Vous partez pour 2 mois, allez-vous vivre en solitaire ?
Oui totalement. On va faire le plein des réserves avant parce que là-bas il n'y a rien, pas d'eau ni d'électricité, ni de chauffage, ou d'aménagement. Il y a juste une maison avec quelques pièces délabrées où l'on peut s'installer, mais il faut amener au moins le mobilier de base : lit, chaise, table. On est quand même dans des conditions extrêmement précaires.
Pouvez-vous être contacté sur place, avez-vous des moyens de communication ?
On va les installer, mais oui, il y aura une liaison satellite qui me permettra de faire le point à des périodes prévues, ou qui sont en train d'être organisées.
La période d'octobre et novembre est-elle liée au planning nécessaire pour la mise en place de l'opération ?
Non c'est un choix volontaire. C'est une mauvaise période, mais ça permet de connaître Tévennec dans ce qu'on appelle l'enfer. Quand il y a du mauvais temps, les vagues passent par-dessus le toit de la maison. C'est pour être au cœur de l'évènement, une chose que les anciens gardiens, de la fin du 19e et jusque dans les années 1900 ont connu. J'aimerais m'inscrire dans cette lignée, très modestement, et vivre ce qu'ils ont vécu.
On a des photos du gros temps qui ont été faites à Tévennec, mais elles ont été prises par hélicoptère. Personne n'a immortalisé la scène depuis la terrasse ou à maison ou n'a décrit ce qu'elle voit, ce qu'elle entend, ce qu'elle ressent.
Il faut y être et je vais donc avoir les impressions des gardiens comme en 1900 et surtout je vais prendre des photos ou des vidéos que personne ne peut faire puisqu'il faut y être.
Côté sécurité, comme ça se passe en cas de forte houle ou de tempête ?
Il faut faire très attention. Il y a une petite terrasse autour de la maison et ça s'arrête là. Il ne faut pas sortir autour. De toute façon en cas de gros temps, il faut rester dans la maison. Les vagues passent au-dessus de la maison et inondent la terrasse, en transportant des rochers. C'est dangereux. Il ne faudrait pas perdre la vie avec des bêtises de ce genre.
On reste dans une aventure humaine, technique, mais aussi physique, géographique ou maritime. On n'est jamais à l'abri du très gros coup de temps ou de l'imprévu. Il ne faut pas oublier qu'en 100 ans le toit de Tévennec s'est envolé 3 fois, arraché par une vague. Alors je ne sais pas si ça aura lieu quand je serais à l'intérieur, mais c'est déjà arrivé et le toit n'est pas dans un très bon état. Il ne faut pas oublier que je suis sur un phare, situé au ras des flots, tout peut arriver. La maison tient depuis 140 ans, mais il y a eu plusieurs gardiens morts ou balayés par la mer.
La seule chose qui a changé c'est qu'aujourd'hui, en cas de problèmes, on utilise la VHF et l'hélicoptère est là dans la demi-heure. Les méthodes d'intervention sont radicalement différentes.
Avez-vous pensé à l'éventualité que vous ne vous sentiez pas bien sur ce phare ?
Ça reste dans le faisable évidemment, mais je suis plutôt d'un naturel déterminé. Et j'ai longtemps navigué à la voile, dans des conditions pas toujours faciles donc j'ai un peu d'expérience, mais je reste modeste. Ce n'est pas une aventure, qui à priori m'effraie, mais qui conserve bien sûr ses difficultés dont je mesure une partie, probablement pas tout.
Enfin physiquement et mentalement je pense être à 93 %, après il y a toujours une part d'inconnu. Mais je me sens prêt, la solitude et la détermination ne sont pas quelque chose qui m'effraie. Je ne suis pas du genre à craquer après je ne dis pas que je ne craquerai pas parce que les conditions extrêmes je ne les connais pas. C'est aussi en restant modeste et attentif qu'on passe à travers les épreuves.