Le tatouage en mer
Pendant les traversées, le temps était long et l'ennui présent. Les marins, pour s'occuper, se tatouaient donc à bord. Ils utilisaient comme pigment du noir de fumée (un résidu carboné obtenu par la combustion incomplète de diverses matières organiques riches en carbone) qu'ils délayaient avec de l'eau, et se l'implantaient au moyen de plusieurs aiguilles.
Mais l'hygiène à bord des bateaux laissait à désirer et des infections pouvaient rapidement survenir. C'est en raison de cette pratique peu hygiénique que les médecins de marine vont s'intéresser de prêt au tatouage. Ils mèneront des études pendant la première moitié du 19e siècle.
Le tatouage de marin aux États-Unis
Les Américains ont sublimé et répandu le tatouage, notamment grâce aux marins de l'US Navy, qui le portaient comme leur uniforme, et ce dès le 19e siècle. Selon des études réalisées à cette période, jusqu'à 90 % des marins de l'US Navy étaient tatoués au début du 20e siècle.
Au cours du 20e siècle, les premiers salons de tatouage font leur apparition aux États-Unis, instaurés par les travailleurs de la mer. On y pratique le tatouage "old school", très populaire en 1920 et jusque dans les années 40, en grande partie à cause des marins.
Il se caractérise par des dessins et des lignes de grandes tailles et épais, très colorés pour s'assurer de sa longévité. En effet, les techniques, outils et encres sont bien différents de ce que l'on peut faire aujourd'hui, et il n'est pas question de raffinement.
On utilise la technique du pochoir, qui consiste à couper le dessin en acétate, à y frotter de la poudre de charbon puis à l'appliquer sur la peau.
New York devient la capitale du tatouage marin, où à leur retour de voyage, les navigateurs exhibent les dessins qui ornent leur peau en racontant leurs récits de voyage. Il fait d'ailleurs quasiment partie de l'uniforme du marin et de son histoire.
L'un des tatoueurs les plus célèbres de cette période était Sailor Jerry Collins. Engagé dans la marine américaine, il découvrit l'art du tatouage lors de ses voyages en Polynésie, avant de s'installer à Hawaii pour y ouvrir son propre salon. Il devint d'ailleurs rapidement une référence pour les marins et le tatouage old school.
Le tatouage de marin en Europe
Si les anglo-saxons adoptent rapidement la tradition du "tatouage" pour raconter leurs souvenirs et les lieux qu'ils ont visités, il n'en est pas de même dans les pays latins. En effet, en France, en Italie ou encore en Espagne, le tatouage est synonyme de "taulard", alors que pour les Américains, il est une affaire de marin, et ce dès la fin du 18e siècle.
Tout comme aux États-Unis, en France, ce sont les médecins militaires qui s'intéressent dès 1853 aux tatouages, craignant les épidémies, la transmission de maladies ou encore des infections en raison des conditions d'hygiènes sommaires à bord des navires. Ils craignaient que les équipages ne soient plus en état de naviguer.
Si les marins américains sont presque tous tatoués, ils le sont beaucoup moins en France. S'il y a eu un mouvement au début du 19e, l'image du prisonnier a repris le dessus. Le tatouage a intégré le champ d'études des criminologues et nombreux sont ceux qui ont arrêté de se tatouer. Ceux qui continuaient à le faire gardaient une image de tête brulée ou d'aventurier.