Interview / "Le produit crossover, l'avenir du yacht d'exploration"

Sense

David Legrand, broker chez Fraser Yachts, nous donne son avis sur la tendance de l'Explorer, qui a un bel avenir devant lui dans le monde de la grande plaisance. Et notamment, le produit "transfuge" ou "crossover" qui possède les qualités marines du yacht d'exploration scientifique et les finitions du yacht d'exploration de luxe.

Quel est votre avis sur le marché du grand yachting ?

Le marché du grand yachting est exactement comme l'économie mondiale c'est-à-dire que les acheteurs sont toujours les mêmes. Par contre, la manière d'acheter a changé. Les achats impulsifs ne se font plus et on a une économie beaucoup plus solide et stable ce qui a permis d'assainir l'approche au marché. Les acheteurs ont un budget réaliste qui nous permet de répondre de manière pragmatique. On est dans une relation plus saine qu'avant la crise.

Au niveau de la réparation des ventes, ce sont les gros bateaux qui sont recherchés tandis que les petits ont du mal à se vendre. Les bateaux à 50 millions d'euros se vendent facilement puisqu'ils sont rares tandis que les bateaux à 3 millions d'euros sont beaucoup plus représentés et donc moins attirants.

Les produits type polyester sont ceux qui ont le plus souffert et ont besoin d'être innovants pour se vendre. Aujourd'hui, la tendance est au produit de déplacement, en acier qui représente une valeur sûre même s'il est un peu plus cher à l'achat.

Ulysses

Qu'est-ce qu'un Explorer ?

À mon avis, le marché de l'Explorer a commencé en 2000 avec le Sense, au bateau au concept révolutionnaire en dehors de son design et de ses lignes. L'idée était d'avoir des superstructures, mais aussi la capacité de transporter plein de jouets et de gros tenders à l'arrière. Ça semblait complètement ahurissant dans les années 2000 parce qu'à l'époque, on trouvait des bateaux traditionnels avec le plus de superstructure ou de pont… C'était la période du gigantisme avec des bateaux rutilant et clinquant de 50 m, voire même de 80 m.

A contrario des yachts pouvant transporter des tenders de 7 à 10 mètres maximum, le Sense était capable de pouvoir accueillir des tenders de 10 à 13 m, pour pouvoir profiter d'un mouillage en tout confort.

Finalement, un bateau Explorer possède un design qui lui permet de pouvoir rester longtemps en dehors d'un port, au mouillage si nécessaire, sans avoir besoin de remettre du carburant. Ce sont des bateaux solides, marins pour pouvoir atteindre des destinations compliquées, avec une structure et une ingénierie simple de conception pour pouvoir être réparé rapidement. Ils ont des consommations plus basses et sont capables de faire de longues distances avec de l'équipement à bord et notamment un panel de jouets varié (tender, sous-marin, avion, etc.), pour avoir un déploiement n'importe où dans le monde.

Ulysses

Quels types d'Explorer ont été construits à ce jour ?

Il existe plusieurs sortes de bateaux Explorer. Tout d'abord on a le bateau d'exploration "rough" pur et dur avec une coque "rough" (sans filet). La peinture est directement appliquée sur la coque, avec une superstructure en acier et quasiment soudures apparentes. Ce sont souvent des bateaux d'exploration scientifique.

Ensuite, il y a son évolution avec un bateau "transfuge" ou "crossover" et c'est ce produit qui représente la tendance actuelle. Ce produit "transfuge" est un bateau avec une coque "rough" conçue par un architecte commercial et un design qui rappelle celui d'un yacht mais avec une conception plus facile et moins minutieuse dans les finitions.

Alors qu'il faut compter entre 12 000 et 14 000 €/m2 pour un intérieur de yacht, celui d'un produit "transfuge" ne coutera que 3000 à 4000 €/m2 pour une finition tout à fait cohérente.

Par exemple, le Sense possède une carène tout à fait correcte avec un design intérieur signé Philippe Starck et une capacité à pouvoir accueillir de grands tenders. Pourtant, sa construction a couté deux fois moins cher que celle d'un yacht traditionnel et il a été revendu sans quasiment de dévaluation.

Enfin, on trouve le Spirit of Expedition qui est un bateau qui ressemble à un bateau d'expédition, mais qui reste, in fine, un yacht. Il va être capable d'abriter de grands tenders, mais les finitions sont quand même soignées et ne permettent pas une utilisation poussée avec des navigations hauturières qui pourraient abimer le bateau. (Pour exemple, le Sanlorenzo 142 m ou encore l'Ulysse).

Sense

Y a-t-il une tendance de l'Explorer ?

Le produit transfuge est le produit du futur, mais il ne peut pas être un produit de masse, car il nécessite une ingénierie particulière. Le futur des bateaux d'expédition est dans le produit intermédiaire. C'est aussi un bateau qui nécessite du propriétaire une certaine expérience. Le chantier Fassmer en développe un, mais, c'est un produit confidentiel.

Les produits d'expédition sont des produits beaucoup plus stables sur le marché. La dépréciation sur un bateau de production est d'environ 10 % par an, ce qui est colossal, contre 2 à 3 % pour un yacht d'exploration. Avec peu de produits sur le marché et de plus en plus de demandes, la valeur du bateau ne fluctue quasiment pas.

Quels sont les coûts de construction et d'entretien ?

Le produit transfuge possède un prix intéressant. Alors que pour un yacht de 50 m construit en Hollande on demandera 30 millions d'euros, sur un produit transfuge on économisera au minimum 6 millions d'euros sur la construction. Au niveau de l'entretien courant, un yacht de 50 m coute entre 1,5 et 1,7 millions d'euros à l'année tandis qu'un produit transfuge coutera seulement 1 million d'euros, soit une économie de 500 à 600 millions d'euros, ce qui est colossal.

Quel est le client de l'Explorer ?

Ce n'est pas forcément celui qui recherche beaucoup d'espace, mais celui qui a un programme et qui a déjà eu plusieurs bateaux. C'est quelqu'un qui sait que les yachts traditionnels cassent, sont fragiles, qui veut voyager, en discrétion, partout et avoir beaucoup de jouets à bord. Les propriétaires d'Explorer ont une hygiène de vie et une vision différente. Ce sont souvent des industriels, souvent partis de rien et donc beaucoup plus rationnels.

Est-ce que ces bateaux sont un peu plus écologiques ?

Non. Les yachts modernes sont aujourd'hui déjà très écologiques, mais ils n'existent pas de zéro émission même les bateaux électriques. Ils sont à produire moins impactant sur la faune et la flore, car on prend moins de bois, moins de produits chimiques.

Réalisé en partenariat avec Marine & Océans

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