Quel est ton premier souvenir en mer ?
Des amis de mes parents leur avaient prêté un bateau en bois de 15 ou 18 m de long. C'était à Hyères et nous avions navigué autour de Porquerolles et Port-Cros. Il y avait pas mal de vent, c'était assez loin et c'était la première fois que je voyais la mer. J'avais 7 ou 8 ans.
On naviguait depuis longtemps, mais sur un lac (NDLR : Bernard Stamm est suisse). On ne voyait pas l'horizon comme c'est le cas en mer.
Quel déclic t'a donné envie de te lancer dans cette carrière ?
J'avais plutôt envie de voyager et de découvrir la mer. La haute mer. J'ai donc quitté le monde de la voile et la régate pour travailler sur les cargos de la Marine marchande. J'ai fait mon expérience et j'ai pu ensuite revenir vers la voile. Je connaissais mieux la mer et je savais déjà régater.
As-tu eu un mentor ou un autre skipper, qui t'a marqué ?
Je ne crois pas. Il y a plusieurs skippers qui m'ont marqué et qui ont un parcours admirable, mais je n'ai pas voulu suivre leur exemple. J'ai plutôt fait les choses par moi-même, sans copier. J'ai suivi ma propre route.
Je pense néanmoins à Laurent Bourgnon. C'était le début des multicoques, ce n'était pas très courant. Je le revois sur son trimaran, navigant sur un flotteur. Il avait l'air de mener ça comme quelque chose de normal.
Vendée Globe
Quel bateau t'a laissé le meilleur souvenir ?
Je dirais celui que j'ai construit, Super Bigou, un monocoque de 60 pieds (18 m). J'ai gagné deux courses autour du monde avec. Et de l'avoir moi-même construit, c'était la plus belle des récompenses.
On a plein de bons souvenirs avec tous les bateaux et forcément quelques mauvais. Mais quand on gagne des courses, c'est la récompense du travail accompli.
Quelle est ta plus belle réussite de marin ?
Le Record de l'Atlantique en 2001 avec Super Bigou (NDLR : 8 jours 20 heures 55 minutes et 35 secondes de mer, battant le record précédent de 3 heures 2'42 ''). Les conditions étaient musclées et personne ne s'y attendait vraiment. On a battu un très gros bateau avec un très gros équipage (NDLR : Loïck Peyron sur Mari-Cha III, un géant de 135 pieds [45 m]). On était en petit commando, l'équipage était sympa. Ça a bien fonctionné. C'est une belle réussite.
Au quotidien, quelle est ta pratique de la plaisance ?
Je n'en ai pas vraiment, ma pratique est quasi inexistante. J'aime vraiment ça, mais j'aime aussi plein d'autres choses. J'ai de la chance, j'ai fait des années de convoyage et donc je n'étais pas en mode course. Même si on essayait de faire marcher les bateaux au mieux, on pouvait s'arrêter pour visiter.
Ces années-là m'aident à passer sur le fait que je ne fasse plus trop de plaisance.
Si tu n'avais pas été skipper, qu'aurais-tu fait ?
C'est une question que je me pose maintenant. Rétrospectivement. J'aurai fait de la biologie marine. J'ai toujours été proche de la mer, de ce qui se passe sur, mais surtout sous l'eau. J'aurais aimé essayer de comprendre comment ça fonctionnait.
Tour Voile
Portrait
Bernard Stamm est né à Genève, sur les rives du lac Léman. S'il pratique la voile régulièrement sur le lac, en famille, à bord à bord d'un petit voilier de 5,5 mètres, il ne découvrira la mer que sur le tard. Jeune adulte, il s'engage dans la Compagnie Suisse-Atlantique pour quatre ans — dont deux qu'il passera sans jamais débarquer à terre — à la découverte des océans du globe.
En 1988, il revient en Suisse et travaille dans un chantier naval près de Lausanne. Il découvre dans le même temps la régate — sur son lac — à bord d'un voilier prêté par un client. Et là, déclic, il décide de tout plaquer pour la Bretagne !
Il effectue alors des convoyages et deviendra skipper d'un multicoque de croisière avec lequel il parcourra plus de 30 000 milles en un an.
En 1994, il construit son Mini pour participer à la mini-transat de 1995. Ce prototype dessiné par Pierre Rolland est une merveille et Bernard Stamm décroche le podium à chaque course.
Début 1997, il se lance dans la construction d'un monocoque de 60 pieds — Super Bigou — d'après les plans de Pierre Roland. Le bateau est mis à l'eau en 2000.
Obligé d'abandonner le Vendée Globe 2000 pour avarie, il remporte néanmoins le Record de l'Atlantique la même année. Il sera sur le circuit IMOCA jusqu'en 2008-2009.
Ce qui ne l'empêchera pas de participer au Trophée Jules Verne avec Bruno Peyron sur Orange 2 en 2004.
Après une année 2009 en 40 pieds sur la Route du Chocolat avec Bruno Jourdren, une année 2010 en Figaro [AG2R en double avec Gildas Mahé et Solitaire du Figaro] et en 40 pieds sur la Route du Rhum, Bernard retrouvera le 60 pieds en 2011. On a pu le voir sur la Barcelona World Race en 2015-2016 et il naviguait aux côtés de Francis Joyon sur Idec Sport pour le Trophée Jule Verne en 2017.
Ces dernières années, il participe également au Tour Voile avec son sponsor historique Poujoulat.