Comment devient-on designer dans le nautisme ?
J'ai un parcours totalement atypique. Je suis une sportive de haut niveau. J'ai fait une préparation olympique en 470 à La Rochelle, mais j'ai fait aussi du basket et de l'athlétisme en haut niveau. Côté sport, je touche à tout.
Côté étude, j'ai commencé par un Master en ergonomie du Sport. Pour mon mémoire, j'ai travaillé avec l'Ecole Nationale de Voile (ENV) à Quiberon pour développer une ceinture de trapèze. Avec ce projet, je me suis rendu compte que j'étais plus intéressée par la conception du produit que par le tester. Et je suis entrée dans une école de design.
En sortant, j'ai travaillé dans l'Agence 360 à Toulon pendant 2 ans. C'est une agence qui travaille sur le matériel sportif. Mais j'avais envie d'indépendance alors je me suis mise à mon compte.
J'essaye de travailler sur de nombreux sujets, pour avoir de multiples sources d'inspirations et de ne pas m'enfermer uniquement dans le design du bateau.
Comment Christophe Barreau a fait appel à vous ?
C'est la passion du fromage qui nous a réunis ! Je fais des fromages pour mon plaisir et je l'avais indiqué sur un CV que j'ai envoyé chez Christophe. Il m'a proposé de nous rencontrer. Et en PS de sa réponse, il y avait "Moi aussi j'ai pensé à faire du fromage…". Ça a rapidement collé entre nous. Il cherchait quelqu'un pour développer l'intérieur du TS 42. C'était il y a 3 ans.
Et depuis vous avez travaillé sur l'EOS 54. Comment se passe un projet comme celui-ci ?
Au départ le client, l'architecte et le designer travaillent ensemble pour déterminer les souhaits du client. L'architecte dessine suivant le programme du bateau et moi je cherche à imaginer "l'art de vivre" dans ce bateau.
En fonction des desiderata du client, je ne fais pas dessin au début, mais des propositions de répartition des espaces. Je place des cloisons. Il y a beaucoup d'aller-retour avec l'architecte qui doit aussi appliquer ses contraintes de structure.
À ce stade, les réunions sont de gros brainstormings avec plusieurs têtes pensantes qui réagissent.
Mais quand viennent vos premiers dessins ?
Une fois la répartition des structures et des cloisons déterminées, je commence à dessiner les meubles. Là, je suis dans une phase de design pure. Sur l'EOS 54 par exemple, il fallait des meubles légers qui seront utilisés en location. Ces contraintes nécessitent de prendre en compte les matériaux, l'usage et l'ergonomie pour répondre à la demande. À ce stade, je travaille aussi avec le chantier pour voir ce qui est réalisable en termes de cout et de technique, mais aussi d'heures passées pour le chantier et de durabilité.
Le dessin que je réalise va vraiment dans le détail : chants, coutures, tissus… Je rencontre tous les intervenants qui vont travailler sur le bateau pour échanger avec eux sur leur savoir-faire et les exploiter au mieux.
Vous êtes donc présente pendant tout le chantier ?
Surtout sur la fin, je suis très souvent sur le bateau. Je réalise une sorte de suivi de chantier. Par exemple, pour travailler avec l'électricien pour le choix des emplacements des points lumineux ou bien pour le nombre et la position des prises. Tout au long de la construction, j'ai affaire à différents référents avec qui je discute, je négocie.
Combien de temps dure un projet pour vous ? Et qui le finance ?
Voilà 2 ans que je travaille sur l'EOS 54. C'est important d'intervenir à la première discussion avec le client pour le rencontrer à la source, pour lire entre les lignes et décrypter ses envies. Un projet réussi s'étale dans le temps.
La prestation est payée par le client. Parfois elle est intégrée dans la part de l'architecte suivant le montage financier. Et si d'autres bateaux sister-ship sont produits - et à condition qu'ils utilisent mon design intérieur - je suis rémunéré avec des droits d'auteur.