L'Arctique pollué par les microplastiques
L'étude publiée dans Science Advances a été réalisée après les expéditions du voilier Tara autour du monde et plus particulièrement en Arctique. Il s'avère que malgré la faible densité de population dans cette région du monde, les mers du Groenland et de Barents (la partie nord de l'Atlantique Nord) accumulent de grandes quantités de débris plastiques, apportés par les courants océaniques. Une véritable catastrophe pour cet écosystème encore vierge et reculé.
Dans des études précédentes, l'équipe de recherche d'Andrés Cózar avait démontré que chacun des cinq gyres océaniques agit comme une immense zone de convergence pour les débris plastiques flottants. Une étude plus récente indiquait également que les mers semi-fermées à forte densité de population, comme la Méditerranée, pouvaient également constituer des zones d'accumulation importante de débris plastiques. L'Océan Arctique, éloigné des zones d'habitation, n'était jusque-là pas concerné par cette accumulation de microplastiques.
Un échantillonnage de 5 mois
Pendant l'expédition Tara Océans, la goélette avait effectué des prélèvements autour du bassin arctique et échantillonné des microplastiques pendant cinq mois afin de réaliser une carte mondiale de la pollution plastique flottante. "Les concentrations en plastique dans les eaux arctiques étaient faibles, comme nous nous y attendions, mais nous avons découvert un secteur au nord des mers du Groenland et de Barents présentant des teneurs relativement élevées", commente Andrès Cózar. "Il y a un transport continu de déchets flottants depuis l'Atlantique Nord, et les mers du Groenland et de Barents constituent une impasse pour ces plastiques, convoyés vers le pôle par les courants marins et contraints de rester en surface."
La fondation estime plusieurs centaines de tonnes de débris plastique flottant sont piégés dans les eaux de surface de cette zone. Elle est constituée de près de 300 milliards d'éléments, principalement des fragments de la taille d'un grain de riz, et même peut-être encore plus. Puisque les déchets ne sont pas seulement dans l'eau de surface, mais aussi dans les profondeurs de l'océan.
Une pollution plastique venue de l'atlantique nord
Avec l'augmentation de l'activité maritime dans cette zone reculée, on trouve désormais du plastique en provenance de sources locales. Mais la majorité du plastique retrouvé dans l'océan Arctique provient du transport à grande échelle de déchets, provenant des côtes très peuplées de l'Atlantique Nord, générées par les courants océaniques.
Ce transfert de plastique vers les pôles est lié à la circulation méridienne de retournement dans l'Atlantique, un "tapis roulant " connu jusqu'à présent pour redistribuer la chaleur des latitudes les plus chaudes vers les pôles.
Pour arriver à cette conclusion, l'équipe a utilisé des données provenant de plus de 17 000 bouées dérivantes, flottant dans à la surface de l'océan et suivies par satellite. "Ce qui est vraiment inquiétant, c'est que nous pouvons suivre ce plastique jusqu'aux abords du Groenland et dans la mer de Barents directement depuis les côtes du nord-ouest de l'Europe, du Royaume-Uni et de la côte est des États-Unis. Ce sont nos déchets plastiques qui finissent là-bas", déclare van Sebille de l'Institut Grantham à l'Imperial College de Londres.
La pollution plastique envahit la planète
L'humanité utilise du plastique depuis seulement quelques décennies, mais la pollution générée dans les milieux marins est déjà un problème à l'échelle mondiale – preuve indubitable que les hommes ont la capacité d'altérer notre planète. "La mer n'a pas de frontière," souligne Maria Luiza Pedrotti du CNRS, "une pollution plastique générée dans un endroit peut souiller d'autres régions isolées et exercer ainsi des effets dévastateurs sur un écosystème vierge tel que l'Arctique. Cette zone forme un cul-de-sac, une impasse où les courants laissent les débris à la surface. Nous assistons peut-être à la formation d'une autre poubelle de la planète, sans comprendre totalement les risques encourus pour la faune et la flore locales."
"Les résultats de cette étude soulignent l'importance de minimiser et de mieux gérer les déchets plastiques dès leur source par les industriels, dans les foyers, par les collectivités et les États, car une fois que ceux-ci atteignent l'océan, leur destination et leurs impacts deviennent incontrôlables " dit Romain Troublé, directeur de la Fondation Tara Expéditions.
Une équipe composée de 12 institutions de 8 pays
L'équipe chargée de l'étude, dirigée par le professeur Andrés Cózar de l'Université de Cadix en Espagne, est composée de 12 institutions de 8 pays : la Fondation Tara Expéditions (France), l'université des sciences et technologies du roi Abdallah (Arabie saoudite), le CNRS (France), l'Imperial College de Londres (Royaume-Uni), le Lake Basin Action Network (Japon), l'université des îles Baléares, le Conseil supérieur de la recherche scientifique (CSIC, Espagne), l'université de la Sorbonne, l'université d'Aarhus (Danemark), l'université d'Utrecht (Pays-Bas), l'université de Harvard (USA), la Fondation basque pour la science IKERBASQUE (Espagne) et le Centre technologique expert en innovation marine et alimentaire AZTI (Espagne).