Pourquoi se lancer dans ce tour du monde en solitaire en multicoque ?
Effectivement ce n'est pas très rationnel tout ça ! Ça vient d'un rêve, d'une envie qui est dans les tripes et qui a muri durant mon dernier Vendée Globe (NDLR : 2012, première participation et victoire). Je me disais qu'il fallait retourner dans ces coins-là, autour de la planète, mais en multicoque.
C'est compliqué, mais c'est très intéressant. C'est d'ailleurs l'origine du projet avec ce grand trimaran. Même si ce n'est pas rationnel, après avoir eu des discussions avec d'autres marins et avec mon sponsor, on se dit que c'est un super défi de faire ça. On est quelques-uns à vouloir expérimenter ces sensations, d'où la création du Collectif Ultim'.
Ce sera l'une de vos plus longues navigations en solitaire sur multicoque, c'est quelque chose que vous appréhendez ? Vous sortez de votre zone de confort…
Pour moi, c'est une première ! C'est sûr que je vais sortir de ma zone de confort. Mais c'est la course au large qui veut ça, et, quel que soit le support : en Mini, en Figaro... Les marins aiment bien aller le plus loin possible, pousser pour savoir ce que l'on est capable de faire. Je cherche à découvrir ça, à apprendre le plus possible, à découvrir quelque chose que je ne connais pas. Ça va être difficile, mais c'est excitant. De toute façon, quand on n'a jamais fait les choses, on ne sait pas avant comment on va le faire.
Est-ce que les foils sécurisent votre bateau ou le rendent-ils plus volage ? Vous comptez les utiliser en solitaire, où sont-ils réservés à l'équipage ?
Les foils sont sur le bateau et ils y resteront. Ils sont utilisés en solitaire et le seront sur ce record. De toute façon, si je veux gagner, il va falloir aller vite et donc je pense au moins les utiliser 95 % du temps.
Dès que le bateau va vite, on met les foils, ce qui ne veut pas dire que le bateau vole à 3m au-dessus de l'eau. Mais ça sert de dérive, à soulager le bateau. On peut espérer avoir de bonnes conditions et donc les utiliser au maximum.
Ça rend le bateau plus volage puisqu'il est allégé. Il va plus vite ce qui entraine quelques difficultés, mais ça ne le rend pas plus dangereux. Il enfourne très peu dès que les foils sont mis. Ce défi sera d'ailleurs plus facile à battre avec foils. Ils créent de la portance et évitent aux flotteurs de s'enfoncer dans l'eau. Même dans des allures plus serrées, au reaching, ça fait sortir le flotteur sous le vent.
On navigue beaucoup plus à plat avec que sans et ça apporte beaucoup plus de sécurité. Ça emmène des contraintes, certaines difficultés, mais je préfère partir avec des foils, je trouve que ça rend le bateau beaucoup plus safe.
Pensez-vous qu'il soit possible de battre le record ?
Oui c'est possible, mais ça va être très difficile, presque impossible. Ce n'est pas être défaitiste de dire ça. On peut y croire, mais ce qu'a fait Thomas est incroyable ! Le battre d'une seconde serait déjà exceptionnel. Si j'ai la chance de le battre de plus d'une seconde, ce serait génial. Si je le bats de plusieurs jours, c'est merveilleux.
Il ne faut pas se donner de limites, on va essayer de faire du mieux possible. On verra bien à la fin, même si le record reste quasi impossible à battre. Mais j'y vais aussi pour me challenger…
Avez-vous apporté des modifications sur Macif ?
Depuis deux ans, on a rajouté plein de petites choses au fur et à mesure. Mais le bateau dans son ensemble reste dans la même philosophie. On a la même coque centrale, la même dérive, les mêmes flotteurs, la même bôme… On n'a pas fait de gros changement structurel, seulement des améliorations, pour l'alléger. Du travail sur l'ergonomie et la fiabilisation aussi. Macif reste le même structurellement et philosophiquement. On en tire seulement la quintessence.
Solitaire ou équipage, que préférez-vous ?
J'aime les deux. Même si depuis quelques années j'ai la chance de faire du solitaireet. J'apprends beaucoup et j'ai encore plein de choses à explorer en solitaire, et notamment avec Macif. Il y a tellement de choses à découvrir sur ce bateau. Je vais sortir différent de ce tour du monde, de cette expérience. J'ai encore beaucoup de choses à apprendre.
J'aime aussi beaucoup l'équipage même si j'en ai peu fait ces dernières années, mais j'y ai pris beaucoup de plaisir. Notamment sur The Bridge. J'espère renaviguer en équipage assez vite parce que ça me plait. On peut aussi apprendre plein de choses.
J'ai d'abord envie de boucler cette boucle en solitaire et quand j'aurai fait le tour, je reviendrais à l'équipage. Quand j'aurai l'impression de moins progresser, que ça deviendra une routine, que le challenge sera moins excitant, avec moins d'émerveillement. Je ne sais pas dans combien de temps, peut-être 5 ans, 10 ans, voir même 50 ans… Mais il y a des choses extraordinaires à faire en équipage.
Dans quel état d'esprit êtes-vous ?
J'ai envie de partir, je suis vraiment dans l'excitation, j'ai hâte. J'ai aussi beaucoup d'espoir. J'essaye de tempérer, car le stand-by peut durer plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Ce que je n'espère pas ! Il faut gérer cette énergie pour qu'elle perdure dans le temps.
Je suis confiant, le bateau est prêt, on a bien bossé avec toute l'équipe. On est dans un bon état d'esprit, à vouloir avancer, toujours donner le meilleur, révolutionner les choses. On continue de naviguer, de progresser pour conserver cet état d'esprit.
Pour l'instant, il n'y a pas de départ qui s'annonce pendant au moins une semaine. C'est décevant, mais puisqu'on ne part pas, on sait qu'on peut organiser des navigations avec Macif, continuer de s'entrainer, de bricoler.