En juin 1958, un équipage de trois hommes et une femme s'embarque pour une traversée inédite de l'Atlantique en ballon à hydrogène. Un projet ambitieux qui se transforme rapidement en une lutte de 24 jours pour la survie après l'amerrissage de la nacelle. Fruit de l'ingéniosité de l'architecte et navigateur écossais Colin Mudie, celle-ci, reconvertie en bateau, devient un élément crucial pour l'équipage. Voici leur histoire, fondée sur les faits rapportés par Rosemary Mudie dans Look and Learn, un journal hebdomadaire publié en 1965.
Sur les traces des alizés
L'histoire de cette traversée hors du commun débute lorsque Colin Mudie, son épouse Rosemary et leur ami Bushy Eiloart discutent au cours d'un dîner de leurs précédentes navigations transatlantiques. "Colin a fait remarquer que tous ces voyages auraient été plus secs et beaucoup plus rapides si nous avions pu flotter dans un ballon à trente mètres au-dessus de la mer, avec les alizés nous emportant directement vers notre destination", se souvient Rosemary Mudie. Ce rêve d'évasion aérienne se transforme alors très vite en projet concret. Colin Mudie, homme aux multiples talents, est reconnu pour sa capacité à concevoir des engins de course ainsi que des répliques de voiliers historiques. Sa première traversée de l'Atlantique, réalisée en 1951 avec son ami Patrick Ellam à bord du croiseur Sopranino, un voilier de 19 pieds, a déjà marqué les esprits.
Rapidement, l'équipe est renforcée par le fils de Bushy, Tim, étudiant de 21 ans. Ils prennent contact avec le département de l'université de Bristol, réputé pour ses recherches sur les ballons-sondes, ainsi qu'avec le professeur Powell, lauréat du prix Nobel de physique. En cette fin des années 1950, l'objectif d'une traversée en ballon devient une occasion d'étudier les conditions météorologiques et aérologiques des alizés à haute altitude. L'Imperial College of Science de Londres propose également de prêter des instruments de mesure essentiels à l'expédition.
Une conception innovante
Colin Mudie se consacre à la création d'un ballon d'une envergure impressionnante, mesurant 14 mètres de diamètre et capable de contenir 1 500 mètres cubes d'hydrogène.
Il imagine également une nacelle astucieusement conçue pour se transformer en voilier en cas d'amerrissage imprévu.
Les spécialistes conseillent l'utilisation de matériaux modernes pour la fabrication de l'enveloppe : une toile de Tergal recouverte de Néoprène, garantissant ainsi robustesse et légèreté. Rosemary Mudie expose les difficultés inhérentes à cette conception : "En théorie, et dans des conditions stables, nos 53 000 pieds cubes d'hydrogène pourraient soulever 3 600 livres. En pratique, les conditions ne sont jamais stables et il faut surveiller en permanence l'altimètre. La chaleur peut dilater le gaz et vous faire monter, ou un courant thermique peut attraper le ballon et le soulever comme un cerf-volant. Pour contrôler la montée et la descente, le pilote doit larguer du lest, généralement du sable, ou laisser échapper du gaz."
Pour éviter d'utiliser du sable comme lest, l'équipe décide de récupérer de l'eau de mer et envisage également d'utiliser de l'hydrure de calcium pour produire de l'hydrogène supplémentaire. Pour accroître la portance, des hélices horizontales à pédales sont ajoutées pour propulser l'air vers le bas.
Enfin, un dispositif de freinage suspendu sous la nacelle et matérialisé par une corde de traînage de 80 livres (environ 36 kilogrammes) est intégré. En étant immergée dans l'eau, elle augmente la résistance et soulage la charge en fonction de la hauteur, tout en offrant un soutien supplémentaire lorsque le ballon est soulevé au-dessus de la mer.
Une préparation minutieuse
Le 12 décembre 1958, le moment tant attendu arrive : l'équipage décolle de la plage de Medano, à Tenerife. Aux commandes, le capitaine Bushy Eiloart avec son fils Tim qui assurent les fonctions d'opérateurs radio et de météorologues, ainsi que le duo formé par le concepteur-navigateur Cohn Mudie et la photographe Rosemary Mudie, partent pour une traversée inédite de 3 600 milles à travers l'Atlantique, faisant de Small World le premier ballon à s'engager dans une telle aventure d'est en ouest. Pendant près de 3 ans, ils ont planifié minutieusement cette expédition, apprenant à construire et piloter leur propre ballon, tout en s'assurant que la conception de l'engin puisse accueillir en toute sécurité les membres de l'équipage au-delà de tout précédent. Les efforts de Bushy pour obtenir des sponsors britanniques ont permis de finaliser les préparatifs et de donner vie au projet de traversée.
L'aventure du Small World marque le début d'un périple hors du commun alliant l'innovation technique et l'audace humaine. Après des années de préparation et un décollage réussi de Tenerife, l'équipage se lance dans une traversée de l'Atlantique à bord de leur ballon à hydrogène. Mais ce projet ambitieux, soutenu par des prouesses d'ingénierie, se heurte rapidement aux caprices de la mer et des éléments. Ce n'est que le début de leur épopée. La suite, marquée par un naufrage inattendu, révélera toute la force et l'ingéniosité de l'équipage face à l'adversité. Découvrez comment ils ont lutté pour leur survie dans la deuxième partie de cette série.