L'équipage du James Caird - le canot avait été baptisé ainsi en l'honneur du plus important contributeur de l'expédition - comptait, en plus de Sir Ernest, Worsley, le capitaine, le second Crean, le charpentier Mc Nish ainsi que deux marins, Vincent et Mc Carthy. Le 26 avril 1916, sous les hourras des 22 hommes restés sur l'île, le James Caird quitte la grève emportant 30 jours de vivres avec lui. La chaloupe prend la direction de la Georgie du Sud éloignée de plus de 800 MN, au sud du Cap Horn, dans les eaux à la météo la plus dure du monde.
Le départ pour le Passage de Drake
L'équipage s'organise par quarts de 4h, dont un passé à casser la glace formée au fond du bateau et sur les bordés. La température ne dépasse pas les -20°. La chaloupe progresse doucement dans le gros temps. Worsley évoquera un vent de force 8 avec des vagues de 50 pieds de hauteur espacées de 1/2 MN et se déplaçant à 30 N !
"Les crêtes des vagues déferlaient droit au-dessus de nous et nous embarquions beaucoup d'eau, ce qui nécessitait un incessant pompage. Nous voyions les immenses vagues se creuser comme des cavernes avant de s'écrouler. Un bon millier de fois, il sembla que le James Caird allait être englouti ; mais il résista."
Les eaux dans le Passage de Drake qu'emprunta alors le James Caird sont parmi les plus inhospitalières des océans. On y enregistre plus de 200 jours de vent supérieur à 50 N avec des vagues d'au moins 7m…
Une vague scélérate
La dixième nuit, à la barre, Shackleton raconte :
"A minuit, j'étais au gouvernail. Soudain, vers le sud, m'apparut une ligne claire dans le ciel. J'en prévins les autres ; puis, après un instant, je compris que la clarté en question n'était pas un reflet dans les nuages, mais la crête blanche d'une énorme vague ! Après vingt-six ans de navigation, je connaissais l'océan dans toutes ses humeurs, mais jamais je n'avais rencontré sur ma route une vague aussi gigantesque. C'était un puissant soulèvement qui n'avait rien de commun avec les hautes lames coiffées de blanc, nos ennemis inlassables. Je hurlais : Pour l'amour de Dieu, tenez bon, nous y sommes !"
Mais le petit canot résiste encore 4 jours et 4 nuits de froid et d'humidité sans autre nourriture que du biscuit de mer détrempé et de la viande de phoque crue. Puis, grâce à l'excellente estime du navigateur Worsley, la terre est en vue mais les conditions de mer sont telles qu'il est exclu d'accoster. L'équipage subit encore des vents de la force d'un ouragan en tentant de prendre la cape, à sec de la pauvre toile de leur gréement de fortune…
Terre !
Ce n'est que le lendemain qu'ils toucheront terre en Géorgie du Sud après 14 jours de mer... Dès le lendemain, les trois hommes les plus valides font suivre leur épopée nautique d'une traversée de l'île d'est en ouest, nécessitant d'escalade de sommets montagneux et la traversée de plusieurs glaciers.
L'équipe épuisée parcourt 40km en 36h sans autre équipement d'escalade que des clous fichés dans les chaussures et l'herminette du charpentier en guise de piolet. Ils atteignent la station baleinière de Stromness où ils sont recueillis et soignés.
Le sauvetage du reste de l'équipage
72h plus tard, Shackleton entreprit une première tentative de sauvetage de son équipage demeuré sur l'île de l'Éléphant. Tentative avortée par une banquise trop présente et suivie de 4 autres qui se soldèrent, quatre mois plus tard, par le sauvetage des 22 hommes laissés derrière lui. Il a été rapporté que, les rescapés de l'ile de l'éléphant, en voyant s'approcher une chaloupe, se seraient réjoui, au mépris de leur joie de rescapé, que leur chef soit bien vivant !
Enterré en Géorgie du Sud
Probablement affaibli par les immenses fatigues découlant de ses aventures, Shackleton a subi plusieurs crises cardiaques dont la dernière l'a emporté en 1922 sur l'île de la Géorgie du Sud où avait pris fin son calvaire six ans plus tôt.
A la demande de sa veuve, il y a été mis en terre.