Quel est le but du projet EcoTransat ?
D'aboutir à la création d'un chantier naval de bateau à base de composites bio-sourcés et principalement à base de fibre naturelle. À terme, nous aimerions proposer des gammes de voiliers en petite ou moyenne série en marque propre. On est vraiment dans l'optique de créer un chantier naval propre.
On est dans une logique de transition citoyenne. Nous souhaitons amener un secteur à changer ses habitudes.
Pour l'instant, on est au début de cette aventure dans la mesure où, hormis quelques expériences prometteuses (Corentin Châtelperron, Roland Jourdain), mais relativement limitées, on ne peut pas dire qu'il existe des voiliers en série à base de fibre naturelle. On rentre donc dans un processus de recherche et de tests par rapport à ce type de matériaux.
Comment comptez-vous réaliser des voiliers en matériaux bio-sourcés ?
On a finalisé une convention de coopération avec l'école d'Alès Département Conception éco-Innovation et Génie des Matériaux Avancés (CIGMA) qui travaille sur 2 aspects :
- Tests de mécanique des matériaux (bois, bambou, jute, lin…) pour les prototypes
- Conception de nouvelles résines ou de matériaux entrant dans la conception des bateaux (vernis, antifouling entièrement bio-sourcés), car aujourd'hui ça n'existe pas.
Actuellement, sur le marché, on trouve la résine époxy de Sicomin (56 % d'origine bio-sourcé et 44 % d'origine pétrochimique), qui se rapproche le plus de ce que l'on cherche. Donc au départ, tous les matériaux utilisés ne seront pas entièrement recyclables comme on l'entend et ne seront pas valorisables.
On est clairement dans une démarche d'éco-conception : fabriquer des voiliers avec ce qui se fait de mieux en matière d'éco-matériau. Par contre, on a conscience qu'on ne pas faire des bateaux totalement écologiques tout de suite, mais on réduit déjà l'empreinte écologique.
Pour réaliser des bateaux éco-conçus, on espère à travers les programmes de recherche, d'ici 5 à 10 ans, avoir des résines entièrement bio-sourcés. Il existe sur le marché des résines recyclables avec des logiques de résine bio-sourcés, mais d'origine pétrochimique (Arkema et Araldite). C'est ce qu'on utilisera en attendant l'avancée des recherches, car c'est ce qui se fait de mieux sur le marché.
Là on parle des coques, mais il y a tout le reste : accastillage, moteur… Mais ce n'est pas la priorité, car on sait que des solutions existent, ça sera de l'adaptation. Les coques sont quelque chose de véritablement innovant.
Comment vérifier la bonne tenue dans le temps des bateaux ?
On rentre dans une phase test de 4 ans pour pouvoir tester en laboratoire la résistance des matériaux, la durabilité, le vieillissement, etc. Les matériaux seront testés théoriquement en laboratoire dans un premier temps.
Dans un deuxième temps, nous organiserons des raids pour pouvoir tester en conditions réelles ce type de matériaux et ce type de voilier. La bonne idée que Gilles a eue (Gilles Melon, initiateur et constructeur du bateau) c'est de fabriquer des prototypes sur un plan de bateau de course : performant, 7,50 m de long, capable d'aller à 10/15 nœuds en moyenne… pour se rendre compte du comportement et de l'état du bateau dans des conditions importantes.
Au total, ce sera un parcours de 20 000 milles (40 000 km) en 2 ans, ça représente plus que la moyenne réalisée par la plupart des bateaux en 30 ans. On va les faire vivre en accéléré. Ils partiront tous en même temps avec des équipages interchangeables et seront de nature différente, donc avec des performances différentes (fibre de lin, bambou, bois, jute…)
Une question que l'on se pose et à laquelle on répondra à la fin de cette période expérimentale c'est "est-ce que les bateaux ne seront pas un assemblage de plusieurs matériaux ? Quels seront les meilleurs matériaux ?"
Après on les démantèlera complètement pour tester en laboratoire les matériaux. Ces deux raids vont aussi servir à trouver des sponsorings pour financer la réalisation des prototypes.
Comment vous situez-vous parmi les acteurs du nautisme ?
Nous avons avant tout une ambition humaine. Nous voulons rester un fer-de-lance de l'éco-nautisme et n'avons pas envie d'être un grand entrepreneur. Par contre si notre travail abouti – le travail de recherche des ingénieurs étudiants - il pourra être transféré sur tout un tas d'autres applications : bâtiment, design, ameublement… tout ce qui utilise les matériaux composites.
Dans tous les cas, nous sommes dans une logique d'entreprise sociale qui répond à un besoin non satisfait ou mal satisfait de notre société. Notre logique est de créer des emplois (avec la création d'un chantier), d'être une entreprise citoyenne et d'avoir une rentabilité économique et financière de notre projet et au service de ce projet.