Pour pallier aux bateaux anciens qui coutent chers à entretenir mais aussi qui polluent nos mers, de nombreuses PME font travailler leur service de Recherche & Développement pour faire évoluer les bateaux. Plus sécurisés, moins couteux en énergie, plus propres, plus faciles à entretenir voilà comment devraient évoluer les navires, aussi bien les bateaux de pêche que de plaisance ou encore les transporteurs de marchandises ou de personnes. Les pôles de compétitivité Mer Médittérannée et Bretagne Atlantique soutiennent plusieurs entreprises comme A2V, Beyond the Sea, CMR, Fortil, Optis, Sofresud et STR-Europe qui travaillent notamment sur le mode de propulsion des navires. Sujet d'autant plus stratégique puisque une des nouvelles réglementations de l'Organisation Maritime Internationale (OMI) consiste à réduire les émissions de soufre en mer dans certaines SECA (Sulfur Emission Control Area).
Trouver une nouvelle source de carburant plus respectueuse de l'environnement
Depuis le 1er janvier 2015, les bateaux navigants sur la Manche, la Mer du Nord et la Baltique devront utiliser un carburant avec une teneur en soufre égale à 0,1 % contre 1 % actuellement. En 2020, cette obligation touchera toutes les mers et océans avec une teneur en soufre égale à 0,5 %. C'est peut-être donc la fin du fioul qui est annoncée.
D'autres carburants sont actuellement à l'étude comme le Gaz Naturel Liquéfié (GNL) qui permet de diminuer les rejets d'oxyde d'azote, de CO2 et les particules fines. La compagnie Brittany Ferries a d'ores et déjà commandé au constructeur naval STX Europe un ferry au gaz avec des cuves de GNL dans ses soutes. Il sera livré en 2016, mesurera 210 mètres de long et transportera 2 474 passagers 600 véhicules et 40 camions pour une valeur de 270 millions d''uros. Ce projet a obtenu une trentaine de millions d'euros d'aides dans le cadre des investissements d'avenir.
Même si le gaz reste une bonne idée pour réduire les émissions d'énergies polluantes, sa mise en œuvre reste difficile "Leur ravitaillement nécessite de trouver des autorités portuaires et des fournisseurs de gaz qui acceptent de développer des infrastructures à terre pour alimenter les navires" explique Christophe Avellan, directeur adjoint du pôle Mer Méditerranée.
Tracter les navires avec des kites-surf
Le programme Navire du Futur soutient 34 projets collaboratifs pour un montant de 129 millions d'euros. Parmi toutes ces idées, Beyond the Sea propose de tracter des bateaux à l'aide de cerfs-volants. Ce programme, piloté par le navigateur Yves Parlier est co-labéllisé par les pôles Méditerranée et Mer Bretagne et regroupe les entreprises CMA-CGM et Porcher Industries ainsi que l'école d'ingénieurs ENSTA Bretagne. "Notre idée consiste à tracter les bateaux à l'aide d'un cerf-volant. Ce qui fait gagner 20% d'énergie sur la facture dès lors que le vent atteint 18 km/h. Dans cette configuration, un porte-conteneurs pourrait économiser 30.000 litres de carburant par jour ! Le système se composera d'un cerf-volant gonflable équipé de capteurs de position et de mouvements. Il sera aussi piloté par ordinateur grâce à un jeu de treuils et de poulies, explique l'ingénieur-navigateur. D'autres systèmes existent, notamment celui de Skysails. Mais ce dernier est compliqué à mettre en œuvre."
Une campagne d'essai aura lieu sur un bateau de pêche de 13 mètres de long grâce à une voile de 50m2 fabriquée à Arcachon. Le vol sera contrôlé automatiquement. Pour financer sa recherche Yves Parlier a prévu de développer son projet pour des bateaux de taille moins importante (5 à 10 mètres). "Progressivement, nous proposerons des systèmes pour de plus grands bateaux avec des cerfs-volants de plus en plus automatisés."
Proposer une alternative architecturale ou électrique pour des bateaux rapides
A2V (Advanced Aerodynamic Vessels), jeune entreprise créée en juin 2013 à Carquefou (Loire-Atlantique), veut, de son côté, proposer des navires rapides mais peu gourmands en énergie. Ressemblant à un catamaran, sa nacelle en forme d'aile lui permettrait de voguer sur les eaux mais aussi dans les airs. "Par rapport à un bateau de conception traditionnelle et de taille comparable, notre bateau ira deux fois plus vite tout en consommant moins de carburant pour l'ensemble du trajet" explique Matthieu Kerhuel, directeur général de l'entreprise.
A2V veut se spécialiser dans la création de bateaux rapides pour le transport de passagers ou de personnels à destination des plateformes pétrolières. "Nous avons prévu de construire fin 2014 un premier prototype d'une dizaine de mètres avant de passer à une unité de 25 mètres allant à une vitesse de 60 noeuds, annonce le directeur général de l'entreprise qui vient de clôturer une levée de fonds de 550 000 euros auprès de particuliers. Ces fonds vont contribuer à renforcer l'équipe qui comptera une dizaine de personnes fin 2014, dont des ingénieurs et docteurs issus de l'École centrale de Nantes."
STR Europe, (Sustainable Technology and Research), groupe d'ingénierie navale spécialisé dans la propulsion électrique et hybride a mis en place le projet Déesse. C'est une navette qui fonctionnera à la manière d'une voiture hybride, au diesel et à l'électricité grâce à des batteries au lithium. En association avec Eca Electronaval, Moteurs Baudouin et SupMéca, le groupe a créé une première navette toute électrique à destination de la Guadeloupe. Elle a une capacité de 50 personnes et fonctionne avec des batteries Lightionics rechargeables qui lui offrent une autonomie de 15 heures. Faute de trouver un partenaire français cette navette a été réalisée par un chantier turc.
Proposer des solutions "tout électrique"
La société Fortil, spécialisée dans l'ingénierie, s'est lancée dans la conception et la vente d'un nouveau moteur tout électrique pour des petits bateaux et des annexes. Ce projet, nommé SL-One, qui a nécessité deux ans d'études et 500 000 euros de budget, s'est vendu à 900 exemplaires en France lors de sa première année de mise en service. Son gros avantage réside dans le fait que sa batterie de moteur se recharge en deux heures grâce à un panneau solaire. "L'alimentation est automatique et elle est même optimisée grâce à la carte électronique, qui pilote l'absorption du rayonnement sur le panneau, explique Frédéric Brinon, en charge de la commercialisation du produit, qui se veut une rupture technologique et commerciale, puisque le moteur est vendu moins de 1.400 euros (contre plus de 2.000 euros pour des modèles concurrents). Résultat, sur un marché potentiel de 7.000 unités, Fortil compte en vendre 3 000 en France et à l'export."
Malgré le potentiel des moteurs électriques ils ne peuvent pas être posés sur des bateaux effectuant des longues distances. Le fioul et le diesel restent donc pour le moment la principale énergie utilisée.
C'est là que le projet Airclair prend tout son sens. Mis en place par la société CMR (Contrôle Mesure Régulation), groupe spécialisé dans l'instrumentation marine, il consiste à créer de nouveaux capteurs capables d'analyser en continu la qualité du carburant entrant dans le moteur. Ce projet qui est actuellement en phase terminale permettra donc d'optimiser le réglage du moteur à injection électronique. Cela va permettre d'économiser 5 % sur la consommation de carburant. Ces capteurs qui ont nécessité 3,3 millions d'euros de budget sont financés à hauteur de 1,5 millions par le FUI (Fonds Unifié Interministériel) et les collectivités de la région PACA. Pour mettre en place et fabriquer ce projet, CMR s'est allié avec l'Ecole Centrale de Marseille, l'université d'Aix, la CMN (Compagnie Méridionale de Navigation) et SP3H, qui détient le savoir-faire. "Les capteurs seront produits à Marseille et équiperont les moteurs de bateaux mais aussi ceux des centrales électriques, qui sont confrontées aux mêmes problématiques de rentabilité" explique Patrice Flot, directeur général adjoint de CMR.