Le phare de la Jument porte son nom pour être érigé sur le récif d'Ar-Gazeg (La Jument en breton). Il est construit à l'entre du Fromveur, un passage entre Ouessant et l'archipel de Molène. Le choix de son emplacement a été validé pour créer une route allant de phare à phare évitant les écueils. La société de Géographie indique le 20 janvier 1905 : "L'écueil de la Jument est placé de telle sorte qu'une ligne droite le joignant au phare des Pierres Noires, laisse au nord tous les dangers"
Une construction rapide
La construction du phare est possible suite au leg de Charles-Eugène Potron d'une somme de 400 000 francs. Celui inscrit dans son testament : "Je soussigné Charles-Eugène Potron, demeurant à Paris rue du Sommerard, 11, lègue la somme de quatre cent mille francs, 400 000 francs, pour l'érection d'un phare, bâti de matériau de choix, pourvu d'appareils d'éclairage perfectionnés. Ce phare s'élèvera sur le roc dans un des parages dangereux du littoral de l'Atlantique, comme ceux de l'île d'Ouessant. La désignation sera celle de la localité. On gravera sur le granit, "Phare construit en vertu d'un legs de Charles-E. Potron, voyageur, membre de la société géographique de Paris." En cas de non-acceptation ou de non-exécution dans un délai de six à sept ans depuis la date de mon décès, la totalité de cette somme reviendrait à la Société centrale de sauvetage des naufragés pour la construction de canots et d'engins de secours. Mais cette substitution ne s'effectuerait que dans l'absolue impossibilité de réaliser ma première intention ; s'il est héroïque de remédier aux sinistres dans la mesure extrême des forces humaines, il vaut mieux encore les prévenir."
Il faut donc que ce phare soit construit rapidement (7 ans maxi) et c'est l'ingénieur Georges Heurté, qui a déjà travaillé pour ériger le phare de l'ile Vierge, qui sera mandaté pour ce chantier.
Finalement, le phare sera allumé le 15 octobre 1911, mais ce n'est que 3 ans plus tard que les travaux d'aménagement intérieur seront totalement terminés. La vitesse de construction n'a pas permis de fiabiliser la base du phare qui se fissurera à la première tempête. Se sont suivis des travaux de renforcement de la base et même un système d'étayage avec des câbles en 1934.
Le 26 juillet 1991, les derniers gardiens quittèrent le phare qui fut automatisé et géré depuis le Creac'h sur Ouessant. En 2015, La Jument fut inscrit au Monument Historique puis classé en 2017.
Le film de Philippe Lioret "L'Équipier", réalisé en 2004, rend hommage au rude travail des gardiens de phare soumis aux tempêtes et à l'isolement. Les scènes de relève et de tempête ont été filmées au pied de la Jument.
Le phare des tempêtes
Placé à l'Ouest de l'île de Ouessant, la Jument affronte les tempêtes sans aucune protection. Malgré sa hauteur de 47 m, il n'est pas rare que les vagues qui explosent sur le phare le recouvrent entièrement. En septembre 1974, une vague brisa la lanterne et dévala tout l'escalier à l'intérieur du phare. Les gardiens n'ont eu que la possibilité d'ouvrir la porte du rez-de-chaussée pour la laisser s'écouler et de se réfugier dans la cuisine dernier lieu au sec !
Une photo qui rend le phare célèbre
En décembre 1989, le photographe Jean Guichard s'envole dans un hélicoptère pour prendre des clichés de la tempête qui sévit en Bretagne ce jour-là. Il prend des clichés au-dessus du phare de la Jument. Le gardien, Théodore Malgorn intrigué par le bruit sort sur la plateforme sans se rendre compte qu'une énorme vague surgit derrière lui. Le photographe shoote. Le gardien aura juste le temps de se réfugier derrière la porte avant que l'eau ne s'engouffre dans le phare. Contrairement à la rumeur, il n'aura pas été emporté par la vague, mais aura juste les pieds mouillés… Cette photo, après avoir fait la couverture de l'ouvrage "Phares", sera déclinée en poster et va de 1994 à 2003, caracoler dans le top 10 des ventes photo dans le monde.