Des coraux en très mauvaise santé en Polynésie
La fondation Tara mène depuis 3 ans (2016-2018) la campagne Tara Pacific, visant à étudier les récifs coralliens isolés de l'océan pacifique. Leur situation géographique les rend méconnus des scientifiques. C'est ainsi que l'équipe scientifique (CNRS, CEA et King Abdullah University of Science and Technology (KAUST)) a posé ses valises sur Upolu, une des îles de l'archipel de Samoa, en Polynésie.
Alors que leur isolement aurait dû les préserver de la destruction massive qui touche actuellement la plupart des coraux du globe et que les données disponibles ainsi que les images satellites laissent penser à une grande richesse des écosystèmes coralliens, il est tout autrement. Les coraux découverts par l'équipe sont en très mauvaise santé !
Pour corroborer ces faits, ils ont décidé de réaliser une étude plus poussée du récif. Au lieu de sélectionner 3 sites, ils ont en pris 124 autour d'Upolu — couvrant plus de 80 km de côte – afin d'analyser l'état des coraux et le comportement des poissons. Ils ont constaté que la couverture corallienne était inférieure à 1 % dans la moitié des sites visités et de seulement 10 % dans près de 80 % d'entre eux. Une donnée inquiétante puisque dans la plupart des sites, la mort des coraux était récente. Selon les scientifiques, la couverture corallienne pouvait, il y a encore deux ans, y être de 60 à 80 %.
Comment expliquer cette détérioration massive ?
Deux causes expliquent l'état de santé des coraux. Tout d'abord le réchauffement climatique qui a accentué un phénomène météorologique classique (El Niño) en 2015-2016 et augmenté le blanchissement des coraux. Mais les activités humaines locales accélèreraient aussi ce processus de vieillissement.
En effet sur les sites où l'activité humaine est importante, 30 à 40 % des coraux morts sont déjà recouverts de macroalgues (cette couverture est de 0 à 3 % dans des sites plus éloignés de toute présence humaine). Le rejet de substances chimiques, d'eaux usées, de déchets ainsi que la surpêche pourraient avoir un impact sur la capacité de coraux déjà affaiblis ou endommagés à récupérer.
À l'inverse, les scientifiques ont observé des récifs en meilleure santé au cœur de zones d'aires marines protégées, signe de l'efficacité de certains modes de gestion.
Les récifs préservés des îles Cook © Gaëlle Quéré / Fondation Tara Expéditions
Un impact sur les poissons
L'équipe scientifique en a également profité pour étudier les poissons, et notamment à des espèces qu'elle avait déjà pu rencontrer sur de précédentes escales (Moorea, Aitutaki et Niue). Elle s'est aperçue que les poissons d'Upolu sont plus petits et que le nombre d'individus par banc est en moyenne 4 à 8 fois plus faible que dans les trois autres îles. Ils sont également fuyants, ce qui pourrait s'expliquer par une activité de pêche intense.
Ces premières analyses vont être suivies par des études plus poussées. Les échantillons prélevés à Upolu alimenteront une base de données qui permettra à terme de comparer les récifs, de distinguer et de comprendre leurs capacités de résistance aux bouleversements environnementaux.
Tara au large des îles Samoa - © Pierre de Parscau / Fondation Tara Expéditions