Les expéditions Under The Pole permettent à travers des plongées profondes dans tous les océans du globe de mieux comprendre le milieu sous-marin. Mais plonger à plus de 100 m de profondeur présente certaines limites pour ces plongeurs de l'extrême. C'est pourquoi, Ghislain Bardout, initiateur et directeur d'Under The Pole a présenté un tout nouveau concept pour plonger plus loin et plus longtemps : la Capsule.
"J'ai toujours été fasciné par la plongée sous-marine, par l'exploration, le Commandant Cousteau et ses aventures sous-marines réalisées dans les années 50, 60,70 et 80. Des expéditions sous-marines menées en parallèle de l'exploration spatiale. Or aujourd'hui, on est à un carrefour de l'exploration et on est surpassé par nos capacités physiques" expliquait en préambule Ghislain Bardout lors de la conférence de presse de l'expédition, le 15 février 2018.
Aujourd'hui, les plongeurs utilisent un recycleur d'air, la machine la plus fiable à ce jour. "Mais la limite n'est plus la technologie, mais l'homme. Dans le cadre de la plongée conventionnelle, on ne peut pas repousser les limites de l'homme" ajoute-t-il. Avec un recycleur d'air, on descend, on explore pendant 1 heure, voire plus, mais on est obligé de remonter, de respecter les paliers de décompression et éventuellement on y retourne le lendemain, etc. Des plongées fatigantes pour l'être humain.
"On s'est demandé si ce modèle était figé ou si on ne pouvait pas réfléchir à autre chose. Dans la forêt, les naturalistes s'immergent, plantent leur tente et observent pendant des heures, des jours la vie des bois. C'est quelque chose que l'on ne peut pas faire dans le milieu sous-marin. On descend brutalement, on y reste plusieurs heures et on est obligé de remonter. Du coup on a une image tronquée du milieu marin" ajoute Ghislain.
L'équipe s'est donc concentrée sur la notion d'affut : "Comment rester à l'affut ?". Ils ont donc développé un nouveau programme d'exploration sous-marine, pour plonger plus longtemps et plus profondément : le programme Capsule.
"Ce programme expérimental bouscule les codes. La Capsule est une sorte de sous-marin d'observation, léger et conçu pour réaliser des documentaires, et qui utilise le principe de la plongée à saturation. On n'invente rien, la plongée à saturation était très utilisée dans les années 60/70, mais on la modernise, on la réinterprète et on l'adapte à une forme de besoin" détaille Ghislain. Cette méthode va permettre à l'équipe de plonger très profondément, à 200/300 m.
Ce projet, dont une maquette en bois, a été développé pour vérifier les dimensions et les volumes achève seulement la phase de recherche. La construction devrait débuter dans les prochains mois et la Capsule devrait être testée en Polynésie française à l'été 2019 (juin à septembre). "Nous avons des pistes de travail avec un institut de recherche qui s'intéresse au comportement des animaux et avec l'université de Jussieu qui étudie la corrélation entre la signification acoustique animale et son comportement", explique Ghislain.
Avec cette Capsule, il n'y a plus de limite de temps pour plonger. Ils vont pouvoir passer plusieurs jours sans sortir de l'eau, se repliant dans cette "base" de survie, un peu à la manière d'un camp avancé des alpinistes gravissant l'Himalaya. À bord, ils pourront dormir, se nourrir, se reposer, mais surtout étudier le milieu marin à travers les deux grands hublots latéraux.
"L'intérêt c'est que les plongeurs vont pouvoir sortir, rentrer et ressortir sans être gêné, sans contrainte…" explique Ghislain.
Pour concevoir cette machine, le cahier des charges était le suivant : simplicité, légèreté, capacité à voyager partout dans le monde et transportable dans un container de 20 pieds, facilité de déploiement sur un site, sans demander de dépenser des centaines de milliers de dollars de mise en service par jour. "La Capsule répond au cahier des charges en terme d'encombrement matériel et de poids", ajoute Ghislain.
"C'est une cloche/bulle qui permet de vivre 3 jours en autonomie et qui nécessite une logistique journalière depuis la surface, pour amener des batteries neuves, des filtres pour filtrer l'atmosphère. Elle utilise la même technologie que celle des recycleurs. C'est-à-dire que la capsule va recycler l'air comme un recycleur de plongée, mais à une échelle plus grande, pour 3 plongeurs" détaille Ghislain.
"Au-dessus de la capsule sont installées des bouteilles jaunes qui permettent une journée d'autonomie d'oxygène, on trouve également une réserve de gaz pour 3 jours, enfin, en dessous une grille permet de grimper dans la capsule. Les deux gros cylindres sont des ballasts posés sur le fond. Ça flotte quand c'est plein d'air et ça coule quand c'est plein d'eau. On a induit une subtilité avec niveau intermédiaire qui leur donne une neutralité parfaite dans l'eau. C'est-à-dire qu'il y a un cylindre à l'intérieur, qui une fois remplie d'eau maintient le ballast en équilibre. Ce qui va permettre de le déplacer facilement et d'aller le poser au fond, à l'endroit que l'on a repéré. Une fois remplie d'eau et alourdi, on pose le 2e ballast et on vient fixer au-dessus la capsule qui flotte avec une poussé de 4,3 tonnes vers le haut puisqu'elle a un volume de 4,3 m3" explique Ghislain sur le fonctionnement de cette machine.
Ce système "un peu spartiate" est une base de départ, une première solution pour ce type de programme d'exploration sous-marine. Le Why (la goélette qui fait naviguer l'équipe à travers le monde) continuera d'officier en tant que support logistique, de relai intermédiaire. "L'homme ne peut pas rester longtemps dans le milieu marin et est obligé de s'acclimater. L'idée avec la Capsule est de séjourner le plus longtemps possible dans le milieu marin pour pouvoir l'observer" conclue Ghislain.