une mer de 1 m à 1,50 m.
Pour la démocratisation et la diminution des coûts, nous avons travaillé sur l'accessibilité du pilotage, en simplifiant au maximum les réglages de foils électroniques et en automatisant les réglages en navigation.
Cette carène est-elle particulière ?
Ce bateau est l'occasion de développer de nouveaux concepts : nouvelle carène, nouveaux matériaux et nouveaux process de fabrication. Pour l'occasion on a fabriqué le bateau en fibre de verre infusée autour d'une âme en mousse PVC haute densité. Nous avons obtenu un gain de poids de 30 % par rapport à une fabrication standard.
Contrairement aux apparences, ce n'est pas un semi-rigide. Le boudin en mousse qui ceinture la coque rigide est une protection permettant d'approcher les bateaux de course.
C'est une toute nouvelle génération de carène à 2 V. Elle intègre de nouveaux paramètres comme la position des foils ou la montée et descente des moteurs. Le premier V possède une remontée de redan assez haute. On a joué sur 2 étages pour gagner en flottabilité et pour descendre les moteurs.
Quelles sont les contraintes d'homologation ?
Rien n'est prévu pour les foils en termes d'homologation. Ainsi nous avons conçu une carène équipée "d'accessoires" que sont les foils. D'ailleurs le bateau naviguera aussi bien avec ou sans. Pour la demande d'homologation en cours, nous visons la catégorie B à 8 ou 10 personnes.
Alors que le bateau vole, pourquoi une si forte motorisation ?
L'objectif est d'aller à 40 nœuds, avec ou sans foils. 400 chevaux sont nécessaires pour les 5 tonnes de ce bateau. À la vitesse moyenne de 25 à 28 nœuds, on constate déjà une réduction de la consommation d'au moins 20 %.
Comment utilise-t-on ces foils ?
Tout d'abord, ce concept pour être viable doit être simple et facile. Au port, les foils sont intégralement relevés au-dessus du bateau. Donc pas de problèmes de salissure, d'envergure, ni de risques de casse. On voulait jouer la sécurité, tous les mécanismes sont également hors de l'eau.
Nous avons automatisé un maximum de systèmes autour des foils, comme par exemple, un système de verrouillage quand ils sont prêts à être utilisés. Pour passer en mode "vol", on n'est pas obligé de s'arrêter, car ils sont opérables au ralenti.
En ce qui concerne le pilotage, comment ça se passe ?
La montée sur foils se fait en douceur. La navigation devient juste beaucoup plus confortable. Après avoir essayé, on n'a pas envie de revenir en mode archimédien. Concernant les virages, le foiler se comporte comme un bateau normal, il prend de l'angle en courbe. Grâce aux 4 foils, on vire à 25 nœuds en toute sécurité. Cependant, on ne cherchera pas à virer à 40 nœuds.
Bien qu'il reste encore des études à mener, nous sommes déjà très satisfaits des résultats obtenus. Avec ce conceptboat, nous validons le vol jusqu'à 40 nœuds.
À basse vitesse, on navigue sans les foils et quand on veut suivre des bateaux rapides, on passe en mode volant. Les bateaux qui vont à 30 nœuds, on les suit sans problème. D'autant plus que les courses que nous voulons suivre se déroulent en baie relativement abritée de la houle. C'est un terrain de jeu idéal.
Et la suite ?
Après une première phase de 3 semaines de tests en mer et validations techniques, le bateau est retourné au chantier pour une inspection générale, avant optimisation et nouvelles phases de tests.