Retour d'expérience / Sauvetage inattendu d'un voilier de 8 mètres par Götheborg, réplique d'un trois-mâts historique 1/2

© David Moeneclaey

Au large de Guernesey, le petit voilier de plaisance Corto a été secouru par Götheborg, réplique d'un trois-mâts suédois du 18e siècle considéré comme l'un des plus grands voiliers en bois du monde. Récit de David Moeneclaey, l'un des copropriétaires du Corto. Première partie de ce récit en 2 épisodes.

Le 25 avril 2023, au large de Guernesey, un sauvetage en mer hors du commun s'est déroulé. Corto, un modeste voilier de plaisanciers belges mesurant 8 mètres, avait quitté Cherbourg plus tôt dans la journée lorsque des difficultés sont survenues à la suite d'une avarie. L'appel de détresse a été intercepté par le Götheborg, un majestueux trois-mâts carré suédois de 47 mètres, réplique d'un bateau historique du 18e siècle et considéré comme l'un des plus grands voiliers en bois du monde. David Moeneclaey, l'un des copropriétaires du Corto, nous relate les événements de cette journée.

Prologue : paré pour l'aventure

Corto est un petit voilier Jeanneau Fantasia de 8 mètres. Il a été entièrement rénové par ses copropriétaires Ronan Guédé et David Moeneclaey. Ces deux marins expérimentés, qui ont déjà plusieurs traversées océaniques à leur actif, l'ont renforcé et adapté pour la navigation en haute mer. Chaque année, ces marins passionnés quittent Bruxelles, où le bateau passe l'hiver dans le bassin du BRYC (Bruxelles Royal Yacht Club), pour explorer de nouveaux horizons. L'été 2022, ils ont sillonné la Baltique. En 2023, ils choisissent la Bretagne Sud comme destination, la région d'origine de Ronan. Le principe est simple : ils se relaient pour convoyer le bateau jusqu'à la destination, puis chacun, à tour de rôle, explore la région en famille. Cette année-là, Ronan a assuré la première partie du convoyage de Bruxelles à Cherbourg, avant de passer le relais à David et l'un de ses amis, Simon Standaert, pour la deuxième partie du voyage.

© David Moeneclaey
© David Moeneclaey

Départ de Cherbourg : cap sur Lorient

Après trois jours d'attente pour avoir une fenêtre météo propice, le 25 avril à une heure du matin, nous quittons Cherbourg en direction de Lorient. Nous avons choisi cette heure matinale pour profiter des courants favorables au nord des îles Anglo-Normandes. Notre itinéraire a été soigneusement planifié pour optimiser les variations de direction du vent. Simon qui vient de réaliser un tour de l'Atlantique, et moi-même, habitué à ce type de convoyage, prévoyons une durée de navigation d'un peu plus de deux jours, sans escale. Cependant, si cela s'avérait nécessaire, nous pourrions nous arrêter quelques heures, soit à l'Aber Ildut, soit à Camaret dans le cas où il faudrait attendre des courants favorables pour contourner la fameuse pointe du Raz, située à l'extrême ouest de la Bretagne, réputée pour ses forts courants. Avant chaque navigation de plusieurs jours, nous nous assurons que tout est en ordre à bord. Chaque détail est vérifié avec minutie. L'avitaillement est complet, et nous avons notre feuille de quart affichée sur la table à carte. La mer est calme, avec une force de vent de 3 à 4 Beaufort, qui nous pousse vers l'ouest. Notre voilier avance tranquillement, porté par le vent arrière, avec seulement le foc partiellement déroulée.

Un incident inattendu

Pas besoin de presser notre petit navire, nous avons tout le temps nécessaire pour profiter de cette agréable traversée. Nous assurons les quarts de navigation, alternant entre la gestion du bateau et le repos. À 15h30, Simon m'appelle de plus en plus fort. Je sors précipitamment de ma bannette et aperçois Simon en train de tenir la barre d'une manière étrange. Je regarde vers l'arrière du bateau et constate que le safran ne tient plus que par l'aiguillot supérieur, qui est lui-même tordu.

Tout se bouscule dans ma tête. Ma première réaction est de sécuriser le bateau et l'équipage. Simon et moi nous regardons. Il est impératif d'agir rapidement pour sauver le safran et tout ce qui peut l'être. Nous enroulons entièrement le foc afin d'immobiliser le bateau et réduire les contraintes exercées sur le safran. À l'aide d'un cordage, nous l'assurons solidement pour pouvoir le récupérer rapidement à bord. Malgré la petite taille du bateau, le safran reste une pièce de taille conséquente. Mesurant 2,20 mètres, il pèse un poids initial non négligeable auquel il faut ajouter la force de l'eau sur la pelle et les mouvements du bateau, dérivant, poussé par le vent et les vagues. La manœuvre comporte des risques, et nous faisons très attention à ne pas nous coincer les mains lors de cette opération.

Une fois les mesures de sécurité prises, nous faisons rapidement le point sur la situation. Le gouvernail de Corto est d'une conception simple : un safran externe attaché par deux solides charnières en inox sur le tableau arrière du bateau. Les deux plaques inférieures en inox qui relient le safran à l'axe de rotation de la charnière se sont simultanément déchirées. De plus, la pale du régulateur d'allure a également été endommagée. Il semble évident que nous avons heurté quelque chose qui flottait à mi-eau et qui a touché notre safran.

Nous prenons immédiatement la décision de lancer un appel PAN-PAN à l'aide de la VHF, afin de prévenir les autorités que nous sommes non manœuvrants. Nous nous trouvons à plus de 50 milles nautiques des côtes bretonnes, juste au sud de la route empruntée par les cargos dans la Manche. Il est donc important de partager notre position et notre situation. Dans de telles circonstances critiques, il est préférable de simplifier les actions à entreprendre. La procédure d'urgence d'appel radio est la première page de notre journal de bord "maison", et la position exacte du bateau est constamment affichée sur l'écran de notre petit GPS, nous permettant de la transmettre aisément.

© David Moeneclaey
© David Moeneclaey

L'arrivée du Götheborg

Après avoir émis l'appel PAN-PAN à la radio VHF, nous entendons une réponse d'un autre navire : "Nous sommes un voilier trois-mâts de 50 mètres et nous vous proposons de vous remorquer jusqu'à Paimpol". Simon et moi nous regardons, interloqués et perplexes. À plusieurs reprises, nous leur précisons que nous sommes à bord d'un petit voilier de 8 mètres. Cependant, la réponse reste inchangée : "Nous sommes un trois-mâts de 50 mètres, nous vous proposons de vous remorquer". Nous sommes perplexes face à cette différence de taille entre nos deux bateaux. Nous craignons d'être remorqués par un navire trop grand et à une vitesse trop élevée, ce qui pourrait fortement endommager notre propre bateau. Malgré nos inquiétudes, nous ne pouvons pas hésiter trop longtemps devant cette main tendue.

L'arrivée du Götheborg sur les lieux est rapide et surprenante. Nous ne nous attendions pas à voir arriver un navire marchand de la Compagnie des Indes orientales du 18e siècle... C'est un spectacle grandiose et majestueux. Un véritable voyage dans le temps. Pour nous qui sommes au ras de l'eau, ce bateau nous semble vraiment très grand et imposant. Une partie de son équipage est montée dans la mâture, positionnée sur les vergues pour carguer ses voiles. C'est très impressionnant.

L'équipage du trois-mâts se révèle être une équipe de marins habiles et expérimentés. Ce moment est extrêmement étrange et nous commençons à nous demander si nous sommes en train de rêver. Avec notre safran détaché, ce bateau d'une autre époque qui s'approche, nous nous interrogeons sur notre situation. Où sommes-nous ? À quelle époque sommes-nous réellement ? Je me demande : et si tout cela n'était qu'un rêve ? Je vais sans doute bientôt me réveiller et tout redeviendra normal.

© David Moeneclaey
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